M. Xiaoping Li L'esprit du droit chinois : perspectives comparatives In: Revue

M. Xiaoping Li L'esprit du droit chinois : perspectives comparatives In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 49 N°1, Janvier-mars 1997. pp. 7-35. Résumé « Despotisme », « modèle » et « ritualisme » sont les perceptions représentatives sur le droit chinois par les auteurs occidentaux. En effet, le droit chinois s'imprègne profondément du confucianisme — son humanisme, son idéal moral et son ultime principe « Harmonie ». D'ailleurs, tout en insistant sur leurs différences fondamentales, cette étude montre qu'il existe un parallélisme entre certaines conceptions juridiques chinoises et européennes. Abstract « Despotism », « model » and « ritualism » are the representative perceptions on the chinese law by the western authors. In fact, Chinese law becomes saturated with the confucianism — its humanism, moral ideal and ultimate principle of « Harmony ». Notwithstanding their fondamental differences, this study attempts to show that a parallelism exists between some Chinese legal concepts and European ones. Citer ce document / Cite this document : Li Xiaoping. L'esprit du droit chinois : perspectives comparatives. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 49 N°1, Janvier-mars 1997. pp. 7-35. doi : 10.3406/ridc.1997.5379 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1997_num_49_1_5379 R.I.D.C. 1-1997 L'ESPRIT DU DROIT CHINOIS : PERSPECTIVES COMPARATIVES Xiaoping LI * « Despotisme », « modèle » et « ritualisme » sont les perceptions repré sentatives sur le droit chinois par les auteurs occidentaux. En effet, le droit chinois s'imprègne profondément du confucianisme — son humanisme, son idéal moral et son ultime principe « Harmonie ». D'ailleurs, tout en insistant sur leurs différences fondamentales, cette étude montre qu'il existe un parallélisme entre certaines conceptions juridiques chinoises et européennes. « Despotism », « model » and « ritualism » are the representative per ceptions on the Chinese law by the western authors. In fact, Chinese law becomes saturated with the Confucianism — its humanism, moral ideal and ultimate principle of « Harmony ». Notwithstanding their fondamental differences, this study attempts to show that a parallelism exists between some Chinese legal concepts and European ones. Comme presque partout ailleurs, la formation et l'évolution du droit ont été dominées de tout temps, en Chine, par des problèmes d'ordre philosophique. Tout cela, ou du moins l'essentiel, semble s'être décidé dans la période qui se situe entre les Ve et IIIe siècles avant J.-C. où la société chinoise a connu un grand bouleversement et où les « Cent écoles » ont fleuri. Parmi ces écoles, les courants taoïste, confucianiste et légiste ont parcouru toute la pensée de la Chine aux diverses époques de son histoire. Du point de vue juridique, l'esprit des philosophes légistes demeure jusqu'à nos jours. Mais en réalité, c'est essentiellement le confu cianisme, c'est-à-dire la doctrine de Confucius et de son école, qui a, dès * Docteur en droit de l'Université de Paris II et maître de conférences à l'Institut du Droit et des Sciences politiques de Chine centrale (Wuhan). 8 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 1-1997 le principe, exercé une influence profonde et dominante sur les conceptions des Chinois en matière de gouvernement et, par suite, de législation. Pour bien saisir l'esprit du droit chinois, il faudra surtout se référer au confucianisme. Parler de l'esprit du droit, c'est rechercher au fond certains concepts qui sous-tendent les institutions juridiques. Ces concepts ont leur fonde ment dans un certain nombre de croyances qui ont également une expres sion soit religieuse soit morale, ou mieux encore, ont une vision du monde et de la vie. Ce n'est que dans ce sens là que l'on pourrait légitimement dire quel est l'esprit du droit. S'il en est ainsi et en ce qui concerne le droit chinois, nous nous permettons de dire que l'esprit de ce droit n'est pas un « despotisme », comme l'a considéré Montesquieu, ni un concept de « modèle », comme l'a interprété J. Escarra, ni non plus un « ritualisme », comme l'a remarqué L. Vandermeersch, mais par essence, la synthèse d'un « humanisme », d'un « moralisme » et d'un concept d'« harmonie ». L'étude comparative du droit tel qu'il s'est développé au sein de civilisations différentes et chez des populations séparées les unes des autres par l'espace et par les barrières que crée la diversité des origines ethnographiques présente un intérêt spécial : d'une part, elle montre la possibilité d'envisager le même rapport juridique sous des jours divers et parfois divergents ; les conceptions juridiques les plus hétérogènes se heurtent et