2/4/2015 Faut­il reconnaître le «féminicide» dans le droit français? | Slate.fr

2/4/2015 Faut­il reconnaître le «féminicide» dans le droit français? | Slate.fr http://www.slate.fr/story/94363/feminicide 1/10 Faut-il reconnaître le «féminicide» dans le droit français? Aude Lorriaux France Double X 12.11.2014 - 8 h 56 mis à jour le 12.11.2014 à 8 h 56 Au Nicaragua, en juillet 2014. REUTERS/Oswaldo Rivas Tuer une femme parce qu'elle est une femme n'est pas une circonstance aggravante dans notre législation, contrairement à ce qui se passe dans des pays d'Amérique latine qui reconnaissent la spécificité de ces crimes. 2/4/2015 Faut­il reconnaître le «féminicide» dans le droit français? | Slate.fr http://www.slate.fr/story/94363/feminicide 2/10 Par Aude Lorriaux Journaliste Sa bio (/source/92535/aude- lorriaux), ses 16 articles (/source/92535/aude-lorriaux) Les réseaux féministes bruissent de ce mot peu courant: féminicide. Ou le fait de tuer une femme parce qu’elle est une femme. Bien connu dans d’autres pays, il gagne peu à peu du terrain en France: des siècles après l’inscription dans le vocabulaire du droit de l’infanticide et du parricide –qui remontent au bas latin– le mot a été ajouté le 16 septembre 2014 au vocabulaire du droit et des sciences humaines par la Commission générale de terminologie et de néologie. Il est aussi présent dans l’édition 2015 du Petit Robert: Féminicide: adj. et n. – 1855 ­ du radical du latin femina «femme» et ­ cide. Didact. 1 ­ Rare: Qui tue une femme. N. Un, une féminicide. 2 ­ N. m. Meurtre d'une femme, d'une fille en raison de son sexe. Le féminicide est un crime reconnu par plusieurs pays d'Amérique latine. Si le terme apparaît au XIX selon Le Petit Robert, c’est au début des années 1990 qu’il devient un objet d’étude et de recherche, notamment grâce à deux femmes, Jill Radford et Diane Russell, qui publient un livre intitulé Femicide: The Politics of Woman Killing (http://amzn.to/1seKhb1). Le «femicide» s’est ensuite imposé en France dans un cercle restreint de connaisseurs sous le terme «féminicide», pour éviter le strict parallèle avec «homicide». Violences d’Etat Lorsqu’on veut donner un exemple typique de féminicide, on cite généralement la tuerie de l’école polytechnique à Montréal (http://fr.wikipedia.org/wiki/Tuerie_de_l%27%C3%89cole_polytechnique_de_Montr%C3 le 6 décembre 1989. Armé d’une carabine, un homme de 25 ans entra ce jour­là dans une classe en demandant aux hommes et aux femmes de se séparer en deux groupes. Il annonce aux étudiantes présentes qu’il «combat le féminisme» et lorsque celles­ci lui répondent qu’elles ne sont pas forcément féministes, il leur rétorque: «Vous êtes des femmes, vous allez devenir des ingénieures. Vous n'êtes toutes qu'un tas de féministes, je hais les féministes.» Il ouvre le feu sur elles. Plus récemment, on peut citer le cas d’Elliott Rodger (http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20140524.OBS8389/etats­unis­au­ moins­7­morts­dans­une­fusillade­en­ californie.htmlhttp://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20140525.OBS8416/fusillade­ en­californie­le­tueur­est­le­fils­d­un­cineaste­de­hollywood.html), un étudiant de 22 ans qui a tué six personnes en Californie en mai 2014 après avoir déclaré dans une vidéo: «Je suis un gars parfait, mais vous les filles, vous vous jetez dans les bras de brutes stupides au lieu de moi… Je vais prendre un grand plaisir à vous massacrer.» Au­delà de ces cas de meurtres ouvertement dirigés contre la «féminité», un débat existe pour savoir où commence et où s’arrête le féminicide: les meurtres de femmes qu’on a tenté au préalable de violer sont­ils tous des féminicides? Pour les uns c’est le cas, parce qu’en