DROIT AU RECOURS ET ÉQUITÉ DU PROCÈS DEVANT LA JUSTICE ADMINISTRATIVE AUJOURD'H
DROIT AU RECOURS ET ÉQUITÉ DU PROCÈS DEVANT LA JUSTICE ADMINISTRATIVE AUJOURD'HUI Xavier Domino Lextenso | « Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel » 2014/3 N° 44 | pages 35 à 47 ISSN 2112-2679 ISBN 9782275043845 DOI 10.3917/nccc1.044.0035 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-les-nouveaux-cahiers-du-conseil- constitutionnel-2014-3-page-35.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lextenso. © Lextenso. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Aussi pourrait- il paraître inutile, déraisonnable ou à tout le moins immodeste, tant les décisions juridictionnelles sont nombreuses et connues, tant les exposés ou commentaires doctrinaux sont eux- mêmes foisonnants et illustres, de prétendre, dans l’espace des quelques pages qui viennent, consacrer des développements à la question de savoir comment la jurisprudence administrative les aborde et les manie. Tout étudiant ou ancien étudiant en droit a sur le sujet au moins des rudiments, et tout spécialiste de droit public, des connaissances, qu’il est vain de vouloir consolider, et qu’il serait présomptueux de chercher à déstabiliser. Nous nous assignons donc un objectif bien plus limité : celui de fournir le témoi- gnage modeste « de l’intérieur » sur la façon dont ces sujets s’incarnent ou se manifes- tent aujourd’hui dans la jurisprudence administrative, et de livrer quelques réflexions sur les perspectives d’évolutions que cette actualité pourrait dessiner ou inspirer. I – Le droit au recours, principe et réalités Derrière la permanence de la jurisprudence sur le droit au recours, de profonds bouleversements sont intervenus ces dernières décennies, qui rendent la protec- tion du droit au recours par le juge administratif incomparablement plus effective. Un principe ancien, constamment affirmé et affiné La décision Ministre de l’Agriculture contre Dame Lamotte (CE, Ass., 17 février 1950, p. 110, GAJA, 19e éd., n° 60), par laquelle le Conseil d’État a affirmé l’existence d’un principe général du droit selon lequel le recours pour excès de pouvoir est ouvert, même sans texte, contre toute décision administrative, fait office de LES NOUVEAUX CAHIERS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL - N° 44 - 2014 © Lextenso | Téléchargé le 28/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) © Lextenso | Téléchargé le 28/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) monument historique de la procédure contentieuse. Et il ne faut voir dans cette affirmation aucun sous- entendu désagréable ou mal intentionné : un monument historique s’entretient, se restaure, et surtout s’admire. En 1950, l’affirmation du principe ne faisait pourtant déjà qu’exaucer un libé- ralisme bien connu du juge administratif, qui se manifestait depuis le début du siècle d’une part, par le large accès qu’il permet à son prétoire, devant lequel est assez aisément reconnu l’intérêt donnant qualité pour agir tant des personnes physiques que morales, et d’autre part, par le pragmatisme avec lequel il s’est toujours employé à identifier des actes administratifs faisant grief sans s’arrê- ter aux formes ou aux apparences, même inoffensives. Ces lignes de force se retrouvent dans la jurisprudence la plus actuelle, et se rejouent dans les formes contemporaines de la gouvernance : ce sont les signes de la permanence. La catégorie des actes inattaquables n’a cessé de décroître au fil du temps. Il est inutile de s’étendre sur le caractère désormais très réduit des catégories d’actes de gouvernement et de mesures d’ordre intérieur, qui ne sont pas pour autant en voie de disparition, ainsi que vient le rappeler la récente décision de Section M. de B., (28 mars 2014 n° 373064, à publier au recueil). L’histoire jurisprudentielle plus ou moins récente est surtout émaillée de plusieurs audaces notoires, dont l’intérêt est à notre avis d’une tout autre ampleur, pour le sujet qui nous inté- resse, que ne l’est le périmètre, devenu quasi- anecdotique, de ces vieilles catégo- ries : au juge administratif, il est possible de demander de plus en plus de choses. Nous nous concentrerons sur trois novations jurisprudentielles qui illustrent à notre sens le pragmatisme et la souplesse avec lesquels le juge administratif a œuvré, ces dernières décennies, pour accroître ou approfondir le droit au recours. La première d’entre elles, est la reconnaissance