Droit Constitutionnel Séquence 3 : L’exercice des pouvoirs : le Président de la

Droit Constitutionnel Séquence 3 : L’exercice des pouvoirs : le Président de la République Dr Abdou Khadre DIOP 1 Droit Constitutionnel Dr Abdou Khadre DIOP Séquence 3 : L’exercice des pouvoirs : le Président de la République Trois éléments seront mis en avant, le temps du pouvoir présidentiel, le statut du Président de la République et les pouvoirs qu’il peut exercer. Paragraphe 1. Le temps du pouvoir présidentiel On distinguera dans ce paragraphe l’entrée en fonction, le mandat et la sortie de fonction du président de la République. A. L’entrée en fonction L’article 37 de la Constitution du Sénégal pose deux exigences relatives à l’entrée en fonction du Président de la République : la prestation de serment et la déclaration de patrimoine 1. L’entrée en fonction et l’exigence de prestation de serment Le Président élu n’entre pas aussitôt en fonction. En effet, il y a un laps de temps raisonnable entre la proclamation des résultats et l’entrée en fonction ou l’investiture. Durant cette période, le Président sortant a la charge d’expédier les affaires courantes. C’est d’ailleurs tout le sens de l’article 36 de la Constitution du Sénégal selon lequel « le Président de la république élu entre en fonction après la proclamation définitive de son élection et l’expiration du mandat de son prédécesseur. Le Président de la République en exercice reste en fonction jusqu’à l’installation de son prédécesseur ». On a connu au Sénégal une illustration séduisante de ce fait. En effet, après sa victoire sur son challenger au second tour des élections présidentielles de 2000, le président élu Abdoulaye Wade, avant son entrée en fonction, avait prié son rival Abdou Diouf de le représenter au Sommet de la francophonie, mission que ce dernier a accepté et remplie de façon la plus normale. Il est tout de même apparu récemment un cas assez inédit au Burundi. Le Président sortant Pierre Nkurumziza décède le 8 juin 2020 avant l’entrée en fonction du nouveau Président élu dont la prestation de serment est prévue le 20 aout de la même année. La question était donc de savoir s’il fallait mettre en œuvre le dispositif de l’intérim prévu par l’article 121 alinéa 2 de la Constitution burundaise selon lequel « en cas de vacance pour cause de démission, de décès ou de toute autre cause de cessation définitive de ses fonctions, l’intérim est assuré par le Président de l’Assemblée nationale… » ou tout simplement recourir à une solution innovante puisqu’il y a déjà un président élu mais non encore investi. La Cour constitutionnelle burundaise va considérer dans sa décision du 12 juin 2020 que « l’objet de l’intérim disparait par le fait juridique de l’existence d’un nouveau Président élu » et par conséquent exige la tenue de la prestation de serment le plus rapidement Droit Constitutionnel Séquence 3 : L’exercice des pouvoirs : le Président de la République Dr Abdou Khadre DIOP 2 possible du président élu pour marquer son entrée en fonction. Ce précédent jurisprudentiel permet donc de dire que la prestation de serment marque l’entrée en fonction du Président de la République. Selon l’article 37 de la Constitution du Sénégal, « le Président de la République est installé dans ses fonctions après avoir prêté serment devant le Conseil constitutionnel en séance publique ». On peut ainsi distinguer deux phases consécutives : la prestation de serment et l’installation. La prestation de serment est une « formalité substantielle et préalable » pour reprendre l’expression du doyen Ibrahima Fall (« Le droit constitutionnel au secours de l’authenticité et de la négritude : le serment du Président de la République, acculturation ou retour aux sources », Annales africaines, 1973, p. 203). C’est un moment solennel qui rappelle à bien des égards les traditions culturelles africaines sur l’importance de la parole donnée en public. D’ailleurs la prestation de serment a lieu dans un cadre solennel devant une audience publique. Le cadre solennel est caractérisé par l’organe ou l’instance qui reçoit le serment. Au Sénégal, c’est au Conseil constitutionnel que revient cette tâche. En Afrique du Sud, la prestation de serment a lieu devant le Chief of Justice. Au Benin, le serment est reçu par le Président de la Cour constitutionnelle devant l’Assemblée nationale et la Cour Suprême ». Au Ghana, le serment est fait devant le Parlement. Tous ces exemples montrent la solennité de cette formalité substantielle dans un Etat. L’audience est également