Jacques PERCEBOIS PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ : ENTRE MARCHÉ, RÉGULATION ET SUBVENTIO

Jacques PERCEBOIS PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ : ENTRE MARCHÉ, RÉGULATION ET SUBVENTION Février 2019 fondapol.org 2 3 PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ : ENTRE MARCHÉ, RÉGULATION ET SUBVENTION Jacques PERCEBOIS 4 La Fondation pour l’innovation politique est un think tank libéral, progressiste et européen. Président : Nicolas Bazire Vice Président : Grégoire Chertok Directeur général : Dominique Reynié Président du Conseil scientifique et d’évaluation : Christophe de Voogd 5 La Fondation pour l’innovation politique offre un espace indépendant d’expertise, de réflexion et d’échange tourné vers la production et la diffusion d’idées et de propositions. Elle contribue au pluralisme de la pensée et au renouvellement du débat public dans une perspective libérale, progressiste et européenne. Dans ses travaux, la Fondation privilégie quatre enjeux : la croissance économique, l’écologie, les valeurs et le numérique. Le site fondapol.org met à disposition du public la totalité de ses travaux. La plateforme « Data.fondapol » rend accessibles et utilisables par tous les données collectées lors de ses différentes enquêtes et en plusieurs langues, lorsqu’il s’agit d’enquêtes internationales. De même, dans la ligne éditoriale de la Fondation, le média « Anthropotechnie » entend explorer les nouveaux territoires ouverts par l’amélioration humaine, le clonage reproductif, l’hybridation homme/ machine, l’ingénierie génétique et les manipulations germinales. Il contribue à la réflexion et au débat sur le transhumanisme. « Anthropotechnie » propose des articles traitant des enjeux éthiques, philosophiques et politiques que pose l’expansion des innovations technologiques dans le domaine de l’amélioration du corps et des capacités humaines. Par ailleurs, le média « Trop Libre » offre un regard quotidien critique sur l’actualité et la vie des idées. « Trop Libre » propose également une importante veille dédiée aux effets de la révolution numérique sur les pratiques politiques, économiques et sociales dans sa rubrique « Renaissance numérique ». La Fondation pour l’innovation politique est reconnue d’utilité publique. Elle est indépendante et n’est subventionnée par aucun parti politique. Ses ressources sont publiques et privées. Le soutien des entreprises et des particuliers est essentiel au développement de ses activités. FONDATION POUR L’INNOVATION POLITIQUE Un think tank libéral, progressiste et européen 6 INTRODUCTION..................................................................................................................................................................................................9 I.  L’ÉLECTRICITÉ, UNE « INDUSTRIE DE RÉSEAUX » SOUMISE À DES CONTRAINTES DE POLITIQUE PUBLIQUE.......................................10 1.  Spécificités techniques du produit................................................................................................10 2.  Intervention nécessaire des pouvoirs publics............................................................12 II.  LA « VAGUE DU MARCHÉ », UNE LIBÉRALISATION ENCADRÉE PAR UNE FORTE RÉGULATION.........................................................................................16 1.  Une ouverture progressive à la concurrence................................................................17 2.  La concurrence au sens de l’école de Harvard ou de celle de Chicago ?..................................................................................................................................21 3. Les exceptions à la règle de la concurrence..................................................................23 III.  LA « VAGUE VERTE », UNE OPTION COÛTEUSE QUI PERTURBE LE MARCHÉ......................................................................................................................................27 1.  Le mécanisme des prix garantis avec obligation d’achat.........................29 2.  Des prix négatifs pour l’électricité...................................................................................................31 3.  Les réformes en cours. .......................................................................................................................................33 IV. LES INCERTITUDES TECHNOLOGIQUES ET SOCIÉTALES.........................................35 1. Incertitudes économiques...........................................................................................................................36 2. Incertitudes technologiques....................................................................................................................38 3. Incertitudes institutionnelles................................................................................................................38 CONCLUSION....................................................................................................................................................................................................41 SOMMAIRE 7 RÉSUMÉ En plein débat sur la transition énergétique se pose la question suivante : comment caractériser l’électricité ? À la fois marchandise et service public, l’électricité est un produit vendu à travers un réseau interconnecté à l’échelle européenne, lequel requiert une gestion très particulière. C’est aussi un produit que l’on ne sait pas stocker à grande échelle avec les technologies actuelles, du moins à des coûts acceptables. Cependant, l’électricité n’est pas une marchandise comme une autre, non seulement du fait de ses caractéristiques physiques mais aussi en raison de son caractère stratégique. Ce produit n’échappe en effet pas totalement aux règles du marché mais sa gestion dépend beaucoup des décisions publiques, aussi bien au niveau des choix de production qu’à celui de l’organisation des réseaux. Cette note explore les particularités de cette industrie de réseaux, ses évolutions au cours des dernières années, entre « vague du marché » et « vague verte », ainsi que les perspectives actuelles de réformes, marquées par l’incertitude. 