Appareils d'État et machines de guerre Cours Vincennes - St Denis - Séance 12
Appareils d'État et machines de guerre Cours Vincennes - St Denis - Séance 12 Cours du 18/03/1980 Transcrit le 08/06/2020 par Florent Jonery durant le confinement – flojo@posteo.net Les informations contextuelles sont entre crochets. Les sauts de ligne visent simplement à aérer le texte. Hormis quelques rares répétitions de mots supprimées, le texte se veut au plus proche du cours prononcé par Gilles Deleuze. Gilles Deleuze : Oui, on a vu la dernière fois là une première grande rubrique, presque il faudrait que vous les conceviez comme des rubriques à tiroirs, c’est-à-dire vous pouvez ajouter des choses, vous pouvez, vous pourriez en fabriquer d’autres peut-être, mais à ce moment-là vous intervenez. La première rubrique que nous avons vue du point de vue de ce parallèle ou de cette assimilation situation politique / axiomatique, c’est un problème politique comme mondiale à savoir les situations d’adjonctions ou de retrait d’axiome. Et ces deux pôles adjonction / retrait d’axiome me permettaient de définir une première bipolarité. Une première bipolarité de la forme Etat, de la forme Etat au sens moderne. Et ces deux pôles de l’État moderne c’était État totalitaire / Etat social- démocrate, suivant que la tendance à la restriction des axiomes se manifestait ou au contraire la tendance à en ajouter toujours. Et cela variait d’après les deux. Donc ça je suppose que, à moins qu’il y ait des choses, presque je rêverais tantôt vous gonfliez ça avec des exemples concrets, alors je disais le cas du Brésil actuellement il me paraît exemplaire en effet parce que il est comme en état de suspend. Est-ce que l’on va choisir une espèce de ligne sociale-démocrate avec adjonction d’axiome ? Est-ce que l’on va maintenir la ligne totalitaire diminution d’axiome ? Etc. Bon. Parfois c’est ici telle tendance s’affirme, là l’autre tendance s’affirme. Or cette première bipolarité d’État, Etat totalitaire / état social-démocrate, me paraissait répondre aux rapports marché intérieur/marché extérieur. La tendance à restreindre les axiomes où l’état totalitaire apparaît fondamentalement lorsqu’il s’agit d’organiser l’effondrement du marché intérieur ou d’affirmer le primat exclusif du secteur extérieur. Et la tendance social-démocrate tend à s’affirmer, à prévaloir lorsqu’il s’agit de constituer un marché intérieur et de le mettre en rapport avec le marché extérieur. Bien. C’est donc autour du pôle de, non de la relation marché intérieure / marché extérieur, je crois que l’on pourrait rendre compte des alternances Etat totalitaire / Etat social-démocrate. Ou si vous préférez adjonction d’axiome / soustraction d’axiome. Voilà. Ça on l’avait vu. Ma deuxième rubrique et j’en étais là la dernière fois c’était comme dans toute axiomatique le problème de la saturation. Car si fort que se présente, si précisément que se présente les deux pôles de tout à l’heure, tendance à ajouter, tendance à supprimer des axiomes dans une axiomatique, il n’en reste pas moins que le problème c’est est-ce qu’il y a une limite ? Est-ce qu’il y a une saturation de l’axiomatique ? Encore une fois la saturation c’est lorsque l’on ne peut pas ajouter d’axiome dans l’axiomatique. On ne peut plus ajouter un seul axiome sans que l’ensemble ne devienne contradictoire. Vous dîtes à ce moment-là le système est saturé. Est-ce que l’on peut dire que dans le système mondial, plus précisément dans le système mondial capitaliste, est-ce que l’on peut dire qu’il y a une saturation ? Si le capitalisme est une axiomatique est-ce que l’on peut parler d’une saturation de cette axiomatique ? Est-ce que la notion de saturation est un concept qui est bon non seulement mathématiquement quand il s’agit d’étudier les axiomatiques, mais est-ce que c’est un concept compréhensif c’est-à-dire qu’il nous fait comprendre quelque chose à la situation politique mondiale ? Et je disais notre point de départ là c’est ce grand texte de Marx sur la baisse tendancielle de la plus-value. Car c’est dans ce texte qu’au maximum il me semble bien qu’il ne dise pas ce mot, Marx décrit le capitalisme comme une axiomatique. Et sur la base de quoi à savoir toute la thèse de Marx est le capitalisme a bien des limites mais ses limites sont extrêmement particulières, extrêmement singulières. Alors qu’est-ce que c’est que ces limites ? Et je disais le texte de Marx bon il s’organise, il organise son analyse d’après plusieurs niveaux. Et au niveau le plus simple c’est la description de cette limite tendancielle. À savoir Marx nous dit le capitalisme ne se développe pas sans que les deux éléments du capital ne changent leur rapport, leur proportion. À