s'éclairent les unes les autres ; d'autre part, certains principes fondamentaux acquièrent une force nouvelle et se parent d'un prestige accru lorsqu'on les voit dominer la vie sociale même aux époques les plus reculées de l'histoire et parmi des peuples qui, considérés à d'autre point de vue, n'ont presque aucun point de contact. C'est ainsi, précisé ment, qu'on peut le mieux se rendre compte de l'universalité existentielle du droit. Dans le présent article où nous avons voulu montrer l'esprit du droit qu'a produit le sol chinois, nous espérons pouvoir abaisser des barrières qui séparent l'Orient de l'Occident, en comparant la conception platoni cienne du droit avec la conception confucéenne du droit et la tradition juridique romaine avec la tradition juridique chinoise, en montrant le parallélisme entre certaines conceptions juridiques chinoises et européen nes et en prouvant que l'antique Empire du Milieu n'a pas été étranger à l'universel Empire du droit, mais que bien entendu, il connaissait un autre type du droit. I. LE DROIT CHINOIS VU PAR LES AUTEURS OCCIDENTAUX Quelle est la conception chinoise du droit ? Quelles différences peut- on estimer qu'il y a entre ces deux systèmes du droit de l'Eurasie, européen et chinois ? Nous avons trois thèses représentatives. Il est très intéressant que toutes ces thèses aient été avancées par des auteurs français l. 1 V. Geoffrey MACCORMACK, Tradition Chinese penal law, Edingurgh University Press, 1990, pp. 292-297. Il y parle des théories portées sur le droit chinois, particulièrement le droit pénal, de J. ESCARRA et de L. VANDEERMEERSCH. En effet, c'est MONTES QUIEU qui a inauguré le domaine des études du droit chinois et en a établi une théorie considérablement influente. XIAOPING LI : L'ESPRIT DU DROIT CHINOIS 9 1. La thèse de Montesquieu « Les lois sont des rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses » 2. C'est l'idée fondamentale par laquelle Montesquieu ouvre son propre raisonnement dans L'esprit des lois, qui tout entier est consacré à dégager des rapports profonds qui existent entre les institutions juridiques et politiques des peuples et Y esprit général dont les ont dotés la géographie et l'histoire. Le droit y est décrit comme le résultat des relations constantes qu'il y a entre la nature de l'homme et son milieu physique et social. En ce qui concerne le droit chinois, Montesquieu croit qu'en Chine il n'y a qu'un code qui confond la religion, les lois, les mœurs, etc. et, qui est d'un esprit à la fois despotique, moraliste et ritualiste. Il établit et défend la théorie d'un « despotisme oriental » reposant sur la terreur. La loi n'y a pas de force. Là, « règne un esprit de servitude qui ne l'a jamais quittée ; et, dans toutes les histoires de ce pays, il n'est pas possible de trouver un seul trait qui marque une âme libre : on n'y verra jamais que l'héroïsme de la servitude ». « Nos missionnaires nous parlent du vaste empire de la Chine, comme d'un gouvernement admirable, qui mêle ensemble, dans son principe, la crainte, l'honneur et la vertu. J'ai donc posé une distinction vaine, lorsque j'ai établi les principes des trois gouvernements » 4. Cependant, Montesquieu ne l'a pas cru. Il y a vu, en se référant au P. du Halde et P. Parnnin, « un plan de tyrannie constamment suivi, et des injures faites à la nature humaine, c'est-à-dire de sang-froid », et « c'est le bâton qui gouverne la Chine ». Il écrit sans aucune hésitation : « la Chine est donc un État despotique, dont le principe est la crainte » 5. Mais Montesquieu n'en a pas moins apprécié les législateurs de la Chine. Nous lisons au début d'un chapitre, intitulé « Propriété particulière au gouvernement de la Chine » : « Les législateurs de la Chine firent plus ; ils confondirent la religion, les lois, les mœurs et les manières : tout cela fut la morale, tout cela fut la vertu. Les préceptes qui regardaient ces quatre points furent ce qu'on appela les rites. Ce fut dans l'observation exacte de ces rites que le gouvernement chinois triomphera. On passa toute sa jeunesse à les apprendre, toute sa vie à les pratiquer, les lettrés les enseignèrent, les magistrats les prêchèrent. Et comme ils enveloppaient les petites actions de la vie, lorsqu'on trouva le moyen de les faire observer exactement, la Chine fut bien gouvernée ». Pour Montesquieu, il ne faut pas s'étonner que cette confrontation soit faite en Chine, puisque les mœurs représentent les lois, et les rites représentent les mœurs. « Comment est faite cette union de la religion, des lois, des mœurs et uploads/S4/esprit-du-droit-chinois.pdf

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  • Publié le Jan 23, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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