s’attaquant au sexe de l’autre, le viol serait l’expression même de l’atteinte à la féminité. Pour les autres, il faut regarder e (/) LIKES F TWEETS T +1 G+ LINKEDIN IN 2/4/2015 Faut­il reconnaître le «féminicide» dans le droit français? | Slate.fr http://www.slate.fr/story/94363/feminicide 3/10 chaque situation au cas par cas. De même les violences conjugales conduisant à la mort de plus d’une centaine de femmes par an, dans des proportions beaucoup plus élevées que les hommes, sont qualifiées de féminicides par nombre d’associations, au motif qu’elles seraient l’expression d’une violence sexiste plus large et plus diffuse. Le féminicide s’accompagne parfois ou nécessairement, selon les définitions, d’une inaction de l’Etat, voire d’une organisation systématique de l’Etat. «En France, les femmes qui sont victimes de violence et vont voir les autorités ne sont pas prises au sérieux», argumente Pauline Arrighi, porte­parole d’Osez le féminisme (http://www.osezlefeminisme.fr/). En Chine, on estime que la politique de l’enfant unique a favorisé une politique d’avortement sélectif (http://www.slate.fr/story/3997/chine­vers­l%C3%A9galit%C3%A9­des­ sexes)au détriment des filles (http://www.ined.fr/fr/tout­savoir­ population/memos­demo/fiches­pedagogiques/l­avortement­selectif­des­filles­ en­asie/) ainsi que des meurtres à la naissance. (http://www.slate.fr/monde/80707/inde-le-pays-ou- les-filles-ont-disparu)À LIRE AUSSI L'Inde, le pays où les filles ont disparu (http://www.slate.fr/monde/80707/inde-le-pays-ou-les-filles-ont-disparu) LIRE (HTTP://WWW.SLATE.FR/MONDE/80707/INDE-LE-PAYS-OU-LES-FILLES-ONT- DISPARU) Au Mexique, à Ciudad Juarez, le nombre de femmes assassinées a augmenté entre 1993 et 2001 deux fois plus vite que celui des hommes. Selon la chercheuse Marie­France Labrecque (http://lectures.revues.org/10111), qui a publié Féminicides et impunité. Le cas de Ciudad Juarez (http://lectures.revues.org/10110), ces meurtres se sont déroulés dans le cadre de ce qu’elle appelle un «Etat patriarcal». Un Etat où les hommes ont un pouvoir sur les femmes et où les auteurs de crimes sur les femmes sont rarement recherchés et sanctionnés. Un Etat où, par ailleurs, les politiciens remettent régulièrement en cause la «vertu» des femmes assassinées. Dans un jugement rendu en 2009, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a reconnu l’Etat mexicain responsable de n’avoir pas fait le nécessaire pour protéger trois jeunes femmes décédées. La spécificité des «féminicides» latinos Reconnaissant la spécificité de ces meurtres, plusieurs pays d’Amérique latine ont adopté des législations spécifiques ou sont en train de le faire. C’est le cas du Pérou, de la Bolivie, du Chili, du Costa Rica, de la Colombie, du Salvador, du Guatemala et du Mexique. En Europe, le mouvement est pour l’instant timide, mais pas inexistant. L’Italie a adopté ainsi en 2013 plusieurs lois (http://www.leggioggi.it/wp­ content/uploads/2013/10/Decreto_Femminicidio.pdf) renforçant les sanctions contre les violences conjugales, le président du Conseil de l’époque, Enrico Letta, ayant alors parlé de dispositions visant à lutter contre le «féminicide» (https://twitter.com/EnricoLetta/status/365410020239753216) («femminicidio» (https://twitter.com/hashtag/femminicidio?src=hash)). Quand il y a des violences perpétrées contre les femmes et que En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés à vos centres d’intérêts. En savoir plus... 2/4/2015 Faut­il reconnaître le «féminicide» dans le droit français? | Slate.fr http://www.slate.fr/story/94363/feminicide 4/10 Mais les «féminicides latino» sont très différents des «féminicides européens», selon Jules Falquet (http://www.csprp.univ­paris­diderot.fr/Falquet), maîtresse