publique. On a pu voir le Président Abdoulaye Wade faire sa prestation de serment dans un stade de football rempli. D’autres, comme le Président Abdou Diouf et le Président Macky Sall pour son second mandat ont choisi la voie de la sobriété en le faisant au siège du Conseil constitutionnel. Mais dans tous les cas le caractère public de la cérémonie d’investiture est requis. L’article 37 alinéa 2 de la Constitution du Sénégal définit le contenu de la prestation de serment. En effet, tout Président nouvellement élu doit répéter le discours suivant : « devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine ». La référence à Dieu à l’article 37 peut avoir de quoi surprendre dans un Etat qui se définit comme laïque. En tout cas il est utile de noter que la mention de Dieu dans le serment avait disparu en 1976 avant de revenir avec la Constitution de 2001. Le Professeur Demba Sy justifie cette mention par l’importance de la religion dans la société sénégalaise (Demba Sy, « Présentation de la nouvelle constitution sénégalaise », Nouvelles Annales Africaines, 2007, n. 1, p. 290). Au-delà de la référence à Dieu, on peut s’interroger sur la normativité du serment. Autrement dit, sa violation est-elle sanctionnée ou sanctionnable ? La Constitution sénégalaise ne donne aucune réponse à cette question. La seule sanction « juridique » prévue est le cas de la haute trahison sans que cette notion ne soit définie (on y reviendra). La Constitution béninoise semble à cet égard être plus explicite. Cette dernière dispose en son article 74 que « il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé son serment ». Néanmoins, quelle que soit la clarté de cette disposition, sa mise en œuvre ne va pas de soi. De manière plus emblématique, le juge constitutionnel béninois a fait de l’exigence de la prestation de serment une obligation parcimonieuse. Autrement dit, le Président nouvellement élu ne doit rien omettre dans la formule prévue par la Constitution sous peine d’invalidation du serment. Ce fut le cas avec le Président Mathieu Kerekou, élu en 1996 qui avait omis de prononcer le deuxième membre de la phrase « …les Mânes des Ancêtres… ». Saisie Droit Constitutionnel Séquence 3 : L’exercice des pouvoirs : le Président de la République Dr Abdou Khadre DIOP 3 par deux citoyens, la Cour constitutionnelle s’est, dès le lendemain, prononcée par sa décision DCC 96-017 du 5 avril 1996, en invalidant la prestation de serment pour non-conformité à la Constitution, oblige conséquemment Mathieu Kerekou à « re-prêter » serment. À la suite de la prestation de serment, le Conseil constitutionnel procède à l’installation du Président élu. C’est à partir de cet acte que le Président de la république est investi des prérogatives liées à son statut. 2. L’entrée en fonction et l’exigence de déclaration de patrimoine L’article 37 alinéa 3 de la Constitution du Sénégal conditionne l’entrée en fonction à l’exigence de déclaration de patrimoine de la part du Président élu. Selon cette disposition, « le Président de la république nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au Conseil constitutionnel qui la rend publique ». Cette exigence est importante dans un Etat de droit et est en droit ligne avec l’exigence de transparence dans la gestion des affaires publiques mentionnée dans le Préambule de la Constitution. Il faut noter également que sous l’impulsion du droit communautaire de l’UEMOA, le législateur sénégalais a adopté la loi n. 2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine. Cette dernière vise plusieurs autorités publiques, mais le régime de déclaration de patrimoine du Président de la République est régi directement par la Constitution. Trois éléments sont à noter dans l’article 37 alinéa 3 de la Constitution. Tout d’abord, le moment de la déclaration de patrimoine est fixé juste après la prestation de serment, donc elle est consécutive à l’entrée en fonction. La logique de la déclaration de patrimoine est en effet de permettre à l’opinion publique de connaitre l’état des avoirs de ses dirigeants au moment de leur entrée en fonction. Cependant, la Constitution ne fixe pas un délai précis. On a vu ainsi des pratiques divergentes. Lors de sa première élection, le Président Abdoulaye Wade a attendu un an avant de faire sa déclaration de patrimoine. Le Président Macky Sall, a fait uploads/S4/ sequence-3.pdf

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  • Publié le Jan 01, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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