Appel de Gaoua sur la qualité de l’enseignement au Burkina Faso – 17 octobre 19

Appel de Gaoua sur la qualité de l’enseignement au Burkina Faso – 17 octobre 1986. Discours du Capitaine Thomas Sankara prononcé le 17 octobre 1986 Camarades militants et militantes de la Révolution Démocratique et Populaire, Camarades Enseignants, Camarades Parents d’Elèves, Camarades Elèves Nous voici encore une fois à la rentrée scolaire, plus exactement en période de rentrée scolaire, tant il est vrai que les problèmes posés ne sont jamais des problèmes d’un jour ni même de quelques semaines. De nombreuses difficultés nous assaillent aujourd’hui encore, difficultés matérielles et morales qui ont abusé d’une certaine démission des uns et des autres pour s’imposer en phénomène cyclique. Une chose est au moins sûre : la rentrée scolaire ne laisse personne indifférent au Burkina Faso, même si les intérêts qu’elle charrie ou engage sont forcément divergents, parfois même antagoniques. Il y a les intérêts du commerçant de fourniture scolaires ou ceux du commerçant promoteur, il y a les intérêts du fondateur d’école, il y a les intérêts des parents – hélas encore formulés au niveau individuel et isolé – et bien sûr l’intérêt de l’Etat, gestionnaire de la société globale. Cependant, c’est que, au-delà de cette diversité et de cette concurrence apparentes, la rentrée scolaire, par son objet, masque des enjeux autrement plus importants. Peut-on, en effet, parler de rentrée scolaire sans poser la question de savoir qui rentre, où il rentre et pourquoi il rentre et QUEL TYPE D’HOMME EN SORTIRA ? Les réponses à ces questions sont simples, du moins directes, et nous ramènent au problème fondamental de l’éducation en général et de l’enseignement en particulier dans notre pays. Nous suivons la démarche suivante pour parler de cette si importante question de la qualité de l’enseignement : Nous verrons tour à tour I- Quelle est la situation qualitative de notre enseignement ? II- Quelles sont les causes de la baisse de qualité de l’enseignement ? III- Quels sont nos devoirs de responsabilité pour une plus grande qualité dans l’enseignement ? IV- Enseignement de qualité : nécessité vitale de la Révolution Démocratique et Populaire (R. D. P.). I- QUELLE EST LA SITUATION QUALITATIVE DE NOTRE ENSEIGNEMENT ? Je ne reviendrai pas sur les rapports DIALECTIQUES entre l’école et la société que j’avais rappelés lorsque j’introduisais le débat NATIONAL et POPULAIRE sur le document relatif au projet de réforme scolaire. Le lieu géométrique, le centre commun des préoccupations de l’Etat et des parents est et devrait être l’enfant, chacun d’entre nous ayant vérifié ou pouvant comprendre cette vérité historique selon laquelle « l’enfant est le père de l’homme » c’est-à-dire l’avenir de la société. Je sais que vous avez compris pourquoi le Conseil National de la Révolution (C. N. R.) qui lutte pour construire l’avenir, qui se bat pour l’avènement d’une société nouvelle burkinabè, s’occupe et se préoccupe de l’enfant. Il ne me paraît pas utile de dresser une liste exhaustive de toutes les mesures stratégiques et tactiques prises depuis le 4 août 1983 pour permettre à NOS CONTINUATEURS, je veux parler des enfants, d’accomplir leur rôle historique. Le thème du troisième anniversaire de la Révolution Démocratique et Populaire, « l’Enfant et le Plan Quinquennal » a situé éloquemment le contenu et la portée des choix du Conseil National de la Révolution en la matière. Dans l’immédiat, et ce malgré les efforts déployés ça et là, force est de constater, de reconnaître qu’il reste beaucoup, sinon tout à faire, tant sur le nombre d’enfants à éduquer que sur le contenu de cette éducation. Aujourd’hui, chacun d’entre nous se félicite ou se réjouit, et je vous comprends, du plafonnement des frais de scolarité, certains manifestent leur satisfaction légitime pour l’accroissement visible du taux de scolarisation, fruit de la prise de conscience et de la mobilisation populaire. Par contre, chaque parent, chaque responsable s’inquiète de la détérioration tendancielle et continuelle de la qualité de l’enseignement, telle que le révèle la faible niveau des élèves, ces dernières années. Il s’agit là d’une situation extrêmement grave qui préoccupe au plus haut point notre direction politique, et qui doit préoccuper tout militant de la Révolution Démocratique et Populaire. Comment ne pas comprendre que toute indifférence ou complaisance vis-à-vis de ce problème est un crime collectif, les enfants étant notre propre avenir. Comment ne pas comprendre que sans un sursaut de rectification nous courons à notre ruine, car si l’école ne produit pas la vraie société burkinabè, elle produira la société des hommes non dignes, non intègres. Face à cette dégradation continue et dangereuse de notre enseignement dans son aspect le plus significatif , il faut qu’en révolutionnaires conséquents