Mise au point La sensibilité olfactive du nouveau-né prématuré The olfactory se

Mise au point La sensibilité olfactive du nouveau-né prématuré The olfactory sensitivity of the premature newborn L. Marliera,*, C. Gauglerb,c, D. Astrucb, J. Messerb a Centre national de la recherche scientifique, centre d’études de physiologie appliquée, UPS 858 du CNRS, 21, rue Becquerel, 67087 Strasbourg cedex, France b Service de pédiatrie-II, CHRU de Hautepierre, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg, France c Service de pédiatrie, hôpital Le Parc, hôpitaux civils de Colmar, 46, rue de Stauffen, 68000 Colmar, France Reçu le 29 mai 2006 ; accepté le 5 septembre 2006 Disponible sur internet le 12 octobre 2006 Résumé Ce texte passe en revue les principales données relatives à l’organisation structurale et fonctionnelle de la perception olfactive chez l’enfant prématuré. Les systèmes chimiorécepteurs (olfactif principal, trigéminal, voméronasal et terminal) se développent selon des chronologies varia- bles mais tous très précocement au cours de l’ontogenèse. Le nouveau-né prématuré, même très immature, se montre réactif à une large palette de stimulations olfactives. Il se montre apte à différencier des odeurs de qualité et d’intensité différentes, à mémoriser des stimulations auxquelles il est exposé de façon récurrente, et à catégoriser les odeurs selon leur valence hédonique. Un inventaire des stimulations olfactives auxquelles l’enfant prématuré en incubateur est potentiellement exposé est tenté. Des essais d’utilisation d’odeurs agréables et familières pour atténuer les épisodes d’agitation et la détresse de séparation d’avec la mère, pour favoriser le développement de la prise alimentaire, pour améliorer l’accep- tabilité des médications, ou encore pour réduire l’instabilité respiratoire de l’enfant prématuré, sont décrits. Une attention plus soutenue aux caractéristiques olfactives de l’atmosphère régnant dans l’incubateur permettrait d’améliorer le bien-être, la santé et le développement du nouveau-né prématuré. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract This document reviews the main data relating to the structural and functional organisation of olfactory perception in the premature newborn. The chemoreceptive systems (main olfactory, trigeminal, vomeronasal and terminal systems) develop in different chronological orders but quite at very early stage during ontogeny. The premature newborn, despite being immature, has been shown to react to a wide variety of olfactory stimuli. Moreover, the infant seems capable of distinguishing odours of different qualities and intensities, memorising stimuli to which he is regularly exposed to, and categorising different odours based on their hedonic valence. An inventory of the olfactory stimuli to which the infant is regularly exposed to in the incubator is carried out. Several attempts to use pleasant and familiar odours to reduce stress due to separation of the infant from its mother, to promote oral feeding, to make medical procedures more acceptable, and more so, to reduce the respiratory instabil- ity of the premature infant, are described. If sustained attention is directed to the olfactory characteristics dwelling inside the incubator, the well- being, health and development of the premature newborn could be improved. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Odorat ; Prématurité ; Nouveau-né ; Incubateur ; Adaptation néonatale Keywords: Olfaction; Infant, premature; Infant, newborn; Incubators, infant; Fetal development; Neonatal adaptation http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/ Archives de pédiatrie 14 (2007) 45–53 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : luc.marlier@c-strasbourg.fr (L. Marlier). 0929-693X/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2006.09.006 1. Introduction Jusqu’à une période récente, plusieurs arguments, comme l’absence de réactions codifiées ou l’immaturité corticale, ont conduit la science et la médecine occidentale à considérer le nouveau-né comme quasi sourd, aveugle, et insensible aux odeurs et à la douleur. La recherche scientifique et médicale des 30 dernières années a progressivement remplacé cette représentation par celle d’un bébé doué de capacités sensoriel- les et cognitives relativement élaborées [1,2]. Les travaux engagés dans le champ de l’olfaction chez le jeune enfant sont encore peu nombreux [3–6] et, a fortiori, les recherches sont-elles encore plus rares chez le nouveau-né prématuré. On sait encore peu de chose sur l’ontogenèse des substrats anato- miques de l’olfaction, l’émergence des aptitudes perceptives ou encore les effets physiologiques et comportementaux de la per- ception des odeurs. Toutefois, malgré la rareté de ces recher- ches, qui s’explique à la fois par les difficultés méthodologi- ques inhérentes à l’étude de l’olfaction et à l’analyse du comportement du nouveau-né [7], les données déjà mises au jour nous permettent d’entrevoir les finesses olfactives de l’enfant prématuré. L’intention de ce texte est de passer en revue les principales données relatives à l’organisation structu- rale et fonctionnelle de la perception olfactive chez le nouveau- né prématuré. Quelques implications cliniques de la capacité d’olfaction chez l’enfant prématuré vivant en incubateur sont également présentées. 