173 Karima Ziamari Université sidi mohamed ben abdellah (fès, Maroc) cream-lacn
173 Karima Ziamari Université sidi mohamed ben abdellah (fès, Maroc) cream-lacnad, Paris Karima_ziamari@yahoo.fr Mots-clés : code switching arabe marocain/français, contact de langues, arabe marocain, arabe standard, français, représentations linguistiques, MLF , sociolinguistique. Abstract: The aim of the present paper is to describe the linguistic practices of young Moroccans in a situation of language contact between Moroccan Arabic and French and more specifically in code-switching. The questions raised in the paper are: What are the characteristics of Moroccan Arabic/French code-switching in Morocco? What is its linguistic and sociolinguistic specificity? The data consists of 11 hours of tape-recorded conversations among young Moroccan students. Thirty-three informants from 12 Moroccan cities participated in this investigation. Ten of them are females. The analysis will focus on the status of both languages in the data. Through the subjects’ code-switching, an attempt will also be made to examine the situation of Moroccan Arabic and French in this sociolinguistic context. The study concludes that the two languages compete for the same role and are frequently used. Key words : Moroccan Arabic/French codeswitching, language contact, Moroccan Arabic, French, Standard Arabic, linguistic representations, MLF , sociolinguistics. Synergies Tunisie n° 1 - 2009 pp. 173-186 Le contact entre l’arabe marocain et le français au Maroc : spécificités linguistique et sociolinguistique Résumé : Cet article s’interroge sur les pratiques linguistiques de jeunes marocains dans une situation de contact linguistique entre l’arabe marocain et le français plus précisément en code switching. Comment se manifeste le code switching arabe marocain/français au Maroc ? Quelle est sa particularité linguistique et sociolinguistique ? L’étude est fondée sur un corpus équivalant à 11 heures d’enregistrements de jeunes étudiants marocains. Trente trois informateurs de douze villes marocaines ont participé à l’enquête dont dix sont de sexe féminin. A partir de mon corpus, je questionnerai les statuts des deux langues dans les pratiques de mes informateurs. A travers leur code switching, j’examinerai également la situation de l’arabe marocain et du français dans ce contexte sociolinguistique. L’étude conclut que les deux langues se disputent le même rôle et sont fréquemment utilisées. 174 Introduction Dans cet article, je m’interrogerai sur la spécificité linguistique et sociolinguistique du contact entre l’arabe marocain et le français au Maroc, plus précisément le code switching, appelé aussi alternance ou mélange codique. C’est l’usage simultané de deux codes dans le même énoncé, la même proposition et parfois le même syntagme. Quelle est donc la particularité sociolinguistique du code switching arabe marocain-français tel qu’il est pratiqué par mes informateurs et comment se manifeste-t-il linguistiquement ? 1. Le corpus et les informateurs Le corpus qui sert cette étude correspond à 11 heures d’enregistrement recueilli principalement auprès des élèves ingénieurs de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers (ENSAM, Meknès) mais également auprès d’autres élèves ingénieurs de l’Ecole Nationale d’Agriculture (ENA, Meknès)1. L’enquête implique trente-trois informateurs, âgés de 18 à 30 ans, dont dix sont de sexe féminin. Le choix des informateurs répond à certains critères. D’abord, les informateurs sélectionnés sont tous locuteurs natifs de l’arabe marocain. Ils sont d’origine différente, ils représentent ainsi 12 villes marocaines. La collecte du corpus a duré trois années (de 1998 à 2001) dans deux contextes différents. La première situation consiste en des interactions dans l’espace classe2 (ENSAM), la seconde est relative à des échanges dans des espaces non formels et en dehors de l’institution (chambre dans la résidence universitaire, compartiment de train, cybercafés…). 2. Cadres théoriques Pour décrire linguistiquement le corpus, l’étude prend appui sur le modèle insertionnel de C. Myers-Scotton : the Matrix Language Frame (désormais le MLF). Ce modèle distingue entre la langue matrice, autrement dit la langue qui fournit le cadre morphosyntaxique de l’énoncé, et la langue enchâssée, qui y participe par les morphèmes lexicaux (C. Myers-Scotton : 1993a, 2002). Ces deux concepts me serviront à présenter les données linguistiques du corpus. Quant aux donnés sociolinguistiques du corpus, elles seront principalement recensées à l’aide des réponses à un questionnaire qui a été distribué aux informateurs. Ce questionnaire avait pour objectif de cerner leur profil sociolinguistique. 