de conférences en Sociologie à l'université de Jussieu­Paris Diderot (Paris 7), qui évoque à propos de l’Amérique latine une «logique de guerre particulièrement complexe». Selon elle, les meurtres en masse de femmes de Ciudad Juarez au Mexique sont liés à l’inaction de l’Etat –aucun assassin «crédible» relève­t­elle n’ayant été arrêté à ce jour– ainsi qu’au développement du capitalisme sauvage, dans la zone frontière contrôlée par des multinationales et des narcotrafiquants. Les travailleuses pauvres, main d’oeuvre peu chère et dotée de peu de valeur symbolique, constituent un «segment de la main d’oeuvre central pour la réorganisation néolibérale de la production», explique la chercheuse dans son article «Le développement des assassinats de femmes à Ciudad Juarez» (http://www.contretemps.eu/interventions/assassinats­ciudad­ju%C3%A1rez­ ph%C3%A9nom%C3%A8ne­f%C3%A9minicides­nouvelles­formes­violences­ contre­femm). Les multinationales «tirent profit des inégalités de genre pour exploiter plus encore les femmes». La violence vise ainsi à les empêcher de se révolter et de réagir. Il s’agit somme toute d’un contexte bien différent selon elle du contexte français, où les assassinats de femmes, bien que liés à des discriminations, s’exercent surtout dans la sphère domestique. Ce pourquoi la chercheuse est partagée quant à la reconnaissance du féminicide dans l’Hexagone: «Il serait peut­être plus simple de sanctionner plus durement les violences domestiques et les prévenir.» En France, alors que les les diffamations ou injures à caractère sexiste sont sanctionnées pénalement, il n’existe pas de reconnaissance spécifique des meurtres sexistes, au même titre que pour les meurtres homophobes ou racistes par exemple. Ainsi le code pénal reconnaît à l’article 221­4 (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do? idArticle=LEGIARTI000006417572&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=201 circonstances aggravantes pour les homicides commis «à raison de l'appartenance ou de la non­appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée» ou notamment «à raison de l'orientation sexuelle» ou de «l’identité sexuelle» (correspondant à «l’identité de genre», une notion utilisée pour les personnes transgenres) de la victime. Mais il n’y a pas pour l’instant de circonstance aggravante prévue «à raison du sexe». Pas de reconnaissance du meurtre sexiste en France Cependant un certain nombre de dispositions législatives visent, expressément ou implicitement, les femmes. C’est le cas par exemple lorsqu’il est fait mention d’une circonstance aggravante lorsque la «vulnérabilité» d’une personne due à «un état de grossesse» est «apparente ou connue de son auteur»: ici il ne peut s’agir que de femmes. D’autres dispositions, sans nommer les femmes, ont été introduites pour elles: une circonstance aggravante est ainsi prévue lorsque le meurtre est commis «par un conjoint» ou quand il est commis «contre une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une des femmes meurent sous les coups de leurs compagnons, il s’agit de violences spécifiques et qui portent un nom. Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux droits des femmes 2/4/2015 Faut­il reconnaître le «féminicide» dans le droit français? | Slate.fr http://www.slate.fr/story/94363/feminicide 5/10 union». Le législateur ne les désigne pas nommément, mais c’est pour elles qu’il écrit, car on sait uploads/S4/ lorriaux-aude-faut-il-reconnaitre-le-feminicide-dans-le-droit-francais-2014-slate.pdf

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  • Publié le Mai 30, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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