Marianne ÉDITION BELGE No 26 31 août au 6 septembre 2013 - 3,80 € LES PIÈGES DE
Marianne ÉDITION BELGE No 26 31 août au 6 septembre 2013 - 3,80 € LES PIÈGES DE LA GRANDE DISTRIBUTION Des têtes vont-elles enfi n tomber ? La Syrie vaut-elle une guerre ? Huit milliards partis en fumée Filip Dierckx n°2 de BNP Paribas Fortis et pdt de Febelfin FORTIS De nouvelles preuves accablantes Jean-Paul Servais pdt de l’Autorité des services et marchés financiers Karel De Boeck CEO de Dexia ENQUÊTE SOCIÉTÉ On savait jusqu’ici que Fortis Banque avait investi des milliards d’euros dans les crédits subprimes, mais on ne savait pas quand, ni comment. Les nouvelles données que nous publions aujourd’hui permettent de l’établir. Et ainsi de percevoir beaucoup mieux l’ampleur du désastre – la chute de la première banque belge concentrant un tiers de l’épargne nationale – en montrant, au jour le jour, comment le piège des subprimes s’est inexorablement refermé sur Fortis. Ces données sont accablantes pour les dirigeants de l’époque, les auditeurs, les contrôleurs : elles permettent de chiffrer de façon très précise le coût de l’indolence, de l’attentisme ou de l’aveuglement qui ont dirigé Fortis droit dans le mur. Elles montrent aussi qu’une décision stratégique n’a pas été respectée. Et que la banque aurait menti une fois de plus à ses actionnaires... PAR DAVID LELOUP FILIP DIERCKX, l’actuel numéro deux de BNP Paribas Fortis, était responsable de la division de Fortis Banque qui, de 2004 à 2007, a investi massivement dans les subprimes. 8 / Marianne Édition belge / 31 août au 6 septembre 2013 FORTI PLUS LA CH 27 juillet au 2 Août 2013 / Marianne Édition belge / 9 31 août au 6 septembre 2013 / Marianne Édition belge / 9 31 août au 6 septembre 2013 / Marianne Édition belge / 9 S DURE SERA UTE RÉVÉLATIONS SUR LES MILLIARDS INVESTIS DANS LES « SUBPRIMES » V ous allez vous amu- ser ! » Au bout du f l, le rire de Philippe Delville a des into- nations malicieuses. A 75 ans, ce petit actionnaire de Fortis Holding qui a perdu pas mal d’argent avec la chute du bancassureur et est en conf it ouvert avec Fortis Banque, y com- pris devant les tribunaux, vient de mettre la main sur un document qu’il nous suggère d’analyser. De quoi s’agit-il ? D’une plainte civile, déposée discrètement au milieu de l’été 2012 devant la Cour suprême de New York par Royal Park Invest- ENQUÊTE SOCIÉTÉ Des plaintes récemment déposées aux Etats-Unis contre onze grandes banques d’investissement qui ont vendu à Fortis Banque des titres contaminés aux subprimes rendent public, pour la première fois, le spectaculaire appétit de l’ex-première banque belge pour ces produits fi nanciers à haut risque. Elles révèlent que la banque y a investi au moins 10,6 milliards de dollars entre décembre 2004 et octobre 2007. Elles dévoilent aussi que ces achats spéculatifs pour compte propre ont été réalisés en grande partie en catimini, via quatre entités offshore, échappant ainsi au contrôle d’un régulateur unique. Ces dépenses folles ont conduit Fortis Holding, l’actionnaire de Fortis Banque, à sa perte en septembre 2008. Ce qui a coûté 9,4 milliards d’euros aux contribuables belges. Les données révélées par les plaintes permettent d’éclairer la chute de Fortis d’une lumière nouvelle, d’asseoir certaines responsabilités, et donnent du grain à moudre aux actionnaires de Fortis Holding qui se sont constitués parties civiles dans le volet pénal de l’affaire. Autopsie d’une orgie gargantuesque. ■ ÜDÉCRYPTAGE MONTANTS, DATES, IDENTITÉ DE L’ACHETEUR… Tous les détails des achats de titres toxiques réalisés par Fortis Banque sont révélés dans les annexes de deux plaintes déposées discrètement à New York par la « bad bank » de Fortis. Fortis passait pour acheter V Holding qui a perdu pas mal d’argent avec la chute Fortis Holding qui se sont constitués parties civiles dans le volet pénal de l’affaire. Autopsie d’une orgie gargantuesque. ■ Des documents judiciaires américains dévoilent en détail 38 % du portefeuille de titres « pourris » de Fortis Banque. Et révèlent que plus de la moitié des achats de subprimes par la banque ont été réalisés via quatre boîtes aux lettres établies aux îles Caïmans, au Delaware, à Jersey et en Irlande. ments (RPI), la société créée en 2009 par l’Etat belge pour gérer les actifs « toxiques » de l’ex-Fortis Banque. Ainsi débute notre enquête. La « bad bank » de Fortis réclame la bagatelle de 3,3 milliards de dol- lars à onze grandes banques qui ont vendu à Fortis Banque, entre 2005 et 2007, plus de 9 milliards de dollars de RMBS (Residential Mortgage- Backed Securities), des obligations