LA PROBLÉMATIQUE DE LA RÉFORME JUDICIAIRE EN HAÏTI Jean Sénat Fleury Tous droit

LA PROBLÉMATIQUE DE LA RÉFORME JUDICIAIRE EN HAÏTI Jean Sénat Fleury Tous droits réservés jeansenatfleury1@yahoo.com LA PROBLÉMATIQUE DE LA RÉFORME JUDICIAIRE EN HAÏTI 4 LA PROBLÉMATIQUE Ce livre est dédié à toutes les victimes des dérives du système judiciaire haïtien, mais aussi aux victimes dites «muettes», c’est-à-dire des milliers de compatriotes qui n’ont pas pu faire valoir leur droit en justice parce que découragés par les difficultés multiples, par la lenteur du système et sa complexité, par manque de temps ou d’argent afin de faire valoir leur droit a être bien défendu. Au Commissaire Laraque Exantus, mon condisciple à la Faculté et collègue de travail au Parquet de Saint-Marc enlevé de sa résidence en février 1994 et porté disparu depuis, je dédie cet ouvrage. 5 DE LA RÉFORME JUDICIAIRE EN HAÏTI Table des Matières Note de l’auteur …..………………………………… 1 Introduction …………………………….....................2 Chapitre I. Indépendance Judiciaire et Accès à la Justice en Haïti ………..................................….......... 9 1) Les acteurs …………………………………… 9 2) L’interférence du pouvoir politique sur le judiciaire ..................................................................................15 3) Le Ministère de la Justice ……......……………. 19 4) Justice et Corruption …………......................... 20 5) Réprimer la Corruption …………....…………. 23 6) La mise en place d’un Observatoire national de lutte contre la corruption .........…….. 23 7) L’introduction d’un système de contrôle de l’appareil judiciaire .…...…….....................…. 24 8) Respect des règles de déontologie .......…………25 Chapitre II. Réformer la Justice ..…….....…………...26 1) L’indépendance institutionnelle des Juges ............28 2) Formation et Compétence ……………….....….28 3) L’indépendance judiciaire et l’autonomie professionnelle des Juges ………....................…..30 4) L’accessibilité de la Justice à tous les citoyens ............………………...................................…… 31 . Chapitre III. Les Recommandations pour une Réforme Judiciaire en Haïti .....................…….... 35 1) Recommandations visant l’indépendance effective du pouvoir judiciaire …….................................. 35 Réformes à court terme ………………….... 35 Réformes à moyen terme …………………. 36 Réformes à long terme ....…………………. 38 2) Recommandations visant les garanties judiciaires des justiciables ............................…………….. 38 Réformes à court terme ...……………........ 38 Réformes à moyen terme ...…………......... 38 Réformes à long terme ...……………......... 39 3) Recommandations visant le renforcement de l’État de Droit en Haïti ............................................... 39 Par rapport à la Justice ..……………......... 40 Par rapport à l’insécurité …...………......... 41 Par rapport à la Police …...………………. 42 Justice et Droits Humains …...…………………... 43 Chapitre IV. La Réforme Judiciaire en Haïti : Un Défi a Relevé …………...............................……. 47 Réflexions ………...…………………………... 50 Notes …………………………………………... 83 Bibliographie …………………………………. 134 Index ………………………...…………………. 139 1 Note de l’auteur Plusieurs réflexions dans cet ouvrage sont dans le livre que nous avons écrit et publié sous le titre : La Cour de Cassation Face à la Réforme Judiciaire en Haïti.1 Complétant cette recherche, cette nouvelle analyse sur la Réforme Judiciaire fait un diagnostic précis sur le caractère dysfonctionnel de l’appareil judiciaire haïtien tout en faisant état d’un ensemble de recommandations sur les fondements et les orientations pouvant servir d’éléments incontournables dans le processus d’une réforme. Puisse la publication du présent document de réflexion permettre aux lecteurs de mieux comprendre la problématique de la question et provoquer une prise de conscience citoyenne pour le renforcement de l’ordre démocratique en Haïti à travers une véritable réforme de la justice. Boston, le 10 septembre 2007 2 LA PROBLÉMATIQUE INTRODUCTION La demande de la justice en Haïti est fortement entravée par l’état lamentable du système judiciaire. Les tribunaux insuffisants, les salaires bas, l’ingérence du pouvoir exécutif, le manque d’éducation et de formation et des lois fragiles et peu appliquées concourent à créer un système judiciaire dans lequel la population n’a pas confiance et qui ne remplit pas ses fonctions et n’assume pas ses responsabilités. Près des trois quarts de la population haïtienne se situent aujourd’hui en dehors du champ de la justice. Il se trouve que cette partie exclue correspond à la fois au monde rural et au secteur de l’urbanisation informelle née de l’exode rural. La partie rurale se trouve, presque complètement démunie de tout service de sécurité, les unités de police étant stationnées exclusivement dans les moyennes et petites agglomérations urbaines. En effet, il n’existe actuellement aucune présence d’un appareil judiciaire quelconque au niveau de la subdivision territoriale de base qu’est la section communale. Or, c’est pourtant à ce niveau que se joue l’essentiel de la vie quotidienne de la majorité des citoyens. Le même problème se pose d’ailleurs en ville pour