Droit Français, Droit Malgache : Le droit positif malgache et ses problèmes d’a

Droit Français, Droit Malgache : Le droit positif malgache et ses problèmes d’application Plan I – Un peu d’histoire : l’état des lieux A – Les coutumes : facteur d’adhésion populaire et garantie de l’application du droit malgache B – Les traits caractéristiques des réformes juridiques : terreau d’un nouveau droit francophone II – Les degrés de rayonnement du droit français à Madagascar : le droit positif malgache et ses problèmes d’application (à partir de 1896) Texte intégral I – Un peu d’histoire : l’état des lieux 1Dans le nouveau contexte politique où s’accomplit l’œuvre de codification ou de réajustement du droit, il est utile d’établir et de préciser le rôle que les coutumes d’une part et le code civil français d’autre part jouent dans le droit à Madagascar. A – Les coutumes : facteur d’adhésion populaire et garantie de l’application du droit malgache 2Les coutumes participent dans une très large mesure à la formation du droit traditionnel que le gouvernement malgache entendait et entend utiliser pour l’édification de règles juridiques uniformes et précises, applicables à l’ensemble des citoyens malgaches. Le rapport de synthèse sur l’état des personnes de 1962 indiquait clairement que le code civil de Madagascar, loin d’emprunter à des législations non malgaches, puiserait sa substance dans "les institutions juridiques authentiquement malgaches", trouvant ainsi, grâce à sa conformité avec les coutumes en vigueur, la certitude de l’adhésion populaire et la garantie de son application1. 3Les coutumes présentent donc un intérêt primordial car elles fournissent du matériau au droit nouveau. Elles ont déjà contribué à l’édification de plusieurs lois qui sont dans le livre premier du code civil de Madagascar consacré à la famille et aux personnes2, c’est-à-dire à l’être humain envisagé comme sujet de droit et comme membre de la collectivité familiale. En droit malgache, les régimes matrimoniaux et les successions se rattachent étroitement au droit des personnes, au point de ne pouvoir être séparés comme cela se fait. Dans le système juridique français où le droit des personnes est limité le plus souvent aux règles relatives à l’identification de l’individu (nom, domicile, état civil) et à ses relations familiales (mariage, filiation). 4Cette remarque nous permet de voir ce que les Malgaches entendent par le concept de coutume. Pour ce faire, nous allons nous limiter, paradoxalement à la définition de la doctrine française3. La coutume résulte d’une longue suite d’actes constamment répétés, qui ont acquis la force d’une convention tacite et commune. La coutume suppose donc la réunion de trois conditions : la répétition des mêmes actes, l’acceptation tacite du groupe social qui se soumet à cette coutume et l’écoulement d’un certain temps. Mais pour définir plus complètement la coutume à Madagascar, il faut ajouter un quatrième élément aux trois déjà cités à savoir le respect de la volonté des ancêtres (Fanajana Ny Fombandrazana). 5Ici la notion de coutume à Madagascar rejoint celle donnée par les jurisconsultes romains qui définissent la coutume comme un ensemble d’usages déjà pratiqués par les ancêtres, tirant leur force obligatoire de ce qu’ils ont été en vigueur pendant longtemps avec le consentement tacite de tous4. 6L’originalité de la coutume malgache ne vient pas du fait que la coutume, les Fomba, venant des ancêtres (Razana) et participant au culte que l’on doit leur rendre, doivent s’imposer à nous tous. Cette originalité est aussi renforcée par le fait que l’imprégnation religieuse des coutumes n’implique pas l’immobilisme juridique. Si les règles coutumières sont sacrées en raison de leur origine, elles n’en sont pas moins mouvantes : elles évoluent à Madagascar comme dans tous les pays de droit coutumier, au rythme des exigences modernes. 7C’est sur ce fond coutumier que le droit français a dû forger le droit positif malgache. B – Les traits caractéristiques des réformes juridiques : terreau d’un nouveau droit francophone 8Deux remarques. 9Sur le plan social et géographique 10À l’exception d’une partie du droit de l’Imérina, tout le droit de Madagascar est un droit coutumier. Globalement, si l’on néglige les usages vraiment locaux, autochtones que révèlent parfois les enquêtes coutumières5, il y aurait donc dix-neuf coutumes, autant de coutumes que d’ethnies. À partir de cette constatation, une autre remarque est à souligner : les juristes des années 1960, c’est-à-dire à l’époque du recouvrement de l’indépendance ont avancé l’existence de différentes aires juridiques6. 11Pour eux, Madagascar est divisée en aires coutumières perceptibles tout au long du XIXe siècle. Madagascar était avant 1896 un territoire, un état où il y avait un pluralisme juridique. Tout ceci donne un chiffre relativement peu élevé par rapport aux quelques soixante coutumes générales de l’Ancienne France, ce qui faisait écrire à Voltaire que l’on changeait de lois toutes les fois que l’on changeait de chevaux de poste. Mais ce serait un chiffre encore trop élevé si le législateur tenait et tient compte des particularismes coutumiers pour confectionner un droit nouveau. 