2. Les Systèmes chimiorécepteurs et leur maturité chez le prématuré Les fosses nasales abritent 4 structures sensibles aux stimu- lations chimiques : le système olfactif principal, le système tri- géminal, le système voméronasal et le système terminal. Nous décrirons brièvement leurs caractéristiques en précisant l’agenda de leur développement. Comme nous allons le voir, ces structures se développent selon des chronologies variables, mais toutes très précocement au cours de l’ontogenèse. 2.1. Système olfactif principal Ce système tapisse le sommet de chaque cavité nasale, le septum, et une partie des cornets supérieurs. Sa région superfi- cielle, l’épithélium, contient des îlots de neurorécepteurs dont les dendrites se terminent par une touffe de cils baignant dans une couche de mucus. Ces cils contiennent les sites récepteurs, lieu de l’interaction entre molécules odorantes et neurones sensoriels. Ces cellules réceptrices s’ébauchent vers la 6–7e semaine postconceptionnelle et des récepteurs ciliés d’apparence fonctionnelle sont observables dès la 11e semaine [8]. On peut noter que chez le fœtus de 5 à 9 mois, et donc très probablement chez le prématuré d’âge gestationnel équivalent, la surface de l’épithélium olfactif est plus étendue que chez l’adulte [9]. On ignore cependant si cette particularité morpho- logique a une incidence sur l’acuité olfactive. Les axones des neurorécepteurs qui forment les nerfs olfactifs traversent les perforations de la lame criblée de l’ethmoïde dès 7 à 8 semaines pour faire synapse avec les neurones du premier centre de trai- tement de l’information olfactive, le bulbe olfactif, dont la dif- férenciation débute vers 6 à 8 semaines. On peut donc consi- dérer que l’enfant prématuré, même très immature, possède un système olfactif principal prêt à entrer en fonction. 2.2. Système trigéminal Le système trigéminal ne comporte pas de neurones propres. Les sensations naissent de l’interaction entre molécules odo- rantes et terminaisons nerveuses du nerf trijumeau, en particu- lier les terminaisons des branches maxillaire et ophtalmique. Les nerfs issus de la branche maxillaire pénètrent dans les cavi- tés nasales par le foramen sphénopalatin et s’épanouissent en différentes sous-branches innervant le septum ainsi que les cor- nets supérieurs, moyens et inférieurs. Les nerfs issus de la branche ophtalmique atteignent la partie supérieure des fosses nasales via l’ethmoïde et distribuent leurs fibres sensitives à la muqueuse des parties antérieures des cavités nasales et à la pyramide nasale [10]. Ces fibres terminales sont apparentes dès la 4e semaine postconceptionnelle et poursuivent leur déve- loppement jusque vers la 14e semaine. Il est donc probable que ce système puisse permettre la détection des odeurs par les prématurés, y compris chez ceux qui sont les plus éloignés du terme normal. 2.3. Système voméronasal L’organe voméronasal (appelé également organe de Jacob- son à qui l’on doit la découverte de cet organe chez plusieurs mammifères) se loge dans 2 petites cavités situées de part et d’autre de la cloison nasale, légèrement en retrait de l’ouver- ture des narines. Il a la forme d’un tube fermé vers l’arrière et ouvert vers l’avant. Le canal interne de l’organe est un cul-de- sac rempli de mucus. Dès la 5e semaine postconceptionnelle, les ouvertures des cavités voméronasales sont clairement visi- bles. Les fibres du nerf voméronasal qui s’en détachent assu- rent un lien avec le bulbe olfactif accessoire situé sur la face dorsolatérale du bulbe olfactif principal. Curieusement, le bulbe olfactif accessoire atteint un stade de développement maximal vers 18 et 20 semaines avant de régresser progressi- vement [11,12]. Cette dégénérescence est cependant variable selon les individus, certains pouvant conserver un organe voméronasal jusqu’à l’âge adulte. On estime à environ 30 % le nombre d’adultes conservant une ouverture des cavités voméronasales [13,14]. En revanche, les biopsies réalisées chez l’adulte n’ont pas permis de retrouver de connexions ner- veuses entre l’organe voméronasal et le cerveau [15]. Sa fonc- tion chez l’adulte demeure donc hypothétique. Chez le fœtus, les connexions pourraient servir de support à la migration de cellules sécrétrices d’hormones [16]. En effet, l’absence de migration de cellules sécrétrices de la LHRH (luteinizing-hor- mone-releasing hormone) entraîne des troubles de la formation des gonades associés à un développement altéré du système olfactif (syndrome de Kallmann) [17]. On ignore pour l’instant si ce système peut être impliqué dans la détection de molécules odorantes au cours du développement précoce chez l’homme. L. Marlier et al. / Archives de pédiatrie 14 (2007) 45–53 46 Toutefois, du fait de son involution progressive après 20 semai- nes postconceptionnelles, on peut se demander s’il n’existe pas chez le fœtus et l’enfant prématuré des compétences sensoriel- les qui, à l’instar de certaines capacités motrices, disparaîtraient au cours des uploads/Finance/ 2007-marlier-la-sensibilite-olfactive-du-nouveaune-premature.pdf

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  • Publié le Fev 25, 2021
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