Chapitre 3 : Le pouvoir judiciaire I. Introduction Le pouvoir judiciaire a pour
Chapitre 3 : Le pouvoir judiciaire I. Introduction Le pouvoir judiciaire a pour fonction de trancher les contestations en vertu des règles de droit. Si deux véhicules entrent en collision et que chaque conducteur considère qu’il appartient à l’autre de supporter les dégâts matériels, il reviendra au juge de trancher le litige en appliquant les règles de droit positif en vigueur au moment de l’accident. En rendant sa décision, en déterminant qui est juridiquement responsable, le juge met fin au conflit. Selon l’expression consacrée : il dit le droit. Le pouvoir judiciaire est composé de nombreuses juridictions. Au sein de chacune d’elles siègent des magistrats qui rendent des décisions de justice : les jugements ou les arrêts selon que la décision est prononcée par un tribunal ou par une cour. Ces magistrats sont appelés juges ou conseillers selon qu’ils siègent au sein d’un tribunal ou d’une cour. A. Ordre judiciaire et ordre administratif Le pouvoir juridictionnel se divise en deux ordres : l’ordre judiciaire et l’ordre administratif. La division repose sur la nature du droit sur lequel porte la contestation. En vertu des articles 144 et 145 de la Constitution, « Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux » et « Les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi ». Au sens de ces dispositions, les droits politiques sont ceux qui régissent les rapports de l’individu avec l’Etat dans la mesure où l’individu participe aux affaires de l’Etat comme électeur ou comme éligible, comme contribuable, comme milicien, comme assuré social, etc. Les droits politiques sont donc ceux qui font participer l’individu à la vie de l’Etat et des institutions publiques (droit de vote et d’éligibilité, droit à la sécurité sociale, etc.). Les droits civils englobent l’ensemble des autres droits subjectifs, c’est-à-dire ceux qui appartiennent à toute personne en tant qu’elle noue des relations juridiques avec d’autres personnes. Il ressort des articles 144 et 145 de la Constitution que les « tribunaux » sont seuls compétents pour juger les contestations qui portent sur des droits civils. Ils sont en principe également compétents pour statuer sur les contestations portant sur des droits politiques, sauf si la loi en a décidé autrement. Les « tribunaux » ainsi visés sont les juridictions de l’ordre judiciaire, communément désignées sous le vocable « les cours et tribunaux ». Les juridictions créées par la loi pour trancher certaines contestations portant sur des droits politiques sont les juridictions administratives ou « juridictions de l’ordre administratif ». Cette distinction entre les juridictions de l’ordre judiciaire et les juridictions administratives n’est plus aussi étanche depuis la réforme de l’Etat mise en œuvre en 2014 : un deuxième alinéa a été ajouté à l’article 144 de la Constitution pour permettre au Conseil d’Etat et aux 1 juridictions administratives fédérales de statuer sur les effets civils de leurs décisions. Un nouvel article 11bis a ainsi été inséré dans les lois coordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’Etat et permet à la partie requérante ou intervenante de solliciter du Conseil d’Etat une « indemnité réparatrice » si elle a subi un préjudice du fait de l’illégalité censurée, «en tenant compte des intérêts publics et privés en présence ». La partie qui utilise cette procédure ne pourra plus introduire d’action en responsabilité civile devant les tribunaux de l’ordre judiciaire pour le même préjudice, et, inversement, une partie qui a intenté une action en responsabilité civile ne peut plus demander une indemnité réparatrice au Conseil d’Etat pour le même préjudice. B. La pyramide judiciaire Pour cette partie, je renvoie les étudiants à la partie « Introduction » de ce cours. C. Les juridictions administratives 1. Présentation Les juridictions administratives sont établies par la loi pour connaître de certains contentieux liés aux droits politiques. Elles sont nombreuses et n’obéissent à aucune organisation d’ensemble contrairement aux cours et tribunaux. Parmi les multiples juridictions administratives qui ont été instaurées en Belgique, épinglons la Cour des comptes, les collèges provinciaux qui tranchent les conflits liés à la validité des élections communales ou les litiges relatifs aux taxes communales et provinciales, le Conseil du contentieux des étrangers ou encore la Commission spéciale pour l’indemnisation de détentions préventives inopérantes. Au sommet de ces juridictions administratives se trouve le Conseil d’Etat. Créé au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Conseil d’Etat comporte deux sections distinctes qui remplissent des missions très différentes : la section de législation et la section du contentieux administratif. La section de législation du Conseil d’Etat n’est pas une juridiction. C’est l’organe qui rend un avis sur tous les avant-projets de loi, de décret ou d’ordonnance, sur certaines propositions de norme législative et sur tous les projets d’arrêté règlementaire du pouvoir exécutif fédéral ainsi que des gouvernements régionaux ou communautaires. La section du contentieux administratif du Conseil d’Etat est la Haute Cour administrative du pays. Elle s’appelait jusqu’en 2007 la «section d’administration ». 