VOTRE DOCUMENT SUR LABASE-LEXTENSO.FR - 15/05/2020 13:31 | UNIVERSITE DE SAVOIE
VOTRE DOCUMENT SUR LABASE-LEXTENSO.FR - 15/05/2020 13:31 | UNIVERSITE DE SAVOIE Droit administratif et régime juridique des opérations électorales Issu de Revue du droit public - n°6 - page 1495 Date de parution : 01/11/2017 Id : RDP2017-6-003 Réf : RDP 2017, p. 1495 Auteur : Par Sylvain Niquège, Professeur à l'université de Bordeaux Les opérations électorales ne font l’objet que d’assez peu de développements, en tant que telles, dans les manuels de droit public généralistes1. D’autres points relatifs à la chose électorale retiennent davantage l’attention de la doctrine. Dans les ouvrages de droit et de contentieux constitutionnel, c’est le cas des conditions de vote et d’éligibilité, du découpage des circonscriptions ou des modes de scrutin, thèmes liés aux questions de l’universalité et de l’égalité du suffrage, ainsi qu’à la problématique de la représentativité du scrutin. Certes, le caractère secret du suffrage, garanti par l’article 3, alinéa 3 de la Constitution et qui emporte des conséquences très directes sur les modalités pratiques du vote, donne lieu à quelques précisions2. Il n’en reste pas moins que le thème des opérations électorales, peut-être parce qu’il renvoie (non sans raison) à un certain pointillisme, ou qu’il paraît quelque peu statique, n’est guère exploré que dans les ouvrages consacrés au droit électoral3. L’intérêt qu’il représente est pourtant vif, non seulement du point de vue démocratique, mais encore sur un plan juridique, en particulier sur le terrain de l’étude, qui nous retiendra ici, des liens que nourrissent le droit électoral et le droit administratif. Interroger ces liens à l’aune du régime juridique des opérations électorales suppose au préalable de cerner les contours de cette dernière notion. De façon grossière, les opérations électorales renvoient à l’acte de voter dans sa dimension matérielle, concrète. Si elles ne se cantonnent pas au jour du vote (de la préparation de la salle à la transmission du procès-verbal des opérations électorales), les actes antérieurs à celui-ci ne peuvent leur être rattachés qu’en tant qu’ils en assurent la préparation. S’agissant des règles générales relatives aux élections législatives, départementales, municipales et communautaires, le droit des « opérations électorales » renvoie aux articles L. 52-19 et suivants du Code électoral4 relatifs au « Vote », articles qui se rapportent aux « Opérations préparatoires au scrutin » (convocation des électeurs…), aux « Opérations de vote » (quand ? où ? comment ?), au vote par procuration et aux commissions de contrôle des opérations de vote5. C’est sur ces règles que s’appuiera l’essentiel de nos réflexions, étant entendu que le droit des opérations électorales ne s’y résume pas, pour la double raison que les élections auxquelles elles ont trait ne sont ni les seules élections politiques, ni les seules élections tout court6. Les rapports entre le droit administratif et le régime juridique des opérations électorales (comme avec le droit électoral dans son ensemble, d’ailleurs) peuvent être envisagés suivant deux angles distincts. Le premier consiste, dans une perspective classique lorsqu’il s’agit d’envisager les rapports entre deux ensembles de règles, à postuler qu’il y a entre eux une différence dont il s’agit d’interroger la profondeur, voire même la pertinence, par exemple sur la base de la constatation de l’existence d’emprunts ou d’échanges réciproques. Il conduit en l’occurrence à interroger un certain nombre d’objets communs au régime juridique des opérations électorales et au droit administratif. Le second tend à privilégier, du moins de prime abord, un point de vue moins technicien, moins sensible aux notions et aux règles qu’aux lignes de force qui parcourent les matières examinées. Dit autrement, il s’agit de s’efforcer de prendre un peu de hauteur en questionnant les éventuelles tensions communes qui traversent le droit administratif et le régime juridique des opérations électorales. I. — OBJETS COMMUNS Il y a, entre le droit administratif et le régime juridique des opérations électorales, un certain nombre d’objets juridiques communs, qu’il s’agisse de notions ou de principes. L’on retrouve ainsi, dans le cadre des opérations électorales, une notion aussi centrale du droit administratif que celle de la police administrative. De même, la neutralité apparaît comme une exigence commune à ces deux champs. Ces deux exemples ne sont cependant pas absolument de même nature. Si, concernant la police, le droit des opérations électorales partage avec le droit administratif à la fois le mot et la chose, cela n’est pas tout à fait le cas s’agissant de l’exigence de neutralité. A. — La police administrative Les opérations électorales requièrent de la sérénité. Or, celle-ci ne va pas de soi dès lors que, par principe, ces opérations consistent à solliciter la participation effective de