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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Marie-Christine Adam et Ariane Szafarz Études internationales, vol. 20, n° 4, 1989, p. 781-790. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/702578ar DOI: 10.7202/702578ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 17 mai 2013 07:26 « Crises boursières, bulles spéculatives et raitionalité économique » Crises boursières, bulles spéculatives et rationalité économique Marie-Christine ADAM et Ariane SZAFARZ* ABSTRACT — Stock Market Crashes Spéculative "Bubbles" and Econo- mical Rationality In October 1987 the stock markets across the world witnessed an unprecedent crash of which both economists and financial analysts are still trying to under- stand the origin. One of the most controversial interprétations of this event is the spéculative bubble hypothesis according to which long overvalued stock priées readjusted to realistic values in october 87. This interprétation is particularly interesting given that new "bubble" théories hâve been developed within the framework of rational expectations models during the last ten years. This paper présents a critical analysis of thèse théories and évaluâtes their potential for our understanding of the stock market crash. Octobre 1987 a été marqué, sur les principales places boursières mondia- les, par l'effondrement brutal des cours des valeurs mobilières. Le recul de plus de 22 % du Dow Jones en une seule séance, celle du 'Black Monday' du 19 octobre, reflète un mouvement d'une ampleur sans précédent. Au-delà d'un record absolu de baisse boursière à New York, la crise d'octobre 1987 se caractérise par la transmission internationale des perturbations. Wall Street a entraîné dans son sillon les performances des principales bourses de valeurs à travers le monde : la chute des indices boursiers est de 9.3 % à Paris, de 10.2 et 10.4 % à Londres et à Bruxelles et de 15 % à Tokyo. Depuis lors, les spécialistes, les médias et les théoriciens des marchés financiers tentent de cerner les causes de cette crise boursière ; s'agit-il d'un événement isolé ou doit-on s'attendre, dans les années à venir, à la répétition plus ou moins fréquente d'incidents du genre? Parmi les diverses interprétations du phénomène qui ont été avancées récemment, l'une des plus controversées est celle de la 'bulle' spéculative, dont la baisse des cours d'octobre 1987 marquerait la fin. Dans cette optique, la globalisation des marchés financiers, le rôle des ordinateurs ou l'apparition de nouvelles catégories d'agents (petits porteurs, Golden Boys,...) ne consti- tueraient que des péripéties, ou tout au plus des conditions purement techni- ques à l'émergence de la crise. C'est dans le gonflement excessif des cours, durant la période 1982-1987, que résiderait la source première du déséquili- bre: nourrie par les anticipations auto-réalisatrices des agents, l'envolée des * Professeurs à la Faculté des sciences sociales, politiques et économiques de l'Université Libre de Bruxelles. Revue Études internationales, volume XX, n° 4, décembre 1989 781 782 Marie-Christine ADAM et Ariane SZAFARZ cours aurait éloigné ceux-ci de leur valeur économique fondamentale. Dès lors, l'écrasement des indices boursiers en 1987 marquerait simplement le retour à des valeurs des titres plus proches des fondements, c'est-à-dire de la réalité économique des entreprises émettrices. Cette interprétation est d'autant plus intéressante que depuis le début de la décennie, un ensemble de travaux théoriques liés à l'école des anticipations rationnelles a remis à l'honneur le concept de bulle spéculative.1 La nouvelle théorie des bulles admet précisément la possibilité que les cours boursiers (ou de change) s'écartent des valeurs fondamentales, à l'équilibre des marchés, même lorsque les agents économiques connaissent ces valeurs fondamentales et exploitent rationnellement l'information disponible. L'objet de cet article est de synthétiser les apports principaux de cette littérature, d'en souligner les limites et d'en évaluer la pertinence pour l'analyse de la crise boursière de 1987. La première section présente le concept de bulle et en contraste l'inter- prétation traditionnelle avec la formalisation récente des modèles à anticipa- tions rationnelles. Bien que ces derniers travaux soient fondés sur une analyse mathématique des conditions d'existence de solutions multiples dans les modèles, la présentation qui est effectuée ici est volontairement non technique. La deuxième section met en évidence les limites de l'approche, en relevant, d'une part les conditions particulières que requiert la définition mathématique du concept