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La Revue des droits de l’homme Revue du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux 11 | 2017 Revue des droits de l'homme - N° 11 La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de protection des droits de l’homme Nisrine Eba Nguema Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/revdh/2844 DOI : 10.4000/revdh.2844 ISSN : 2264-119X Éditeur Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux Référence électronique Nisrine Eba Nguema, « La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de protection des droits de l’homme », La Revue des droits de l’homme [En ligne], 11 | 2017, mis en ligne le 05 janvier 2017, consulté le 08 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/revdh/2844 ; DOI : https://doi.org/10.4000/revdh.2844 Ce document a été généré automatiquement le 8 juillet 2020. Tous droits réservés La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de protection des droits de l’homme Nisrine Eba Nguema 1 « Promouvoir les droits de l’homme et des peuples et (…) assurer leur protection en Afrique1 » est l’objectif de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine). Cette dernière a en effet été créée pour assurer la mise en place d’un système de protection des droits de l’homme, permettre son développement et veiller à son efficacité. À ce titre, elle a été pendant plus de vingt ans la seule garante de l’effectivité des droits de l’homme au niveau de l’Afrique. Toutefois, cette Commission dont l’autonomie est garantie en théorie2 n’existe qu’en contrepartie d’une certaine soumission aux États africains. En d’autres termes, l’autonomie réelle de la Commission africaine est très limitée, puisque son fonctionnement dépend largement des États africains. 2 D’abord, ses membres sont choisis au sein des États membres de l’Union africaine (UA) et sont élus par la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement. Le choix et l’élection des membres de la Commission africaine sont donc du ressort des chefs d’État, sur la base, faut-il le souligner, de « leurs qualités de moralité, d’intégrité, d’impartialité et leur compétence en matière des droits de l’homme »3. Il s’agirait donc d’un choix dicté par les compétences des postulants, et non par leurs affinités avec le pouvoir. Néanmoins, le fait que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) ne limite pas le nombre de mandats4 -dont le renouvellement échoit aux chefs d’État- ne favorise pas l’impartialité des membres de la Commission africaine. La volonté de briguer un nouveau mandat met les membres de la Commission africaine dans une situation de faiblesse et de retenue vis-à-vis de leurs États respectifs. Ainsi, même hors de leurs États, ils restent dépendants de ces derniers. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de... La Revue des droits de l’homme, 11 | 2017 1 3 Par ailleurs, la Commission africaine ne peut fonctionner sans un financement conséquent. Ce dernier est à la charge des États membres qui s’acquittent de cette obligation en fonction de leur bonne volonté. En effet, s’ils n’exécutent pas cette obligation, ils n’encourent aucune sanction. Or, le bon fonctionnement de la Commission africaine et la réalisation de ses activités sont conditionnés par l’allocation des fonds par les États. La Commission africaine a d’ailleurs dû à plusieurs reprises solliciter des aides financières auprès d’institutions5 et d’États non africains 6 pour pallier à l’insuffisance de son budget ou au retard des États africains. 4 D’autres critiques ont souvent desservi la Commission africaine et renvoient à son manque de pouvoirs. Ainsi, le fait que la Commission africaine soit contrainte à la confidentialité jusqu’à ce que la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement en décide autrement7 est un frein à son indépendance. Elle est tenue au silence tant que les chefs d’États ne lèvent pas cette obligation et cela même en cas de graves violations des droits de l’homme. De plus, le fait que la Commission africaine ne puisse sanctionner les États en cas d’inobservation de ses recommandations limite son impact auprès d’eux. Elle n’a pas de pouvoir dissuasif immédiat. 5 D’ailleurs, ces différentes critiques ont été à l’origine de la mise en place d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples8 (Cour africaine). A ce titre, le Protocole portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples limite le mandat des juges9 et donne une force exécutoire aux décisions de la Cour africaine. Toutefois, il a fallu attendre cinq ans pour que le Protocole de Ouagadougou portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples acquière enfin les quinze ratifications nécessaires à son entrée en vigueur. Installée en Tanzanie en 2007, cette instance est fonctionnelle, mais provisoire, puisqu’une décision de fusion de la Cour de justice de l’UA et de celle des droits de l’homme a été prise dès juillet 200410. 