personnes qui ne sont pas d’accord entre elles. Cette recherche de sérénité se traduit historiquement par une méfiance accusée vis-à-vis des forces de police et des forces armées. Elle implique de préserver le déroulement des opérations électorales d’une présence policière ou militaire qui pourrait lui nuire. Déjà, l’article 3 de la Constitution de 1791 prévoyait que « La force armée ne pourra être introduite dans l’intérieur [de l’assemblée primaire ou électorale] sans le vœu exprès de l’Assemblée, si ce n’est qu’on y commît des violences ». Aujourd’hui, l’article R. 49 du Code électoral prévoit que « Nulle force armée ne peut, sans autorisation, être placée dans la salle de vote, ni aux abords de celle-ci. » Il s’agit d’éviter l’intimidation des électeurs et, partant, de préserver leur liberté de choix, et donc la sincérité des résultats du vote7. Outre l’éloignement des armes8, la recherche de la sérénité passe surtout, là encore avec une belle continuité historique, par l’affirmation d’une police des opérations électorales. Celle-ci répond aux éléments de la définition de la police administrative, dès lors qu’elle s’entend d’un pouvoir en vertu duquel l’autorité qui en est titulaire peut prendre des mesures visant au maintien de l’ordre public, c’est-à-dire, ici, au bon déroulement des opérations électorales. Si avant 1789, pour la tenue des assemblées provinciales ou des États généraux, la question de l’ordre, pour être présente, ne semble pas faire l’objet de dispositions spécifiques9, très vite ont émergé des dispositions textuelles particulières. Ce fut d’abord le cas dans le cadre constitutionnel. L’article 3 de la section de la Constitution de 1791 consacrée à la « Tenue et régime des Assemblées primaires et électorales » prévoyait ainsi la possibilité pour le président de l’assemblée d’appeler la force armée. De même, l’article 14 de la Constitution de 1793 (An I), comme plus tard l’article 25 de la Constitution de 1795 (An III), prévoyait que « la police (…) appartient » aux assemblées primaires. Dès lors que l’organisation des opérations électorales est, par la suite, confiée au législateur10, c’est ensuite le cas dans des textes de rang inférieur. Aujourd’hui, ce sont les articles R. 49 et suivants du Code électoral qui attribuent au président du bureau de vote « seul la police de l’assemblée », et l’autorisent à ce titre à réquisitionner autorités civiles et militaires, à 1/4 demander l’expulsion d’assesseurs, de délégués ou de scrutateurs, et plus généralement à faire cesser quelque trouble que ce soit11. C’est donc bien de police administrative au sens le plus classique, celle qui vise à la préservation de l’ordre public et à la prévention des atteintes qui pourraient lui être portées, qu’il s’agit ici. Le fait que cette police puisse incomber à d’autres personnes que celles qui disposent de la police administrative générale, dès lors que le président du bureau de vote peut être le maire, mais encore ses adjoints ou les conseillers municipaux dans l’ordre du tableau (C. élect., art. R. 43), ou le fait qu’elle ait un objet précis (le respect de l’ordre public dans le cadre des opérations électorales), ne font au mieux qu’interroger une éventuelle qualification de police spéciale. Le parallèle n’est pas aussi complet s’agissant de l’exigence de neutralité. B. — La neutralité Le discours juridique relatif aux opérations électorales fait une place importante à la neutralité. On attend des éléments matériels de l’opération électorale qu’ils soient neutres, de sorte qu’il ne saurait y avoir, dans la salle de vote, que les affiches officielles rappelant les dispositions du Code électoral, les cas de nullité des bulletins de vote ou les pièces d’identité requises. De même, les bulletins électoraux, les enveloppes, etc., font l’objet d’une réglementation stricte quant à leurs couleurs, tailles, mentions… On attend aussi des membres du bureau qu’ils soient eux-mêmes neutres et n’indiquent pas de préférence, que ce soit par leurs attitudes ou leurs vêtements12. Le rapprochement entre cette neutralité des opérations électorales et le principe de neutralité tel qu’il est évoqué en droit administratif général, c’est- à-dire le principe de la neutralité du service public, est parfaitement défendable pour au moins deux raisons. D’abord, sur le plan normatif, il y a bien, au-delà de l’emploi du terme « neutre » et en dépit du silence sur ce point du Code électoral, une obligation de neutralité dans le champ électoral13. Le juge administratif rappelle « l’obligation de neutralité auxquels sont astreints le président et les membres du bureau de vote »14. De même, il souligne que « l’aménagement des locaux dans lesquels se déroule un uploads/S4/droit-administratif-et-regime-juridique-des-operations-electorales-15-05-2020-13-31-24 1 .pdf
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- Publié le Nov 06, 2022
- Catégorie Law / Droit
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