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1 Nous n’avons volontairement pas corrigé les imperfections de forme qui peuvent apparaître dans chaque copie. Concours externe / Deuxième concours externe Talents 1ère épreuve d’admissibilité : Droit public Meilleure copie Note : 17/20 A l’occasion de son discours « Le Conseil d’Etat dans la crise sanitaire du Covid-19 », Bruno Lasserre soulignait la hausse des recours en référé traités par le Conseil d’Etat pendant la crise sanitaire. Ainsi, sur 1200 décisions en 2020, 840 étaient en lien avec la crise du covid-19 et les mesures prises sous l’état d’urgence instauré par la loi du 23 mars 2020. Alors que ce régime d’exception permet une extension dérogatoire des pouvoirs de police administrative pour restreindre les libertés, le recours au juge pour les défendre a été essentiel pour défendre l’Etat de droit. Ainsi, force est de constater que l’état exception qui caractérise la crise sanitaire appelle une justice qui l’est également. Dans une première acception procédurale, l’Etat de droit, auquel elle participe, désigne une théorie juridique et conception de l’Etat notamment développée par Hans Kelsen dans La théorie pure du droit. La hiérarchie des normes détermine la validité du droit, de sorte que la puissance publique elle-même s’en trouve limitée. Dans une acception plus large et plus fondamentale, il comprend également la garantie de droits et libertés, européens comme français, ainsi que de principes démocratiques. Retenir cette seconde définition permet une analyse plus complète. Cette théorie du droit, et idéal, est particulièrement prégnante aujourd’hui dans les droits français et européens et se décline à travers un corpus juridiques et des sanctions juridictionnelles. Néanmoins, ce concept est plastique et peut prendre différentes formes selon les ordres juridiques. L’Etat de droit a toutefois partout un rapport restrictif à l’exception qui est précisément « hors prise », selon son étymologie (ex-capere). Ponctuel ou inscrit dans le temps, l’état d’exception est pluriel, par exemple la menace terroriste, les opérations militaires ou la crise sanitaire. Il recouvre des situations inhabituelles, urgentes, menaçantes ou complexes. Ils appellent des régimes juridiques spécifiques qui doivent permettre à la puissance publique d’y répondre plus efficacement, en dérogeant à la légalité ordinaire. Ainsi, l’Etat de droit et les états d’exceptions se limitent mutuellement, voire s’oppose. Pourtant, ils connaissent un mouvement commun, voire paradoxal, de hausse avec une importance croissante des garanties l’Etat de droit et un recours accru aux états d’exceptions. Ainsi, la multiplication dans le temps des états d’exception interroge le maintien de l’équilibre entre protection de l’ordre public et protection des libertés dans l’Etat de droit à travers deux aspects. Tout d’abord, les états d’urgence impliquent de mettre « un temps un voile sur les libertés », selon la formule de Montesquieu dans l’Esprit des lois. Si elles ne sont plus exceptionnelles, ces restrictions remettent en cause la conception de l’Etat de droit en France, donnant lieu à de nouvelles versions moins protectrices. Cette question se pose avec une acuité particulière alors que des mesures sont transposées dans le droit positif, rapprochant états d’exception et Etat de droit habituel. En outre, la multiplication des états d’exceptions dans le temps questionne la capacité de l’Etat de droit à y répondre. En effet, le renforcement des droits et libertés limitent les marges d’action de la puissance publique. Celles- ci peuvent être trop restrictives ou inadaptées en temps normal face à de nouvelles menaces. 2 De surcroit, pour être effectif, l’Etat de droit repose sur un ensemble de mécanismes démocratiques et juridiques pour encadrer les exceptions. Ces dernières sont intégrés dans l’Etat de droit et se conçoivent par rapport à ce dernier. Toutefois, la pérennisation dans le temps des états d’urgence et les recours croissants appellent des adaptations du fonctionnement de toutes les instances de contrôle : le parlement, les citoyens et le juge. A fortiori en temps de crise, l’Etat de droit dépend de la continuité de l’activité parlementaire et du bon fonctionnement de la justice. Elles concernent tant l’effectivité des jugements, les procédures que l’organisation matérielle. Ainsi, les états d’exceptions conduisent à interroger les limites de l’Etat de droit ainsi que les adaptations nécessaires pour conjuguer garanties des citoyens et moyens d’action des pouvoirs publics. Dès lors, l’Etat de droit peut-il s’adapter, pour conjuguer pouvoirs exceptionnels face aux menaces et garantie des droits, sans remettre en cause ses fondements et son unité ? Face à des situations exceptionnelles, les états d’exception permettent de conjuguer des pouvoirs étendus (IA) et un Etat de droit effectif grâce à de nouveaux mécanismes de contrôle démocratique et juridictionnels (IB) Si la multiplication des états d’exception fragilise les droits et liberté (IIA), elle est d’abord la conséquence du renforcement des exigences