2. La section du contentieux administratif du Conseil d’Etat 2 1°) Le contentieux de l’annulation La tâche principale de la section du contentieux administratif du Conseil d’Etat consiste à examiner les recours qui visent à l’annulation des arrêtés, des règlements et des décisions individuelles pris par le pouvoir exécutif et par l’administration en général. L’annulation sera prononcée si l’acte attaqué est illégal ou constitutif d’un excès de pouvoir. Un acte illégal est pris en violation d’une norme supérieure. Tel est le cas, par exemple, d’un permis de bâtir accordé à un promoteur immobilier dans une zone classée « zone verte » par la loi. Un acte est notamment constitutif d’un excès de pouvoir lorsqu’il est pris par une autorité incompétente. Tel serait le cas, par exemple, de l’arrêté royal qui règlerait l’organisation de l’enseignement supérieur, cette matière étant attribuée aux communautés. La section du contentieux administratif du Conseil d’Etat est en quelque sorte le juge des actes de l’administration. Le contentieux d’annulation relève bien du contentieux objectif, dans la mesure où le procès est intenté avant tout à un acte et non à une personne. Le but du recours est de faire disparaître un acte de l’arsenal juridique. Depuis 2014, il est également possible de demander réparation pour le dommage généré par un acte illégal de l’autorité administrative, sous la forme d’une indemnité réparatrice. Les conditions propres à l’introduction d’un recours en annulation devant le Conseil d’Etat sont les suivantes : - seule une personne justifiant d’un intérêt légitime à voir l’acte attaqué disparaître peut introduire une requête en annulation ; - l’acte visé par la requête doit émaner d’une « autorité administrative » ; - la requête en annulation doit être introduite dans les 60 jours de la publication ou de la notification de l’acte incriminé ou, à défaut, du moment où le requérant en a pris connaissance. L’annulation opère de manière rétroactive : l’acte annulé est réputé n’avoir jamais existé. Depuis, 2014, le mécanisme dit de la « boucle administrative », importé des Pays-Bas, a été introduit en droit belge. Il permet au Conseil d’Etat de suggérer une modification de l’acte pour en éviter l’annulation. Pour que ce mécanisme soit mis en place, il faut notamment que le vice de l’acte attaqué puisse être corrigé dans un délai de trois mois et que la partie adverse ne s’y oppose pas. 2°) Le contentieux de la suspension Dans le cadre d’une procédure dite de référé administratif, le Conseil d’Etat a le pouvoir d’ordonner la suspension des règlements et actes administratifs susceptibles d’être annulés lorsque des moyens sérieux sont invoqués à l’appui du recours en annulation et s’il existe une urgence incompatible avec le traitement de l’affaire en annulation. La demande en suspension est déférée à un juge unique. Celui-ci peut assortir la décision de suspension d’une astreinte et de toute mesure provisoire nécessaire pour assurer la sauvegarde des intérêts des parties. 3°) Les autres contentieux 3 D’autres contentieux sont également confiés au Conseil d’Etat. Il est parfois appelé à statuer en qualité de juge d’appel ou de juge de cassation des décisions de certaines juridictions administratives. La loi lui confie également des contentieux divers comme celui de statuer en équité sur les demandes en indemnisation des particuliers qui ont subi un dommage exceptionnel du fait de l’action non fautive de l’administration (contentieux de l’indemnité), ou encore celui d’examiner les plaintes introduites en vue de réduire la dotation publique des partis politiques liberticides. II. La sauvegarde et la transformation de l’ordre constitutionnel La Constitution établit des pouvoirs dits constitués, qu’elle met en place des institutions et qu’elle assigne à chacun des tâches particulières. Deux questions se posent à la suite de ces développements : 1° Comment cet ordre constitutionnel est-il sauvegarde ? 2° Comment cet ordre constitutionnel évolue-t-il ? A. La conservation de l’ordre constitutionnel face aux législateurs Il s’agit d’examiner les mécanismes instaurés pour s’assurer que les différents pouvoirs législatifs en Belgique respectent les règles de répartition de compétences et ne violent pas les dispositions constitutionnelles. A cet égard, deux institutions uploads/S4/le-pj 1 .pdf
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- Publié le Sep 04, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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