02/08/2020 Imprimer : Les caractéristiques classiquement attribuées à la common

02/08/2020 Imprimer : Les caractéristiques classiquement attribuées à la common law https://revue.ersuma.org/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=104 1/15 Revue de l’ERSUMA :: Droit des affaires - Pratique Professionnelle N° Spécial IDEF - Mars 2014 Les caractéristiques classiquement attribuées à la common law Par Yves-Marie Morissette / Publié en ligne le mercredi 9 avril 2014 Résumé/Abstract Résumé La description panoramique de la common law se heurte généralement à une difficulté d’ordre terminologue et conceptuel à laquelle s’ajoute la controverse autour du genre de cette expression ; celle consacrée par l’usage au Canada étant “la common law”. Les systèmes de common law se distinguent des systèmes romano-civilistes par leur origine historique, très précisément située dans le temps comme dans l’espace, et qui a marqué de manière durable la tradition de common law, un droit de source prétorienne encore appelé droit jurisprudentiel. La common law de l’époque ancienne, peut être qualifiée d’une activité judiciaire largement livrée à elle-même dans la mesure où la censure des décisions de justice par une autorité supérieure, royale ou judiciaire, était presque impossible. A l’époque moderne, les systèmes de common law partagent un modèle institutionnel et procédural qui se distingue nettement de celui des pays de tradition civiliste ou romano-germanique. ... Plan 1. Une ambiguïté initiale d’ordre terminologique et conceptuel I. L’empreinte indélébile de l’histoire sur la common law 2. Une histoire distinctive 3. Un droit de source prétorienne 4. Une activité judiciaire largement livrée à elle-même 5. Une conception originale mais insulaire de l’équité. 6. Une méfiance persistante envers la loi. 7. L’émergence très tardive d’une « science du droit » II. Les systèmes de common law aujourd’hui 8. La diffusion de la common law 9. Des institutions judiciaires et un cadre procédural particuliers 10. Une hypertrophie législative et réglementaire qui, comme ailleurs, n’est pas maîtrisée 11. Un droit substantiel qui se rapproche du droit civil occidental 12. L’obligation de bonne foi, un affrontement sur une question de fond ou sur une question de méthode ? 13. L’épanouissement de legal scholarship 1. Une ambiguïté initiale d’ordre terminologique et conceptuel. Lorsque l’on tente de donner en langue française une description panoramique de la common law, la première difficulté à laquelle on se heurte est d’ordre terminologique et conceptuel. Incontesta¬blement, la langue de la common law est l’anglais. Or, l’expression common law est difficile à traduire. Elle provient de l’ancien français « comune ley », qui signifierait en langue moderne la « loi commune » . Mais le sens du mot law dans l’expression common law est bien plus proche de celui du mot « droit » 02/08/2020 Imprimer : Les caractéristiques classiquement attribuées à la common law https://revue.ersuma.org/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=104 2/15 (entendu comme droit objectif et non comme droit subjectif) que de celui du mot « loi », ce qui inciterait certains à traduire common law par droit commun. Mais « une telle traduction gommerait l’irrécusable spécificité de la notion anglaise et prêterait à de graves confusions ». Je parlerai pour ma part de « la common law », expression pour ainsi dire consacrée par l’usage au Canada, et je ne m’arrêterai pas sur la controverse par ailleurs assez vive qui a pu opposer certains auteurs de doctrine sur le genre de common law : au Canada, le féminin l’emporte et l’expression « la common law » est reçue comme néologisme de langue française. I. L’empreinte indélébile de l’histoire sur la common law 2. Une histoire distinctive. En tout premier lieu, les systèmes de common law se distinguent des systèmes romano-civilistes par leur origine historique commune, très précisément située dans le temps comme dans l’espace, et qui a marqué de manière durable la tradition de common law. L’histoire de la common law commence en effet avec la conquête normande de l’Angleterre en 1066. Contraint d’asseoir son autorité royale sur le territoire nouvellement conquis, Guillaume le Conquérant, qui est aussi duc de Normandie, introduit en Angleterre certaines méthodes propres à l’administration ducale de Normandie. On peut en dégager trois principaux attributs : (i) par nécessité, la nouvelle administration royale se montre plutôt accommodante envers l’aristocratie en place, il n’est pas question de substituer à ce qui est déjà là une aristocratie normande ou une nouvelle forme de féodalité ; (ii) les coutumes et usages en place, qui tiennent lieu de droit, demeurent en très grande partie intacts car l’administration royale ne dispose pas de moyens pour les abroger et n’a rien sous la main pour les remplacer ; (iii) le pouvoir royal est exercé par délégation et par l’entremise d’un petit