bien connue de la possibilité de contester devant le juge administratif un refus d’abroger (CE, Assemblée, 3 février 1989, Compagnie Alitalia, n° 74052, p. 44, GAJA, 19e éd., n° 49), dont de fins connaisseurs de la jurisprudence ont récemment eu l’occasion de rappeler à quel point elle était annonciatrice d’une ère de modernisation pour la juridiction1. En ouvrant la voie du contentieux du refus d’abroger, le Conseil d’État a fortement amoindri la portée de la règle du délai de recours de deux mois qui prévaut en excès de pouvoir, et par là même ouvert, plus qu’une voie de recours, une nou- velle de voie de contestabilité de l’état du droit positif. L’objectif de mise en ordre de l’état du droit que poursuivait une telle ouverture du droit au recours a trouvé 1- Voir le commentaire de cette décision donné par Mattias Guyomar et Pierre Collin à l’occasion du soixantième anniversaire de la chronique, « Le début d’une révolution pour la juridiction admi- nistrative », AJDA 2014, n° 2, p. 99, ainsi que, dans le même numéro (« Genèse de la décision Nicolo », p. 100), les propos de Marceau Long révélant que, à l’issue du délibéré de l’affaire Al Italia, un membre de l’assemblée du contentieux lui aurait glissé que maintenant, « tout était possible ». 36 DOSSIER © Lextenso | Téléchargé le 28/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) © Lextenso | Téléchargé le 28/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.159.244.64) un écho, par d’autres biais, dans l’aménagement par le constituant et le législateur organique, de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité. Deuxième illustration : le Conseil d’État est également allé loin pour assurer le plein respect par l’administration du droit de l’Union européenne, en regardant comme susceptibles de recours le refus du Premier ministre de mettre en œuvre la procédure de délégalisation prévue à l’article 37-2 de la Constitution pour permettre une mise en conformité du droit national aux exigences européennes (CE, Section, 3 décembre 1999, Association ornithologique et mammalogique de Saône- et- Loire et Rassemblement des opposants à la chasse, nos 199622 200124, p. 379, au GAJA jusque dans sa 18e édition) ou encore la décision par laquelle le Premier ministre ou un ministre refuse de notifier à la Commission européenne un texte, y compris de nature législative, au titre de la réglementation européenne des aides d’État (CE, Assemblée, 7 novembre 2008, Comité national des interprofessions des vins à appellations d’origine (CNIVAO) et autres, n° 282920, p. 399). L’exi- gence de respect du droit de l’Union européenne est clairement venue bousculer les cadres habituels, le juge administratif ayant ouvert autant que faire se peut son prétoire pour contrôler l’action de l’administration en la matière. Enfin, dernière illustration, en jugeant, par la décision avant dire droit qu’il a prise dans l’affaire Lambert (CE, Assemblée, 14 février 2014, Mme Rachel Lambert et autres, n° 375081, à publier au recueil) qu’est contestable devant le juge du référé liberté la décision, pourtant à forte connotation médicale, prise par un médecin sur le fondement du code de la santé publique et conduisant à inter- rompre ou à ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier tradui- rait une obstination déraisonnable, le Conseil d’État a adopté une conception large de sa compétence et de son office, qui nous semble s’inscrire dans la lignée de la jurisprudence Dame Lamotte : sans disposition l’excluant explicitement, l’intervention du juge administratif, lorsqu’est en cause une décision prise au nom d’une autorité publique, est toujours possible. En outre, le pragmatisme du juge dans l’identification des actes faisant grief est plus clairement affirmé. Le Conseil d’État a ainsi eu l’occasion de mettre à jour sa juris- prudence relative aux actes de « droit souple » par lesquels la puissance publique flirte avec la frontière séparant d’une part, le conseil, l’avis, et d’autre part, la déci- sion. Il a par exemple jugé que, malgré leur intention a priori non prescriptive, les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la Haute autorité de santé, eu égard à l’obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu uploads/S4/ nccc1-044-0035.pdf
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- Publié le Apv 05, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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