de l’Etat de droit, qui pourrait bénéficier d’un contrôle démocratique accru et un encadrement strict de l’usage des données (IIB). *** Face à des situations exceptionnelles, plusieurs exceptions et régimes dérogatoires confèrent des moyens d’actions étendus aux pouvoirs publics, car l’Etat de droit habituel ne laisserait pas de marges suffisantes (I) L’exception dans l’Etat de droit existe en temps ordinaire comme en régime d’urgence. Afin d’agir efficacement, la Constitution et le législateur ont prévu des situations d’exception permettant de restreindre les droits et libertés habituellement garantis dans l’Etat de droit, pendant une période donnée. Le système juridique français prévoit ainsi des mécanismes pour déroger à la légalité habituelle. Ils ne s’inscrivent pas en dehors ou contre l’Etat de droit, mais modifient son équilibre et limitent fortement les libertés des citoyens. Dans cette perspective, le cadre juridique habituel est insuffisant pour répondre aux menaces, de par leur ampleur ou caractère exceptionnel. Ainsi, les articles 16 et 36 de la Constitution prévoient un régime de circonstances exceptionnelles et l’état de siège qui étendent le champ des pouvoirs de police. En outre, les états d’urgence prévus au niveau législatif ont pris une importance nouvelle depuis 2015. La loi de prorogation de l’état d’urgence de novembre 2015 réécrit ainsi la loi relative aux états d’urgence de 1955 afin de faire face à la menace terroriste. Elle étend les pouvoirs du préfet et du ministre de l’intérieur pour les assignations à résidence ou instituer des contrôles. Prorogée à six reprises entre 2015 et 2017, elle témoigne d’une forte adaptation des marges d’action et de restrictions des libertés justifiées par un état d’exception. Enfin, cette modification de l’équilibre de l’Etat de droit ordinaire, c’est-à-dire hors régime d’urgence, a été renouvelée lors de la crise sanitaire du covid-19. Cette légalité de crise s’éloigne alors substantiellement du cadre ordinaire de l’Etat de droit face au virus. La loi du 23 mars 2020 pour faire face à la crise sanitaire prévoit aussi des restrictions aux droits et libertés habituellement garantis. Les pouvoirs du premier ministre, du ministre de la santé et du préfet sont renforcés pour restreindre la liberté d’aller et venir ou procéder à des fermetures administratives d’établissements commerciaux. Hors régime d’urgence ou crise, l’Etat de droit ne s’oppose pas à des adaptations du principe de légalité en cas de circonstances exceptionnelles, d’intervention régalienne ou de menace urgente. Leur caractère dérogatoire traduit les exigences élevées de l’Etat de droit. Ainsi, la théorie des circonstances exceptionnelles dégagées par le juge administratif dans ses décisions Heyriès (CE, 1918, Heyriès) et Dame-Dol-Laurent (CE, 1919) admettent des exceptions au principe de légalité, par exemple dans le cas d’une irrégularité de compétence face à une situation urgente. Le juge tient ainsi compte de la matérialité et complexité de l’action administrative. 3 De plus, l’Etat de droit ne s’oppose pas non plus à l’immunité juridictionnelle de certains actes qui échappent alors au recours. C’est par exemple le cas d’opérations militaires (CE, 2010, Touax). Le domaine de la défense et de la sécurité cristallise est particulièrement sujet à ces aménagements. Il s’agit d’une activité régalienne particulièrement politique. Selon le Code de la défense, le Président de la République avec plusieurs ministres définit les orientations en matière militaire ou de sécurité, notamment pour prévoir sur le long-terme des réponses aux potentielles crises. Ainsi, adapter l’équilibre qui prévaut dans l’Etat de droit peut s’avérer nécessaire pour le préserver. Cela concerne tant l’Etat de droit comme contrôle des pouvoirs publics que les droits associés. Toutefois, ces états d’exception relèvent d’une qualification juridique, auxquels répondent des régimes d’exception et équilibre pluriels pour l’Etat de droit. *** Les états d’exceptions transforment l’Etat de droit qui reste effectif grâce à de nouveaux mécanismes de contrôles démocratique et juridictionnels aux niveaux français et européens. En ce sens les états d’exception sont « arrimés à l’Etat de droit » (Bruno Lasserre) (IB) Plusieurs voies et évolutions ont permis de conjuguer Etat de droit et pouvoirs exceptionnels ou états d’urgence, qui ne s’opposent pas. En ce sens, l’Etat de droit s’est adapté aux états d’exception. Tout d’abord, le renouvellement de l’office du juge a permis d’assurer un contrôle juridictionnel effectif des états d’urgence. Or l’Etat de droit se caractérise par la soumission au droit de la puissance publique. Assurer l’efficacité et l’effectivité du droit au recours est donc essentiel et suppose de nouveaux mécanismes adaptés à l’urgence et aux restrictions en œuvre. La modernisation et l’extension des pouvoirs uploads/S4/ ce-2021-droit-public 1 .pdf

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  • Publié le Mar 14, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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