groupe de proches, souvent des ecclésiastiques, qui constituent la cour du roi . C’est de ce groupe que sera issue la Curia Regis (en anglais moderne, la Court of King’s Bench), une institution aux attributions variées mais qui, avec le temps, deviendra une composante majeure du système judiciaire anglais et le principal organe créateur de la common law. Les circonstances de la naissance de cette tradition juridique (et en particulier cette espèce d’immanence originelle) demeurent inscrites dans son ADN et, encore aujourd’hui, si l’on veut bien comprendre certaines institutions caractéristiques des systèmes de common law un peu partout à travers le monde, il faut revenir au Moyen Âge et en Angleterre. Il en est ainsi, par exemple, de la compétence non pas dative ou d’attribution, mais inhérente, des cours supérieures de common law, héritières en droite ligne de la Curia Regis et que l’on trouve dans presque tous les pays qui jadis faisaient partie de l’empire colonial britannique. 3. Un droit de source prétorienne. Je dis droit prétorien et je pourrais tout aussi bien dire droit jurisprudentiel. Néanmoins, pour des juristes civilistes de stricte obédience, il y a quelque chose de presque antinomique dans cette dernière expression, alors que droit prétorien exprime bien pour eux ce que j’ai ici à l’esprit. Il en est ainsi parce que, depuis les origines de la common law et jusque très tard au XVIIe siècle, voire au début du XVIIIe, la source vive qui nourrit la common law est l’activité des tribunaux, revendiquée comme telle par les juges sous couvert de l’autorité royale. Il s’agit d’une « élaboration autonome » par les juges parce que l’apparition d’une législation issue du Parlement et organisée comme un tout cohérent est elle aussi un phénomène fort 02/08/2020 Imprimer : Les caractéristiques classiquement attribuées à la common law https://revue.ersuma.org/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=104 3/15 tardif en droit anglais ; jusque la fin du XVIIIe siècle, l’image que projettent les travaux parlementaires est chaotique. Il y a donc un vide à combler. Le roi est la source de toute justice mais il délègue ce pouvoir aux juges royaux – et itinérants – qui de manière générale en usent avec discernement. Peu à peu, par un long et laborieux processus de sédimentation normative, la common law se constitue. Une idée de respect du précédent commence à prendre forme pour devenir au XVIIIe siècle la règle, bientôt trop rigide, du stare decisis. Mais songeons que beaucoup de tout cela se produit longtemps avant Gutenberg, que les lointaines origines de l’activité judiciaire en Angleterre ont laissé très peu de traces déchiffrables et que les Year Books (compilés de 1268 à 1535, ces premiers recueils de jurisprudence sous forme de spicilèges sont généralement illisibles pour les non initiés) seront demeurés pendant plus de deux siècles, et avec quelques très rares travaux de doctrine, la seule « version papier », si l’on peut dire, de la common law. 4. Une activité judiciaire largement livrée à elle-même. Théoriquement, la justice royale demeure en dernier ressort l’affaire du souverain en personne. Mais très rapidement, vu le volume d’affaires à traiter, cette hypothèse s’avère irréaliste, et les juges royaux acquièrent une autonomie qui n’aurait guère été imaginables dans un système de droit codifié ou, plus simplement, de droit écrit. Il s’agit pendant assez longtemps d’une justice de surveillance ou de supervision des très nombreuses juridictions inférieures (locales, seigneuriales, féodales, etc., qui fonctionnent comme avant la conquête de 1066). Deux facteurs contribueront particulièrement à accentuer cette tendance : l’absence de droit écrit, bien sûr, mais aussi le rôle grandissant que joueront les jurés dans l’administration de la justice. À mon avis, de toutes les descriptions que l’on peut lire sur la genèse de la common law au cours des trois ou quatre premiers siècles de son existence, celle du professeur H. Patrick Glenn demeure la plus synthétique et la plus saisissante (bien qu’elle soit aussi quelque peu elliptique…). Commentant le rôle des juges royaux au cours de cette période, il écrit : Judicial rulings, by a very small number of royal judges working out of Westminster on circuit, eventually came to define the ambit of the writs, encrusting themselves slowly, with no notion of stare decisis, on the skeletal language of the royal commands. There were only first-instance judges, no courts of appeal. The judges worked out themselves what was to be allowed. It was better not to suggest they had erred. And the jury, of course, could not. Et il explique en note pourquoi la censure des décisions de justice par une autorité supérieure, royale ou uploads/S4/common-law.pdf

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  • Publié le Jui 08, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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