3. La dynamique des langues dans le corpus Le corpus reflète le contact entre trois langues3 : l’arabe marocain, l’arabe standard et le français. Chaque langue jouit d’un statut et d’une fonction particulière. Synergies Tunisie n° 1 - 2009 pp. 173-186 Karima Ziamari 175 3.1. L’arabe marocain Au Maroc, l’arabe marocain est la langue maternelle des Marocains non- berbérophones (à côté du berbère, langue maternelle des berbérophones). Cette langue4 est présente dans tous les domaines sociaux. C’est en effet aussi la langue véhiculaire qui sert de moyen de communication. Dans le corpus, l’arabe marocain est très sollicité par mes informateurs. On le trouve dans toutes les conversations et dans tous les contextes. L’usage de l’arabe marocain est en conflit avec les autres langues. Ce dernier rivalise avec le français dans la mesure où il est employé dans l’espace classe réservé en principe à cette langue. Je rappelle que le corpus comprend l’enregistrement de séances de débat en cours de communication. Les étudiants doivent parler en français, pourtant ils emploient l’arabe marocain. Même s’il est utilisé dans tous les contextes par mes informateurs, l’arabe marocain reste très stigmatisé. Le corpus reflète ce qui se passe au Maroc. L’arabe marocain est « une sorte de langue nationale mais illégale » (Ch. Charnet 1985 : 42). C’est la langue la plus employée dans le corpus à côté du français mais qui est loin d’être légitimée dans son rôle de langue de communication. En examinant les exemples suivants, on peut souligner ce que pensent mes informateurs de cette langue et le rôle qu’ils lui attribuent : Un étudiant de la faculté des sciences –Meknès : Informateur 1 : lla safi dak š-ši lli kent mɛeqqed men-u nhedru b l-meġribiya mɛeqqed men ši masaʔil dert-ha mellit-ha bħal daba l-problème lli ɛend-na dyal l-bnat f l-mġrib wili u ysiq l-ha bba-ha l-xbar msaħba wella ġir f š-šariɛ. Non, c’est bon ce qui me complexait, parlons en arabe marocain, j’étais complexé de certaines choses que j’avais faites, j’ai eu ma dose, comme par exemple le problème des filles au Maroc, et si jamais son père apprenait ce qu’elle fait, elle a un petit-ami ou elle sort se promener. Plus loin encore, le même informateur croit parler en (meġribiyya) et continue à alterner l’arabe marocain et le français : Informateur1 : šetti on va parler b l-ɛerbiya d d-dariža baš ma ykun š gaɛ ambiguïté. voilà žuž ila bġaw yetsaħbu dik la question du premier pas ra-ha šwiyya elle me paraît louche elle me paraît louche dik l-qadiyya dyal le premier pas. Tu vois, on va parler en arabe, en arabe marocain pour qu’il n’y ait d’ambiguïté du tout. Voilà deux personnes si elles veulent sortir ensemble, cette question du premier pas vraiment elle me paraît un peu louche, elle me paraît louche cette question du premier pas. Dans un débat en classe sur le mariage, l’animatrice pose une question à son camarade : Le contact entre l’arabe marocain et le français au Maroc : spécificités linguistique et sociolinguistique 176 Informatrice 1 : yšedd l l-mra ɛini-ha c’est-à-dire ? Fermer les yeux à sa femme c’est-à-dire ? Informateur 2: ça veut dire yqenneɛ-ha ngulu b l-ɛerbiya, malgré le terme b l’argot, il est très significatif. Ça veut dire la combler, on le dit en arabe, malgré que le terme soit en argot, il est très significatif. Informateur 2 : Le terme significatif b l français wella b l-ɛerbiya gaɛ ma telqaw-h. Le terme est significatif, en français ou en arabe vous ne trouverez pas un mot aussi significatif. L’informateur 2 explique le mot (combler) en arabe marocain, ce qui a suscité le rire des étudiants. Il continue à défendre son point de vue : Informateur 2 : had ši lli gal l-k daba ndwiw-h b l’argot nedwiw-h b l’argot même si le terme en argot ħit les expressions b l’argot yžib l-k llah ra-h c’est du bla-bla ra-h c’est rien ra-h ġir t-tfelya non l-hedra lli ngul ana bon je suis pas un expert mais je pense je pense qu’il y a pas mal de gens qui vont me soutenir dans ce point had l-hedra lli ka nqul daba ra-h ɛend-ha des racines qui sont d’ordre psychologique Ce qu’on vient de dire, on parle en argot on parle en argot même si le terme est en argot. Parce que les expressions en argot il nous semble que c’est vraiment du blabla, c’est vraiment rien, c’est seulement des plaisanteries. Non, ce que je dis, moi, bon je ne suis pas un expert mais je pense je pense qu’il y a pas mal de gens qui vont me soutenir dans ce point ce que je dis maintenant est fondé psychologiquement. Ces exemples illustrent comment quelques informateurs (souvent des garçons) dénomment l’arabe marocain. L’arabe marocain est désigné par : l-meġribiyya, l-ɛerbiyya et par d-dariža. Ce sont des appellations positives en comparaison à « argot », perçu négativement, comme on voit dans les propos du dernier informateur : « l’argot ce n’est rien, c’est du blabla ». uploads/S4/ ziamari-pdf.pdf
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- Publié le Mar 16, 2022
- Catégorie Law / Droit
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