nous situions les responsabilités et assumions pleinement les nôtres. Pour cela, il nous faut procéder à un diagnostic profond et précis de la situation de l’enseignement actuel afin de nous donner des chances de lui trouver une thérapeutique appropriée. Quel constat peut-on alors faire de notre système éducatif ? Je sais que chacun d’entre nous l’a déjà établi, du reste, les conclusions de la première Conférence des Comités de Défense de la Révolution et le large débat national ont montré le désir unanime de changer l’école et le système éducatif. Cette position est politiquement juste et économiquement rationnelle car il n’y a, dans la situation actuelle, aucun motif de fierté. Au niveau de l’Etat, les charges, en termes financiers, sont très lourdes, et les résultats, en termes d’efficacité et d’efficience, dérisoires. Ainsi pendant ces trois dernières années, en moyenne 17 à 20% du budget de l’Etat ont été alloués à l’enseignement au seul titre des salaires versés aux enseignants, soit plus de dix milliards[2] de nos francs. Or, nous savons tous que cette charge, aussi importante qu’elle puise paraître, ne représente qu’un aspect du problème car elle ne prend pas en copte les dépenses multiformes des parents aux moins égales à celles de l’Etat. C’est donc dire que nous avons dépensé pendant la période considérée plus de vingt milliards de francs[3] pour l’éducation de nos enfants. Posons-nous maintenant la question de savoir quels résultats nous ont rapportés de si lourds investissements ? A ce niveau, point n’est besoin d’être un expert pour reconnaître le taux élevé de déperdition d’une classe à une autre, et surtout pour fustiger et répudier la mauvaise qualité des rares produits finis ou semi-finis de notre école. Par exemple, nous observons avec beaucoup d’amertume aujourd’hui qu’un élève qui termine le cours moyen sait à peine lire et comprendre un texte. Il est même établi que si cet élève en fin de « cours moyen » quitte l’école pendant deux ou trois années, il redevient un analphabète complet, alors que théoriquement tout élève qui a fréquenté l’école jusqu’au « cours élémentaire » est sensé être définitivement alphabétisé. Sur la base de cette constatation, si nous comparons les deux termes ou pôles contradictoires de notre action actuelle en matière d’éducation, accroissement continu des dépenses d’une part baisse vertigineuse du niveau des élèves, nous ne pouvons alors éviter de nous demander si nous ne sommes pas en train de financer l’analphabétisme en croyant de bonne foi le combattre. Mais ce faible niveau des élèves, aussi injuste et inexpliqué qu’il est, ne caractérise pas toute la carence du système éducatif incriminé, qui fait peu cas du minimum de civisme à même d’intégrer socialement l’enfant. Voilà pourquoi ils sont nombreux ceux qui attribuent les déviances sociales observées chez les enfants à cette école exogène et inadaptée : impolitesse, désobéissance et indiscipline, grossièreté et malpropreté, malhonnêteté et délinquance. II. QUELLES SONT LES CAUSES DE LA BAISSE DE QUALITE DE L’ENSEIGNEMENT ? De nombreuses et ténébreuses raisons sont évoquées pour justifier cet état de fait. Pêle-mêle l’on cite : – La présence massive d’éléments non qualifiés (à défaut de pouvoir dire non désirés) dans l’enseignement. Et aussitôt en rangs serrés, l’anathème est jeté sur les enseignants révolutionnaires et une apologie romantique à l’adresse des instituteurs de « William Ponty » ; – Le surnombre des élèves dans les salles de classe est une excuse toute faite ; – L’absence ou l’anachronisme des méthodes étant un argument absolutoire. Bien d’autres raisons sont décrites dans des épanchements du cœur, les uns plus pathétiques que les autres. Mais, toutes ces raisons se ramènent à trois causes qui sont : – Primo : la non-définition d’une méthode correcte, ce qui dans notre cas signifie la réforme de l’école ; – Secundo : le manque de moyens importants, c’est-à-dire des enseignants, des infrastructures et un environnement pédagogique idoine ; – Tertio : l’absence de conscience responsable chez tous les acteurs de l’éducation, c’est-à- dire les parents d’élèves, les enseignants et les élèves. J’ai choisi de limiter mon propos à cette dernière cause, à savoir : la conscience des hommes. L’homme est la machine la plus complexe la plus performante du monde, qui dispose d’un centre pluridimensionnel autonome et personnel de commandement, de conception, de stimulation et de régulation qui s’appelle la conscience. L’homme, c’est aussi le génie le plus apte à l’organisation. C’est pourquoi, malgré des moyens pédagogiques insignifiants et une définition non achevée du type d’école, la uploads/Finance/ appel-de-gaoua-education.pdf

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  • Publié le Sep 19, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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