1 REVUE DE L’UNION EUROPE ‘ENNE « […] le droit international à grands traits, s
1 REVUE DE L’UNION EUROPE ‘ENNE « […] le droit international à grands traits, sans s’embarrasser, pour l’instant, de trop de nuances, […] ne connaît pas le droit européen sinon comme “droit international conventionnel” […] 1 ». L’approche choisie dans cette analyse cherche à mettre la lumière sur une problématique alambiquée, celle de la juridiction européenne comme nou- velle partie prenante dans le cadre du partenariat entre le Maroc et l’Union européenne (UE). Au cours de la der- nière décennie, les liens commer- ciaux entre le Maroc et l’UE se sont consolidés grâce à l’entrée en vigueur en 2000 de l’accord d’association et à l’adoption le 25 juillet 2005 du plan d’action qui fait partie intégrante de la politique européenne de voisinage. Par la décision du Conseil d’association Maroc-UE, le 23 juillet 2007, le statut de partenaire avancé a été accordé au Maroc en 2008 et a donné lieu à une nouvelle phase d’association plus ambitieuse et plus vaste. Le plan d’ac- tion pour la mise en œuvre du statut avancé 2013-2017 a été prolongé d’une année à partir du 9 décembre 2018 par une décision de la présidente du Conseil d’association Maroc-UE du 9 novembre 2018 2. Ce constat émane des derniers arrêts rendus par la Cour durant ces trois dernières années qui influencent les bases juridiques de la coopération entre le Maroc et l’UE de manière certaine 3. Le terme « parte- (1) A. Pellet, Préface, Les interactions normatives droit de l’Union européenne et droit international, Pedone, 2012. 5-6. (2) Recommandation no 1/2018 du Conseil d’as- sociation UE-Maroc du 9 nov. 2018 approuvant la prolongation d’un an de plus le plan d’action relatif à la mise en œuvre du statut avancé (2013-2017), JOUE, no L. 292, 19 nov., p. 7. (3) Trib. UE, 10 déc. 2015, aff. T-512/12, Front Polisario c/ Conseil soutenu par Commission, RTD eur. 2016. 119, obs. C. Flaesch-Mougin ; ibid. 319, étude O. Peiffert ; ibid. 425, obs. L. Cou- tron ; CJUE, 21 déc. 2016, aff. C-104/16, Conseil de l’Union européenne c/ Front Polisario, RTD eur. 2017. 23, étude Alan Hervé ; CJUE, 27 févr. 2018, aff. C-266/16, Western Sahara Campaign UK, RTD eur. 2018. 632, obs. I. Bosse-Platière ; Rev. UE 2019. 120, chron. A. Cudennec, N. Boillet, O. Curtil, C. de Cet-Bertin, G. Guéguen-Hallouët, B. Quef- felec et M. Taillens. Rubrique L’impact de la jurisprudence de la CJUE sur le partenariat entre le Maroc et l’Union européenne par Ali KAIROUANI Professeur assistant de droit international public à l’université Mohammed V de Rabat Les relations entre le Maroc et l’UE sont longtemps restées du ressort de certaines institutions européennes particulièrement la Commission européenne et le Conseil de l’UE. L’irruption de la Cour de justice en tant que régulateur des échanges internationaux entre les deux partenaires stratégiques à savoir le Maroc et l’UE suscite de multiples interrogations. Dès lors, les arrêts rendus par la CJUE au sujet du protocole agricole et du protocole de pêche conclus entre le Maroc et l’UE scellent définitivement le rôle que joueront désormais la Cour et la jurisprudence européenne dans l’évolution des relations conventionnelles entre le Maroc et l’UE. L’impact de la jurisprudence sur l’accord international entre le Maroc et l’UE conduit à s’interroger sur les effets de ce dernier au regard de l’ordre juridique international étant donné que les relations conventionnelles entre le Maroc et l’UE demeure régit par le droit international public, notamment le droit des traités. Les frontières entre les ordres juridiques dans les rapports juridiques entre le Maroc et l’UE représentent de facto la principale limite des actions de la CJUE ainsi que du droit de l’UE à l’égard du droit international public. 2 3 | Rubrique Rubrique | N° 636 – Mars 2020 N° 636 – Mars 2020 A — La remise en question rectificative des accords commerciaux Le partenariat avancé du Maroc à l’égard de l’UE a été remis en question à trois reprises ces dernières années à cause de trois décisions de la CJUE. Une revue rapide de ces trois arrêts permet d’établir que la CJUE est une institution proactive dans le cadre des relations juridiques extérieures de l’Union avec le Maroc. En effet, lors de la première affaire du 10 décembre 2015 13, le juge s’est montré très évasif et imprudent puisqu’il a décidé d’annuler l’accord conclu entre le Maroc et l’UE le 8 mars 2012 par un échange de lettres, relatif aux mesures de libérali- sation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche. Cette annulation a été faite sans limitation de ses effets dans le temps, ce qui a conduit à envenimer les relations entre l’UE et le Maroc. Or, en tentant