UNIVERSITÉ PANTHÉON- ASSAS PARIS II MAGISTÈRE DE JURISTE D'AFFAIRES – D.J.C.E.

UNIVERSITÉ PANTHÉON- ASSAS PARIS II MAGISTÈRE DE JURISTE D'AFFAIRES – D.J.C.E. MASTER 2 DE DROIT DES AFFAIRES LA PROTECTION DIPLOMATIQUE DES SOCIETES L’articulation entre la protection diplomatique des sociétés et celle des actionnaires dans les sociétés de capitaux Mémoire présenté et soutenu sous la direction de Monsieur le Professeur Louis d’Avout Aurélie Kahn Mai 2009 L’Université Panthéon-Assas Paris II - Droit, Economie, Sciences Sociales n’entend donner aucune approbation, ni improbation, aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. La Protection Diplomatique des sociétés 3 Sommaire Introduction : A propos de la protection diplomatique Première partie : La protection diplomatique des actionnaires : un droit au conditionnel A/ La personnalité morale comme obstacle à la protection 1°) La consécration d’une règle traditionnelle 2°) L’arrêt Barcelona Traction en tant que précédent jurisprudentiel B/ Un droit dérogatoire à la protection 1°) Les dérogations et leurs justifications 2°) La nature de la protection diplomatique des actionnaires Seconde partie : La protection diplomatique des actionnaires : un droit illusoire ? A/ Un mécanisme insuffisamment protecteur : étude de la jurisprudence postérieure à l'arrêt Barcelona Traction 1°) L’arrêt E.L.S.I. 2°) L’arrêt Diallo B/ Le mécanisme délaissé de la protection diplomatique 1°) La marginalisation de la protection diplomatique 2°) Le développement de mécanismes alternatifs de protection des investissements 2°) Considérations idéologiques et politiques Observations finales : notion de contrôle et perspectives d’évolution Liste des abréviations utilisées CDI : Commission du Droit International CIJ : Cour Internationale de Justice CIRDI : Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique TBI : Traités Bilatéraux d’Investissement La Protection Diplomatique des sociétés 4 Introduction : à propos de la protection diplomatique ◦ L’actualité de la protection diplomatique Les récents travaux de la Commission du Droit International ayant mené à l’adoption en 2006 du Projet d’articles sur la protection diplomatique1, témoignent d’un regain d’actualité de la matière. L’attention portée à nouveau à la protection diplomatique trouverait-elle sa cause dans des mutations affectant l’institution ? On peut s’interroger sur les raisons d’une telle « codification » : s’agirait-il de pérenniser ? D’adapter l’institution ? Ces deux options ne semblent pas s’exclure l’une et l’autre. Sans être révolutionnaire, le projet d'articles, élaboré par la CDI, s’efforce de tenir compte des évolutions du droit international sur la question de la protection diplomatique. ◦ Origines de la protection diplomatique Les fondements de la protection diplomatique ont été exposés en 1924 par la Cour Permanente de Justice dans l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine2 : « C’est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l’Etat à protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat, dont ils n’ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l’un des siens (…) cet Etat fait, à vrai dire, valoir son propre droit, le droit qu’il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international ». La protection diplomatique trouverait son origine dans l’idée d’une fusion de l’intérêt privé dans l’intérêt étatique. Une question délicate se pose toutefois quant à la nature de la protection diplomatique : est-ce un droit propre de l’Etat ? Un droit de son ressortissant ? Sans aller jusqu’à observer une subjectivisation de la protection diplomatique, on ne peut ignorer l’influence croissante du « droit international des droits de l’homme »3 sur la protection des nationaux à l’étranger, ce qui permet à certains auteurs d’en conclure à un droit de nature « mixte »4. La CDI s’est volontairement placée hors du débat d’interprétation, puisqu’elle a formulé le Projet d’articles relatif à la protection diplomatique « de manière à laisser ouverte la question de savoir si l’État qui exerce sa protection diplomatique le fait pour son propre compte ou pour celui de son national, ou les deux » 5. 1 CDI, 58e session, 2006, Projet d’articles sur la protection diplomatique et commentaires y relatifs, soumis à l’AG (A/61/10). Rés. AG 62/67 du 6 déc. 2007, Rapport reproduit dans l’Annuaire de la Commission du droit international, 2006, vol. II 2 Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt du 30 aout 1924, Rec. Série A, n° 2, p. 12 3 J.F. FLAUSS, Préface à la thèse de S. TOUZE, La protection des droits des nationaux à l'étranger : recherches sur la protection diplomatique, Th. doct., Droit international, Paris 2, 2006 4 S. TOUZE, La protection des droits des nationaux à l'étranger, loc. cit. 5 CDI, 58e session, 2006, Projet d’articles sur la protection diplomatique, loc.cit., note 5) sous art. 1, p. 27 La Protection Diplomatique des sociétés 5 Portant définition de la protection diplomatique, l’article 1er du