adossées à des crédits hypothécaires résidentiels risqués – les fameux subprimes (pour une piqûre de rappel, lire l’encadré ci-contre). Les onze institutions poursuivies repré- sentent la crème du gotha mondial des banques d’investissement. Six sont américaines – Goldman Sachs, JP Morgan, Citigroup, Morgan Stan- ley, Bank of America et Merrill Lynch – et cinq sont liées à des maisons mères européennes – Crédit Suisse, UBS, Deutsche Bank, Barclays et Royal Bank of Scotland. FIÈVRE SPÉCULATIVE Mais ce qui est à l’origine des rica- nements de Philippe Delville, doc- teur en droit (UCL) et économiste diplômé de Stanford, ce sont les 11 annexes de la plainte. Elles sont en ef et très instructives : sur 14 pages, elles répertorient jour après jour des centaines d’achats de RMBS réalisés par Fortis Banque et ses satellites pendant trois ans. Banque vendeuse, date de transaction, entité juridique acquéreuse, mon- tant déboursé, code d’identif ca- tion des titres vendus : les moindres détails des achats de titres toxiques par Fortis Banque y sont révélés… Pour la première fois, la f èvre des subprimes qui s’est emparée de l’ex- première banque de Belgique – et l’a conduite à sa perte à l’automne 2008 – se matérialise sous nos yeux. Une f èvre spéculative qui, rappe- lons-le, a coûté 9,4 milliards d’euros aux contribuables belges lors du sauvetage du groupe Fortis… Marianne a patiemment converti ces 11 annexes dans un f chier infor- matique af n de les faire « parler » au mieux. Nous y avons ajouté les neuf pages d’annexes d’une seconde plainte que votre hebdo préféré a exhumée des limbes administratives américaines. Déposée également à New York par RPI sans la moindre publicité, cette fois en octobre 2012, on y réclame 713,5 millions de dom- mages à Bank of America et sa f liale Countrywide, qui ont vendu des titres « pourris » pour plus de 1,5 milliards de dollars à Fortis Banque. Au total, notre listing recense 578 achats de paquets de titres toxiques réalisés entre le 10 décembre 2004 et le 31 octobre 2007, pour un total de 10,6 milliards de dollars (environ 8 milliards d’euros) par la division Merchant and Private Banking de Fortis Banque. Celle-ci était alors dirigée par Filip Dierckx, l’actuel numéro deux de BNP Paribas Fortis et président de Febelfin, le lobby bancaire belge. Jusque fin 2006, la Merchant Bank était la vache à lait du groupe Fortis, rapportant 1,8 milliard en 2005 et 2 milliards l’année suivante – soit 45 % du béné- f ce du groupe en 2006. Les 10,6 milliards de dollars 31 août au 6 septembre 2013 / Marianne Édition belge / 11 par la case offshore ses titres toxiques LES « SUBPRIMES » POUR LES NULS Depuis le milieu des années 1980, les banques américaines accordent des prêts hypothécaires dits « subprime » (de second ordre, car plus risqués) à des ménages des classes moyennes ou populaires. A partir de la fi n des années 1990, ces prêts sont de plus en plus souvent accordés sans toujours s’assurer que les emprunteurs pourront les rembourser. Pourquoi ? Parce que s’ils n’y arrivent pas, vu que les prix de l’immobilier augmentent de 12 % par an depuis 1997, les banques pourront toujours revendre leur maison plus cher que son prix d’achat, récupérer leur mise, voire même faire un bénéfi ce. Ces banques locales ont ensuite revendu ces créances à des banques d’investissement de Wall Street qui les ont « titrisées » : elles les ont mélangées à d’autres crédits et ont converti le tout en titres (obligations) qu’elles ont vendus sur le marché international à des investisseurs comme Fortis, notamment. Ces titres donnent le droit à ceux qui les achètent de toucher des intérêts quand les mensualités des prêts immobiliers sont payées. C’est ainsi que le risque de défaut de remboursement des prêts (intérêts et capital) des ménages américains a été transféré des banques locales vers Wall Street, puis disséminé dans le monde entier. Pour corser le tout, ces subprimes titrisés ont été mélangés à d’autres produits puis retitrisés plusieurs fois, contaminant ainsi toute la sphère fi nancière. En 2006, quand un grand nombre de ménages américains n’a plus été capable de rembourser son prêt (parce qu’après quelques années, les taux fi xes bas sont devenus variables et élevés), la bulle immobilière a éclaté et la valeur des titres « infectés » par les subprimes s’est effondrée. ■ D.LP › ENQUÊTE SOCIÉTÉ mentionnés dans les plaintes uploads/Finance/ 2013-08-31-marianne-fortis.pdf
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- Publié le Apv 21, 2022
- Catégorie Business / Finance
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