de trouver des justifications juri- diques à ces questions, la CJUE reste très approximative et son raisonnement demeure fort discutable. En effet, sur la question de l’applicabilité de l’accord conclu entre le Maroc et l’UE, elle estime qu’il faudra l’interpréter à la lumière du droit interna- tional des traités. Toutefois, c’est à la convention de Vienne de 1969, qui est applicable uniquement dans les rapports conven- tionnels entre États, qu’elle recourt alors que c’est à la conven- tion de Vienne de 1986 portant sur les traités conclus entre les États et les organisations internationales qu’il fallait se référer. Certains juristes estiment que le Tribunal a méconnu le droit international lorsqu’il a voulu rendre son verdict, ce qui ex- plique la complexité juridique qui entoure les accords conclus entre l’UE avec les États tiers et leur articulation avec le droit international des traités 14. D’autres auteurs ont également pointé la méconnaissance par le juge du contexte politique et diplomatique, ce qui a contribué à affaiblir son raisonnement juridique 15. Toutefois, cet emploi subreptice du droit interna- tional, afin de remettre en question un accord négocié entre le Maroc et l’UE, participe à la modification normative du parte- nariat puisqu’il donne naissance à une nouvelle situation juri- dique. Cependant, il faut souligner que la CJUE s’est retrouvée dans une situation inédite, celle de juger indirectement un différend diplomatique et politique relevant de l’ordre juri- dique international, ce qui dépasse son champ de compétence classique, en outre les différends relatifs à l’ordre juridique européen. L’UE est une institution sui generis dont la qualifi- cation juridique paraît très difficile à mettre en place car elle est considérée par le droit international comme une organisa- tion internationale et par le droit institutionnel de l’UE comme une fédération plurinationale en devenir. Il est communément admis que les traités ne peuvent être annulés que par l’autorité qui dispose du pouvoir de ratification et, généralement, cela se fait par voie de dénonciation unilatérale. Dans ce cas précis, la dénonciation ne s’est pas faite par le Conseil européen, la Com- mission ou le Parlement européen mais à travers le Tribunal de l’UE. Tout internationaliste peut se demander si une telle attitude est acceptable du point de vue du droit international, d’autant plus que le juge se fonde sur la Charte européenne des droits fondamentaux pour argumenter son propos au lieu d’utiliser à bon escient les règles de droit international public 16. Le problème de l’autonomie de l’ordre juridique de l’UE consti- tue une déviation de la base juridique du partenariat négocié entre le Maroc et l’UE et qui devrait se situer totalement au sein de l’ordre juridique international 17. Il faut souligner en dernier lieu que cet arrêt avait suscité l’intérêt du secrétariat des Nations Unies dans le point 73 de son rapport du 19 avril 2016 sur la situation au Sahara 18. Mais, ce qui devint un feuil- leton judiciaire se poursuivit puisqu’un appel fut initié par le Conseil. La CJUE a rendu son arrêt le 21 décembre 2016 19. Dans cet arrêt, la CJUE rejette en bloc la décision du Tribunal de l’UE, en mettant davantage l’accent sur l’article 31 de la convention de Vienne de 1969, particulièrement sur sa dernière phrase, à savoir les règles pertinentes en droit international, ce qui inclut, pour le juge européen, le droit à l’autodétermination. Celui-ci aboutit ainsi à l’exclusion du territoire du Sahara du champ d’application de l’accord annulé précédemment par le Tribunal de l’UE. Ce raisonnement semble toutefois en partie biaisé puisqu’il interprète l’autodétermination dans une pers- pective univoque alors que ce concept dispose de plusieurs interprétations, ce qui exigeait de la part du juge d’analyser également les données historiques, économiques et sociales ainsi que juridiques de l’État tiers dans le cas précis : celui du Maroc. Le passage de l’annulation pure et simple de l’accord à son application à une partie du territoire marocain démontre la cacophonie jurisprudentielle dans laquelle se trouve le juge. D’une part, il cherche à atténuer la tension diplomatique entre le Maroc et l’UE et, d’autre part, il maintient en partie l’idée in- sidieuse selon laquelle l’accord ne bénéficierait pas aux peuples sahraouis. Cette attitude du juge a fortement impacté le parte- nariat entre le Maroc et l’UE et a fortement remis en question la fiabilité des partenaires européens uploads/S4/ rue03-636-kairouani.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 04, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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