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Tous droits réservés © Recherches amérindiennes au Québec, 2017 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 29 juil. 2020 19:52 Recherches amérindiennes au Québec Représentations d’espaces et droits territoriaux autochtones chez les Premières Nations du Canada Étienne Le Roy Création orale et littérature Volume 46, numéro 2-3, 2016 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1040437ar DOI : https://doi.org/10.7202/1040437ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Recherches amérindiennes au Québec ISSN 0318-4137 (imprimé) 1923-5151 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Le Roy, É. (2016). Représentations d’espaces et droits territoriaux autochtones chez les Premières Nations du Canada. Recherches amérindiennes au Québec, 46 (2-3), 79–90. https://doi.org/10.7202/1040437ar Résumé de l'article La participation de l’auteur, depuis une trentaine d’années, à divers programmes canadiens mettant en jeu le rapport au droit en situation coloniale et post-coloniale a débouché sur une invitation à se joindre au programme « Peuples autochtones et gouvernance » pour y travailler sur la question des revendications territoriales des Premières Nations du Canada et tenter de remédier à leur aporie. D’un point de vue anthropologique, les rapports des autochtones aux territoires sont dominés par une représentation de l’espace « odologique », comme science des cheminements privilégiant une appropriation des ressources (fruits au sens juridique) là où le droit civil ou la common law reposent sur une approche « géométrique » et sur la propriété du fonds. Des perspectives judiciaires nouvelles semblent ainsi envisageables. L’auteur présente ici le cadre théorique général de la démarche, laissant à des collègues québécois le loisir d’en apprécier l’applicabilité. 7 9 r e c h e r c h e s a m é r i n d i e n n e s a u Q u é b e c , x l v I , n o s 2 - 3 , 2 0 1 6 L e texte suivant entend contribuer à une réévaluation des problémati­ ques usuellement mises en œuvre dans les travaux portant sur les droits territoriaux des populations autoch- tones. Il s’inscrit dans trois grands domaines de recherche dont il com- bine certaines avancées, une lecture d’anthropologie politique du droit, une synthèse des modes d’appropriation foncière à l’échelle planétaire et une contribution à la décolonisation des rapports au droit des autochtones canadiens. Chacun de ces domaines ayant fait l’objet de synthèses dispo- nibles et la place étant comptée, je ne ferai qu’une esquisse théorique des avancées et des questionnements qui ont nourri le programme « Peuples autochtones et gouvernance » (PAG) auquel j’ai été associé durant près de sept années. L ’anthropologie juridique est née, tant sur les rives de la Seine qu’en Californie, dans les années soixante, de la transformation de la vieille ethno­ logie juridique dans des contextes de décolonisation politique et écono- mique qui ont à la fois renforcé la place du droit dans la construction des nouveaux États et surdéterminé les facteurs de modernisation selon le paradigme de l’occidentalisation. Dans la suite des remises en question de la place du droit et de sa conceptua- lisation, le pluralisme juridique est devenu, dès les années 1970, un enjeu majeur des analyses de politique juri- dique. D’abord plutôt réservé, par pru­ dence (Le Roy 1984), je me suis converti dans les années 1990 à une conception proche du pluralisme radical (Le Roy 1999, 2003) illustré par Rod Macdonald (1986, 2002) ou Jacques Vanderlinden (2013), et cette approche pluraliste est à l’ori- gine des questionnements qui, depuis 1965, ont provoqué des remises en cause de certains paradigmes, dont le propriétarisme. La question foncière liée à celle de la généralisation de la propriété privée de la terre dans les sociétés des Suds en voie de décolonisation a dominé ma démarche d’anthropologue depuis ma première grande recherche de ter- rain, en 1969, chez les Wolof du Sénégal, où je cherchais à comprendre le sens des innovations et des fidélités inscrites dans la nouvelle législation dite « loi sur le domaine national » du 17 juin 1964, en choisissant de faire remonter l’analyse historique des pré- cédents non seulement à la période coloniale, déjà très riche à partir des escales négrières de Gorée ou de Saint- Louis, au xviie siècle, mais aux concep- tions autochtones que la nouvelle législation entendait renouveler et qui se maintenaient toujours, en 1969, extra legem, hors la loi sinon contre la Vol. xLvI, Nos 