6 Cette nouvelle instance ne remplace pas la Commission africaine, mais tend à compléter et renforcer sa mission selon le Protocole de Ouagadougou de 1998 qui aborde la question de la complémentarité entre ces deux organes. Elles exercent les mêmes fonctions à l’exception du contentieux. Ainsi, en cas de violations des droits de l’homme, l’un ou l’autre organe sont compétents. Néanmoins, si les États peuvent saisir directement la Cour africaine, les individus et les ONG, ne peuvent saisir la Cour africaine que si l’État en cause a reconnu la compétence de la Cour africaine par une déclaration ultérieure auprès de l’UA11 ; dans le cas contraire, ils doivent saisir la Commission africaine. 7 Concernant leur travail, il est prévu une collaboration entre la Commission et la Cour africaine. À ce titre, la Commission africaine peut saisir la Cour africaine et lui transmettre une communication, si elle estime ce renvoi nécessaire12. À son tour, la Cour africaine peut décider de renvoyer une plainte vers la Commission africaine13. La gravité des violations évoquées peut être un élément clé pour décider d’un renvoi entre ces organes. Par ailleurs, la Cour africaine peut solliciter l’avis de la Commission africaine avant de statuer sur la recevabilité d’une requête14. 8 Le système africain des droits de l’homme institue une relation d’interdépendance entre ces deux mécanismes, mais vue son accessibilité, la Commission africaine reste l’organe principal de protection des droits de l’homme en Afrique. A ce titre, il faut signaler que seuls sept États15 ont reconnu le droit à leurs citoyens de saisir la Cour africaine. Ce qui explique que la Cour africaine n’a reçu que quatre-vingt-dix plaintes en huit ans de fonctionnement. Ainsi, même s’il ne s’agit pas d’un organe juridictionnel, La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de... La Revue des droits de l’homme, 11 | 2017 2 puisque ses décisions n’ont pas de force obligatoire, la Commission africaine joue un rôle essentiel en matière de protection des droits de l’homme. Elle exerce des missions (missions d’enquêtes et traitement des communications) qui en font un organe quasi- juridictionnel. Ainsi, aborder la question de la protection des droits de l’homme en Afrique revient à s’interroger sur le travail de la Commission africaine. Toutefois, vu sa dépendance envers les États africains et l’absence de véritables pouvoirs, comment exerce-t-elle sa mission de protection des droits de l’homme ? 9 Le traitement des communications constitue la principale mission de la Commission africaine. L’analyse de cette mission quasi-juridictionnelle est sans doute celle qui permet de faire ressortir le véritable travail de la Commission africaine. Ainsi, à travers une étude des différentes communications traitées par la Commission africaine, il sera question dans un premier temps, d’aborder les moyens mis en œuvre par la Commission africaine pour asseoir et étendre son action, puis d’aborder les fonctions assurées grâce à sa saisine. I Les moyens d’action de la Commission africaine pour palier à ses limites normatives 10 La Commission africaine a rencontré durant son existence de nombreux obstacles, mais la principale entrave rencontrée demeure la résistance des États à se conformer aux exigences posées par le système africain des droits de l’homme. D’ailleurs, l’adhésion à ce système ne fait pas l’unanimité au sein des États africains, puisque seule la CADHP a été ratifiée par l’ensemble des États16. Par ailleurs, de nombreux États ne se plient pas à leurs obligations. L’absence ou le retard des États dans la soumission de leurs rapports périodiques est de coutume. Seuls neuf États africains ont soumis tous leurs rapports, tandis que vingt-deux États ont plus de trois rapports en retard. Plus surprenant encore, les Comores, Djibouti, l’Érythrée, la Guinée Bissau, la Guinée Équatoriale, Sao Tomé et Principe et la Somalie n’ont jamais soumis de rapports depuis leur adhésion au système africain des droits de l’homme17. Toutefois, en l’absence de sanction, la Commission africaine n’arrive pas à faire respecter cette obligation et ses différents rappels demeurent vains. 11 En outre, si un État commet des violations des droits de l’homme, la CADHP offre la possibilité aux autres États de saisir la Commission africaine. Cette prérogative n’a été exercée qu’une seule fois18 en uploads/S4/ revdh-2844.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 10, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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