les populations issues de l’exode rural qui s’entassent actuellement dans d’immenses zones d’habitat informel sans aucun service de justice, et cela malgré des conditions de proximité pourtant nettement favorables. La régulation de fait de ces deux grandes masses populaires s’exerce en grande partie sur la base d’un droit informel qui règle notamment les rapports matrimoniaux (le plaçage), l’exercice du droit de propriété et le rapport au foncier (rural et urbain) ; ces règles non codifiées entrent souvent en conflit 3 DE LA RÉFORME JUDICIAIRE EN HAÏTI avec le droit officiel à base du code napoléonien qui obéit à une logique fondamentalement différente. Haïti est, en fait, un pays avec un double ordre juridique. Cela ne devait pas poser de problèmes si l’État haïtien se reconnaissait comme étant juridiquement plural. Mais, le système officiel ne reconnaît pas l’existence du droit coutumier ou informel et celui-ci est ignoré et, avec lui, une grande partie de la population, qui régit son fonctionnement social selon cet ensemble parallèle de normes. En Haïti, la tâche de l’identification même des citoyens se trouve en grande partie délaissée. On estime (rapport de la BID) à 40% la proportion de la population qui se retrouve actuellement avec un état civil soit non répertorié soit enregistré dans des conditions pratiques d’illégalité totale. Dans le pays profond, de façon traditionnelle, aucun service d’état civil digne de ce nom ne fonctionne. On est encore proche de la situation que décrivait en 1843 Victor Schœlcher dans le langage de l’époque : « Au milieu de l’immense désordre administratif de ce pays, où toutes les formes empruntées à la civilisation sont des simulacres, il n’y a pas même d’état civil, et hors des villes, vous mourez et l’on vous enterre sans que personne ne le sache que vos voisins.» Une grande partie du pays se trouve donc toujours dans une sorte d’anonymat civique qui l’empêche de bénéficier des prérogatives minimales attachées à tout individu du fait même d’exister : les droits de la personnalité, le nom, l’état, la capacité et le domicile. Tout l’appareil de la justice formelle en Haïti repose essentiellement à la fois sur l’utilisation de l’écriture et sur celle du français, alors que 60 % de la population est analphabète et qu’à peine 10% est susceptible d’utiliser le français. A tous les niveaux donc, pour le moment, ce double paramètre créole/parlé, français/écrit dans un pays où à peine 10% de la population parle le français, pèse considérablement sur la clarté et l’efficacité du fonctionnement judiciaire. 4 LA PROBLÉMATIQUE La justice étant un service public, son accès doit être garant à tous sans distinction. Cet accès se mesure en termes de distribution spatiale des tribunaux, de la distance à parcourir pour les atteindre, du coût des services disponibles ainsi que de la langue dans laquelle sont rendues les décisions de justice. Le nombre des citoyens qui peuvent aujourd’hui accéder à la justice est très réduit quand on tient compte de la distribution spatiale des tribunaux à travers le pays. Il suffit pour s’en convaincre de se référer à la répartition actuelle des tribunaux sur tout le territoire et du nombre de Juges actuellement en fonction par tête d’habitants. Cette situation a provoqué le développement du recours à «une justice privée» par la population. En effet, les victimes des violations flagrantes des libertés fondamentales, au lieu de recourir à des voies légales afin d’obtenir réparation, se contentent le plus souvent de recourir à une justice privée. Elles ont donc la tentation de se faire justice. Cette attitude revancharde est selon les victimes, plus rapide, directe et plus sûre. C’est comme si l’époque de la loi du talion n’a jamais été révolue en Haïti. Le fonctionnement de l’appareil ou du système judiciaire en Haïti a fait l’objet de plusieurs inventaires, diagnostics, études, analyses et rapports, tant d’experts internationaux que nationaux. Ces spécialistes, à chaque fois, recommandent des plans d’actions à court, moyen et long terme comportant des mesures pour soit reformer le système, soit améliorer son fonctionnement1. Il serait trop long d’énumérer tous ces travaux qui sont d’ailleurs bien connus. Qu’il suffise de mentionner en particulier les études de la Mission Civile Internationale en Haïti (MICIVIH), et notamment «Le Système Judiciaire en Haïti – Analyse des aspects pénaux et de procédure pénale», les rapports périodiques du Secrétaire Général des Nations Unis sur les activités de la MICIVIH en 1998 et de la Mission de police civile des Nations Unis en Haïti (MIPONUH) ainsi 5 DE LA RÉFORME JUDICIAIRE EN HAÏTI que les rapports de M. Adama Dieng, expert indépendant de la Commission des Droits de l’Homme et de son homologue Louis Joinet. Il faut aussi mentionner les inventaires détaillés des tribunaux menés par la coopération américaine dès 1995, une étude préparée pour USAID en novembre 1997 : uploads/S4/de-la-reforme-judiciaire-en-haiti.pdf

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  • Publié le Oct 10, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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