8 9 INTRODUCTION L’électricité est à la fois une marchandise et un service public. De plus, il s’agit d’un produit vendu à travers un réseau interconnecté à l’échelle européenne, lequel requiert une gestion très particulière puisque, à tout instant, à la seconde près, la quantité soutirée du réseau doit être strictement égale à la quantité injectée dans le réseau. C’est aussi un produit que l’on ne sait pas stocker à grande échelle avec les technologies actuelles, du moins à des coûts acceptables. Certes, ce produit n’échappe pas totalement aux règles du marché mais sa gestion dépend beaucoup des décisions publiques, tant au niveau des choix de production qu’à celui de l’organisation des réseaux. Nous verrons successivement en quoi cette industrie de réseaux est particulière, comment la « vague du marché » a impacté la gouvernance de cette industrie et comment, dans un second temps, la « vague verte » a compliqué le fonctionnement du marché, avant de mettre en évidence, dans un dernier point, les nombreuses incertitudes, à la fois technologiques, économiques et institutionnelles, qui demeurent aujourd’hui. PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ : ENTRE MARCHÉ, RÉGULATION ET SUBVENTION Jacques PERCEBOIS Professeur émérite à l’université de Montpellier, directeur du Centre de recherche en économie et droit de l’énergie (Creden). 10 fondapol | l’innovation politique I. L’ÉLECTRICITÉ, UNE « INDUSTRIE DE RÉSEAUX » SOUMISE À DES CONTRAINTES DE POLITIQUE PUBLIQUE Du fait de ses spécificités techniques mais aussi parce que c’est un bien stratégique qui a la nature d’un service public à caractère industriel et commercial, l’électricité n’est pas un produit comme les autres. 1. Spécificités techniques du produit L’électricité est généralement produite dans des centrales de dimensions variables, localisées sur le territoire en fonction de contraintes physiques (en bord de mer ou le long des fleuves pour le nucléaire ou l’hydraulique, près des mines de charbon ou des gisements d’hydrocarbures pour les centrales thermiques classiques) et elle est ensuite transportée en haute tension dans un réseau de transport (par RTE en France) pour être distribuée en moyenne et basse tension dans un réseau de distribution (Enedis) jusqu’au consommateur final domestique, industriel ou commercial. Mais, pour l’instant, c’est un produit que l’on ne sait ni stocker à grande échelle ni dans des conditions économiques raisonnables, ce qui implique que la quantité de kilowattheures (kWh) injectée en amont au niveau des centrales est égale, aux pertes en ligne près (par « effet Joule »), à la quantité soutirée par les consommateurs. En France, les pertes en ligne sont estimées à 7 % environ de la production, ce qui représente une valeur basse par rapport aux autres estimations mondiales. C’est principalement dans le réseau de distribution que ces pertes sont observées. En quasi-totalité, il s’agit de pertes techniques, les pertes non techniques (fraudes) étant très faibles en France. Cette contrainte d’équilibre instantané entre électricité injectée et électricité soutirée a comme conséquence un impact important sur le marché de gros de l’électricité car elle explique la très forte volatilité du prix de l’électricité. Une forte demande, mal anticipée, provoque une envolée du prix, car il faut alors faire appel à une centrale dite « de réserve », dont la maintenance est coûteuse en raison de son faible facteur de charge. Cette volatilité est bien plus élevée que celle du prix du pétrole ou de n’importe quelle autre matière première. Par ailleurs, l’électricité est un produit qui se transporte assez mal sur longue distance : au XIXe siècle, la « guerre des courants », qui a opposé Edison, favorable au courant continu, et Westinghouse, favorable au courant alternatif, s’est traduite par la victoire du second parce qu’il est plus facile de transporter le courant alternatif à condition de le faire en haute, voire très haute tension (400 000 volts en Europe, par exemple). Via des transformateurs, ce courant est ensuite ramené à des tensions plus basses (220 000 volts, 63 000 volts puis 220 volts au niveau du particulier). Les lois de Kirchhoff (loi des nœuds et loi des mailles) expliquent le cheminement de l’électricité sur un réseau Prix de l’électricité : entre marché, régulation et subvention 11 interconnecté et justifient notamment que la fréquence sur le réseau européen ne doit pas s’éloigner de 50 HZ (60 HZ sur les réseaux des États-Unis et du Brésil). Lorsque des millions d’Européens allument la lumière, il faut qu’à l’autre bout de la chaîne le système injecte en temps réel suffisamment d’électricité pour maintenir cette stabilité de la fréquence. Si tel n’est pas le cas, on court le risque d’un effondrement du réseau, comme cela a souvent failli se produire ou s’est d’ailleurs parfois produit. Cela requiert soit de réduire une partie de la demande (effacement contractuel ou délestage), soit d’appeler des centrales maintenues en stand by (réserves primaire, secondaire ou tertiaire). Avec l’électricité, les files d’attente sur le réseau sont impossibles, à la différence de ce qui se passe sur un réseau téléphonique : toute demande doit être satisfaite ou délestée en temps réel, sinon c’est le black out sur le réseau 1. L’électricité est aussi une industrie très capitalistique : la valeur des équipements (centrales et réseaux) représente plusieurs fois le chiffre d’affaires des entreprises d’électricité, uploads/Finance/ 146-electricite-iii-percebois-2019-01-24-w.pdf

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  • Publié le Fev 26, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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