2-3, 2016 Étienne Le Roy Laboratoire ­ d’anthropologie juridique de Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Représentations d’espaces et droits territoriaux autochtones chez les Premières Nations du Canada1 8 0 r e c h e r c h e s a m é r i n d i e n n e s a u Q u é b e c , x l v I , n o s 2 - 3 , 2 0 1 6 loi. Ce terrain de 1969 est fondateur en ce sens que j’y ai vérifié que les sociétés africaines n’avaient nul besoin de la propriété de la terre, privée comme publique, pour assurer une sécurisation communautaire, et que les solutions juri- diques utilisées n’avaient aucun rapport avec la réglementa- tion que la colonisation avait tenté de leur imposer sous le titre de droit coutumier. C’est dans ce contexte que j’ai repris et développé les analyses de Paul Bohannan (1963) sur les représentations d’espaces, une démarche qui s’est amplifiée durant les vingt dernières années dans une perspec­ tive de science des territoires (Beckouche et al. 2012) et dont je rends compte dans La terre de l’autre (Le Roy 2011). L ’objet propre de cet article est associé à des compagnon- nages avec des chercheurs canadiens à propos d’une « science de l’autre » (Gaudreault-DesBiens 2004) et ce, depuis 1974, lorsque j’ai présenté au congrès de l’associa- tion canadienne des études africaines à Halifax mes avan- cées réalisées dans le domaine du droit et de la justice (Le Roy 1975). À partir du début des années 1980, je vais fréquenter de plus en plus régulièrement les rencontres scientifiques canadiennes à l’invitation d’Alain Bissonnette ou de l’Institut interculturel de Montréal (Vachon 2006), à McGill (Le Roy 2006), pour y parler d’anthropologie ou du Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal, en particulier à l’instigation d’Andrée Lajoie (2006, 2007), pour y traiter de décolonisation juridique des populations autochtones de part et d’autre de l’Atlantique (Le Roy 2008), puis de Pierre Noreau (Le Roy 2007). Cette communication a pour objet d’aborder la question territoriale et foncière chez les Premières Nations d’une manière sinon renouvelée, au moins sensiblement réorientée par la reconnaissance de paradigmes jusqu’à maintenant ignorés dans ce domaine de la recherche. Elle prolonge les travaux historiques et juridiques de deux estimés collègues avec lesquels j’ai collaboré depuis longtemps (Morin 1998 ; Otis 2008, 2012) et deux publications (Le Roy 2011 ; Noreau, 2010) qui introduisent une démarche commune à un petit collectif de chercheurs, réuni dans le cadre du pro- gramme « Peuples autochtones et gouvernance »2. Sylvie Vincent et Jacques Leroux illustreront dans une contribu- tion séparée les potentialités anthropologiques actuelles de nos travaux communs (voir les textes de Sylvie Vincent et de Jacques Leroux, dans ce numéro). Pour résumer cette démarche et les remises en cause qu’elle a supposées, il faut concentrer notre attention sur la place et le rôle que nous reconnaissons, dans notre vie quo- tidienne et de part et d’autre de l’Atlantique, donc tant au Canada qu’en France, à la propriété et, plus particulière- ment, à la propriété privée puis à la conception du territoire qui lui est associée. Quoi de plus évident, naturel, néces- saire, utile ou indispensable que la propriété privée, surtout en ce début de xxie siècle où les hypothèses du socialisme sont maintenant tenues pour des hypothèses dépassées et où le néo-libéralisme semble régner en maître ? Et quand on passe des régimes de propriété en général à la propriété fon- cière en particulier, donc au statut du fonds de terre, on change de registre en passant du profane au sacré puisque, selon l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, reçue comme réunissant des prin- cipes au fondement de l’ordre juridique, « les propriétés [sont] un droit inviolable et sacré… »3. On a beaucoup glosé (Leclair 2002 ; Le Roy 2011) sur cette formulation, ses implicites et ses conséquences ici essentiellement pratiques (protéger le citoyen en cas d’expropriation pour cause d’uti- lité publique). On a également relevé la mystique de l’omni- potence (Comby 1991), qualifié de « névrotique » l’approche des juristes civilistes positivistes (Tribillon 2012), relevé l’addiction à l’égard du propriétarisme comme de l’étatisme, nouveaux « opiums du peuple », et expérimenté le carac- tère obsessionnel du uploads/S4/ premieres-nations-droit-territoire.pdf

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  • Publié le Dec 30, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
  • Taille du fichier 1.2618MB