12Devant ces réalités, rechercher les particularismes coutumiers ne conduirait qu’à un travail de pure érudition si l’on ignorait l’aspect pratique du problème, c’est-à-dire la stricte application de ces particularismes, leur observation par les habitants. Le législateur moderne a eu diverses réactions. 13Au plan juridique lui-même 14Devant ces particularismes, il se dégage quand même une tendance qui va en s’affirmant vers l’unité du droit malgache, en particulier tout ce qui touche le droit des personnes. Ce phénomène est dû à deux faits essentiels : l’existence d’un fonds commun coutumier d’une part et celle de l’influence du droit Merina d’autre part. Ces deux éléments ont agi dans le temps -depuis 1896 dates du début de la colonisation-, et dans l’espace. Le pouvoir colonial a, dans la réalité, unifié l’île d’une manière effective grâce en partie à son droit administratif. 15Le fondement du droit commun coutumier est incontestablement le culte des ancêtres qui domine tous les actes de la vie malgache. Et ce culte profondément enraciné dans tout Madagascar donne au droit un aspect uniforme dans l’accomplissement de certaines formalités juridiques. Il explique aussi aujourd’hui l’existence de pratiques uniformes et généralisées qui se manifestent dans le droit commun coutumier (par exemple, la remise de la dot, en malgache Vodiondry). Cet élément va permettre au législateur colonial (1896–1958–1960) et plus tard aux législateurs malgaches d’envisager un droit unique en particulier le droit des personnes. 16L’autre facteur ayant aidé d’une manière conséquente au rayonnement du droit français est l’influence du droit Merina. Il est d’usage d’opposer le droit coutumier oral au droit écrit Mérina. Présentant différents traits pouvant le caractériser7, notre sujet va surtout s’intéresser à l’aspect innovateur de ce droit Mérina. Car cet aspect peut être généralisé et va être étendu à l’ensemble de Madagascar, par l’administration coloniale. 17Comme le droit français appliqué à Madagascar après 1896, le droit Mérina introduit dans le pays des dispositions juridiques nouvelles, parfois foncièrement étrangères à la coutume et probablement d’inspiration européenne, chrétienne8 tels que l’établissement de l’état civil9, l’introduction du divorce judiciaire10. En 1896, la colonisation française et le droit français ont trouvé un terrain relativement prêt à les accueillir mais à quel degré d’intensité ? Ici, il est alors permis de s’interroger sur la valeur de ce droit en sa forme novatrice, sur son application effective et sur sa réception par les usagers du droit. II – Les degrés de rayonnement du droit français à Madagascar : le droit positif malgache et ses problèmes d’application (à partir de 1896) 18En 1960, on n’avait pas pensé à mesurer le degré de résistance des usagers de la coutume à l’unification et à la codification du droit. À l’époque, une telle étude semblait prématurée : on avait avancé l’impossibilité de le faire sans un dépouillement de la nouvelle jurisprudence, des statistiques de l’état civil, de sondages de l’opinion publique. 19Aujourd’hui, le thème de cette conférence sur le "rayonnement du droit français dans le monde" nous permet, dans une certaine mesure, de nous informer de l’attachement des Malgaches à leurs coutumes ou de l’indifférence qu’ils leur portent, ou de l’étude de l’opinion malgache face à la codification à partir d’une part du droit malgache traditionnel et du code civil français d’autre part. 20En effet, ce sujet peut être appréhendé de deux façons et selon la chronologie. De 1896 à 1960, nous pouvons avancer que le droit français continue l’entreprise d’unification du royaume malgache, se traduisant par un essai de monisme juridique. Le droit malgache, devenu cette fois-ci, traditionnel et dénommé par cet adjectif est mis sous tutelle. La France ne touche pas aux usages, aux coutumes en principe. En revanche, l’ambition coloniale ne doit pas être contrariée. 21L’ordre public colonial est prioritaire. Le droit ancien doit s’y conformer. En fait, le droit colonial a eu trois effets essentiels : d'abord un effet substitutif : l’exemple le plus important est l’abolition de l’esclavage, deuxième loi prise par l’administration coloniale (26 septembre 1896), étant entendu que la première fut la loi d’annexion de Madagascar (août 1896)11 ; ensuite un effet additif : le code de l’indigénat (3 mai 1901) établit un régime disciplinaire propre aux Malgaches de l’époque12 ; le pouvoir colonial a donné la prééminence au droit Merina sur le uploads/S4/ droit-francais.pdf

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  • Publié le Jui 28, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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