savoir plus le capitalisme se développe comme système, nous nous disons bon comme axiomatique, plus la partie du capital représentée par le capital constant, plus la partie du capital « capital constant » tend à l’emporter relativement sur l’autre partie du capital « capital variable ». Encore une fois en quoi, ça il faut que vous compreniez très bien, en quoi est-ce une limite du capitalisme ? C’est que le capital variable c’est la partie du capital investi dans le travail humain. La plus-value que ce soit vrai ou faux ça peut importe, je résume la thèse de Marx, la plus-value extorquée par le capital, dépend du capital variable. C’est sous son aspect capital variable, que ce fait l’extorsion de la plus-value par le capital. Le capital constant c’est la partie du capital représentée par matière première et moyens de production. S’il est vrai que proportionnellement le capital constant tend à l’emporter sur le capital variable, cela veut dire quoi ? Remarquez déjà ce qui est une remarque essentielle sinon on ne peut pas du tout comprendre la thèse de Marx, cela n’empêche pas que la partie capital variable et la plus-value qui en dépend augmente absolument à mesure que le capital se développe, à mesure que le capitalisme se développe. Le capital variable et la plus-value, plus le capital se développe plus elle augmente absolument. Mais ce qui tend à diminuer c’est l’importance relative du capital variable par rapport au capital constant. C’est-à-dire plus le capital se développe, plus le capitalisme se développe plus la part du capital constant tend à l’emporter par rapport au capital variable. Alors. La baisse tendancielle du taux de profit, cette notion marxiste signifie quoi ? Signifie à mesure que la partie du capital « capital constant » l’emporte relativement, et bien la masse de la plus-value a beau augmenté absolument, elle diminue relativement. Donc il y a une limite en ce sens, il y a une limite très spéciale du capitalisme. En quel sens limite très spéciale ? On voit très bien ce que veut dire Marx là. Limite très spéciale puisque la plus-value et le capital variable augmentent dans l’absolu, avec le développement du capitalisme, mais en même temps représentent dans la somme totale du capital une part de plus en plus petite. Ce qui veut dire que le capitalisme se rapproche perpétuellement d’une limite et que cette limite recule, ne cesse pas de reculer à mesure qu’il s’en approche. C’est quoi ça ? Comment dire ? C’est un statut de la limite très curieux. D’où l’expression baisse tendancielle. Ce serait quoi une telle limite ? Une telle limite c’est ce qu’il faudra appeler une limite [hésitation] une limite immanente. C’est une limite immanente. Et c’est tout le paradoxe d’une limite immanente, une limite immanente est telle qu’en effet comme elle est produite, elle n’est pas rencontrée du dehors par le système, elle est interne. Plus le système s’approche de cette limite plus il repousse cette limite. C’est comme un statut très, très particulier, très singulier de la limite. Cela paraît abstrait, on va essayer de rendre ça tout à l’heure très, le plus concret possible. Un étudiant : [Inaudible] Gilles Deleuze : Oui, mais à la limite cela pourrait encore plus, encore plus simplement s’expliquer par une série, par une série arithmétique. Je veux dire 1 + ½ + ¼ + 1/8 etc. etc. il y a une limite et en même temps cette limite est immanente, précisément en ce sens que plus vous vous approchez de la limite plus la limite recule. Alors ce qui m’intéresse c’est déjà qu’est-ce que c’est que cette notion d’une limite immanente, c’est-à-dire une limite qui n’est pas rencontrée du dehors, voyez à quel problème cela répond. En effet tout le capitalisme a le plus fort intérêt à nous persuader que les limites qu’il rencontre sont les limites du monde. Que c’est les limites des ressources par exemple, des ressources naturelles. Que c’est des limites extrinsèques. C’est le grand thème toujours de la politique : quel gouvernement ne cesse de dire et de nous dire mais il n’y a pas d’autre politique possible, en d’autres termes les limites elles sont extérieures. Voilà que le soupçon se forme que non ce n’est pas ça la vraie nature de la limite dans le système politique. Que la limite est vraiment engendrée par le système comme limite immanente, c’est-à-dire limite qui s’éloigne, qui recule à mesure que l’on s’en approche. Dès lors qu’est-ce que c’est cette limite immanente ? D’où uploads/Finance/ appareils-d-x27-e-tat-et-machines-de-guerre-gilles-deleuze 1 .pdf
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- Publié le Sep 24, 2021
- Catégorie Business / Finance
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