projet se veut bref : « la protection diplomatique consiste en l’invocation par un État, par une action diplomatique ou d’autres moyens de règlement pacifique, de la responsabilité d’un autre État pour un préjudice causé par un fait internationalement illicite dudit État à une personne physique ou morale ayant la nationalité du premier État en vue de la mise en œuvre de cette responsabilité»6 ◦ Caractères et conditions d’exercice de la protection diplomatique L’action en protection diplomatique est avant tout une voie de droit, destinée à obtenir réparation d’un préjudice.7 Un Etat peut protéger ses ressortissants lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat. Pour que la protection diplomatique puisse être exercée, il faut que le dommage soit la conséquence d’un comportement de l’Etat hôte contraire au droit international. Ceci car « la protection diplomatique ne résulte pas d’obligations des Etats erga omnes », mais seule la partie envers laquelle existe une obligation internationale peut présenter une réclamation à raison de la violation de cette obligation.8 C’est donc la violation d’une obligation internationale qui déclenche le mécanisme de l’exercice de la protection diplomatique. Le déni de justice, la privation de liberté sans jugement, l’expropriation discriminatoire ou arbitraire, la nationalisation et la confiscation sans indemnité en sont des exemples. Une fois constatée la violation d’une obligation internationale due à un Etat, « l’Etat doit être considéré comme seul maître de décider s’il accordera sa protection, dans quelle mesure il le fera, et quand il y mettra fin »9. C’est là le caractère discrétionnaire de la protection diplomatique. L’Etat jouit en la matière « d’une liberté totale d’action ».10 Puisque « les titulaires de droits ne sont aucunement obligés de les exercer »11, l’Etat peut, en toute liberté, accorder ou refuser la protection diplomatique. En outre, comme condition essentielle à l’exercice de la protection diplomatique, un Etat ne peut accorder sa protection diplomatique qu’à ses propres ressortissants. La nationalité figure ainsi ce lien nécessaire entre un Etat et une personne privée, aux fins de l’action en protection 6 Ibid, art. 1, p. 24 7 O. FROUVILLE, Affaire Ahmadou Diallo (République de Guinée c. République Démocratique du Congo). Exceptions préliminaires : le roman inachevé de la protection diplomatique, Annuaire Français de Droit International LIII, CNRS, Paris, 2007, p. 298 8 Ph. FRANCESCAKIS, Lueurs sur le droit international des sociétés de capitaux ; L'arrêt « Barcelona » de la Cour internationale de justice, Rev. Critique D.I.P., I, 1970, p. 641 9 Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), C.I.J. Recueil, 1955, p. 44 10 Ibid. 11 Ibid. La Protection Diplomatique des sociétés 6 diplomatique. Pour ce qui est de sa détermination, le principe est qu’il appartient à l’État concerné de déterminer, conformément à son droit interne, qui peut prétendre à sa nationalité. Enfin, il faut citer la condition d’épuisement des voies de recours internes. Un Etat peut fournir une protection diplomatique et introduire un recours uniquement si la personne concernée a préalablement épuisé à l’étranger toutes les voies de recours internes, dans la mesure où cela était possible et raisonnablement exigible. Cette condition confère à la protection diplomatique un caractère subsidiaire. Il serait en effet prématuré pour un Etat d’invoquer une violation du droit international tant que l’Etat défaillant n’a pas eu l’occasion de réparer les conséquences de la violation. Toutefois, la règle de l’épuisement des voies de recours interne connaît des limites : cette condition n’est pas exigée lorsque les voies de recours sont inexistantes, inefficaces ou insuffisantes. Soumis à cet ensemble de conditions cumulatives, l’exercice par un Etat de la protection diplomatique demeure un évènement exceptionnel.12 Laissé en outre à la discrétion de l’Etat, on comprend qu’il ne se réalise que rarement. On retrouve à l’égard des personnes morales, ces conditions préalables à l’exercice de la protection diplomatique. Mais lorsqu’un Etat prétendra exercer sa protection diplomatique en faveur d’une personne morale, l’institution connaîtra nécessairement une adaptation, eu égard à la spécificité du sujet ◦ La protection diplomatique des sociétés L’exercice de la protection diplomatique s’exerce aussi bien à l’égard des ressortissants personnes physiques d’un Etat que de ses personnes morales. Si les règles essentielles du régime général de la protection diplomatique des personnes physiques sont reprises, cette forme de protection, de par sa spécificité, appelle un aménagement des principes et critères qui la uploads/S4/ universite-pantheon-assas-paris-ii-magistere-de-juriste-d-x27-affaires-d-j-c-e-master-2-de-droit-des-affaires.pdf

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  • Publié le Mai 20, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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