et, d'autre part, les difficultés d'interprétation du modèle. Cette section évalue l'apport potentiel de la théorie pour l'interpré- tation de la crise boursière de 1987. Les conclusions de l'article sont présen- tées dans la troisième section. I - Bulles spéculatives et théorie économique A — L'approche traditionnelle Le concept de bulle spéculative est intégré depuis très longtemps à la tradition orale des marchés boursiers. La crise des bulbes de tulipe en Hollande, la spéculation sur la South Sea Company à Londres ou la banque- route de Law en France constituent des exemples classiques de cette interpré- tation traditionnelle de la notion de bulle.2 La bulle est alors synonyme d'une augmentation rapide des prix sur les marchés financiers, artificielle parce que sans rapport avec la valeur réelle des actifs sous-jacents, et suivie, à un 1. Les théoriciens de l'école des anticipations rationnelles ne sont pas les seuls à s'être intéressés au concept de bulles spéculatives. Les courants régulationistes et post-keynésiens ont égale- ment abordé ce concept dans leurs analyses. Nous nous limiterons cependant ici au premier courant. 2. Pour une analyse plus détaillée de ce type de crise financière voir par exemple l'ouvrage de C. KINDLEBERGER. Manias, Parties and Crashes. A History of Financial Crises. New York, Basic Book, 1978. CRISES BOURSIÈRES, BULLES SPÉCULATIVES ET RATIONALITÉ ÉCONOMIQUE 783 moment donné, par le retour brutal (crash) vers des prix plus proches de la valeur d'équilibre des actifs. Le gonflement des prix peut être dû à des comportements irrationnels, dans le chef des agents économiques qui suréva- luent les titres, ou à des manipulations, par des professionnels qui jouent sur la crédulité d'investisseurs 'amateurs'. Remarquons cependant que si l'explosion des prix se nourrit des anticipa- tions haussières du marché, ces anticipations ne reflètent pas nécessairement une erreur d'appréciation des agents concernant la valeur réelle des titres. Elle peut résulter de l'évaluation par chacun des comportements des autres, peu importe que le prix s'éloigne de ce qu'un agent individuel considère comme réaliste dans l'absolu, s'il prévoit que les « autres » se porteront acheteurs. Il en déduira la hausse prochaine du cours et se portera logique- ment du côté acheteur dans l'espoir de réaliser une plus-value. L'anticipation devient ainsi auto-réalisatrice dans un jeu de miroir où les décisions de chacun reflètent ce qu'il croit anticiper de l'action des autres. On retrouve ici la « greater fool theory » décrite par J.M. Keynes dans un célèbre chapitre de la Théorie Générale de l'Emploi, de la Monnaie et de l'Intérêt et sur laquelle la tradition veut qu'il ait fondé ses propres opérations boursières. Si les agents admettent la possibilité d'un écart temporaire entre le cours du titre et la valeur réelle de l'investissement, ils resteront cependant aux aguets, car plus l'écart croît et plus le danger d'un éclatement de la bulle devient imminent. Au moindre signal défavorable les agents inverseront brusquement leur comportement, ce qui, par l'effet multiplicateur de la panique entraînera le crash, c'est-à-dire l'effondrement du cours. La notion de bulle est, en outre, souvent associée à celle de « taches solaires », c'est-à-dire aux variables extrinsèques, indépendantes des détermi- nants économiques ou politiques des entreprises, mais qui néanmoins exer- cent « irrationnellement » un impact sur les cours des titres. Comme précé- demment, les anticipations fondées sur des signaux non pertinents, telles les taches solaires, deviendront auto-réalisatrices si suffisamment d'agents croient à l'incidence du signal ou du moins s'ils anticipent que d'autres agents y croiront. Cette version du fonctionnement des marchés boursiers a longtemps été contestée, sinon ignorée, par le courant dominant de la théorie financière qui, depuis les années 60, est centrée sur le paradigme des marchés efficients. La notion d'efficience est basée sur l'incorporation rapide et rationnelle de l'information dans le prix des actifs financiers. Elle naît de la concurrence acharnée entre spécialistes qui, dès qu'une information nouvelle apparaît, tendent, par leurs opérations, à la répercuter immédiatement sur la forma- tion du cours. Dans ce contexte, il devient impossible de fonder systématique- ment des stratégies rentables sur les écarts entre cours observés et valeurs réelles des titres. L'efficience implique donc l'impossibilité de réaliser des gains extraordinaires sur base de la prévision des cours. Toute l'information disponible et, au-delà, les prévisions que l'on pourrait en déduire sont instan- 784 Marie-Christine ADAM et Ariane SZAFARZ tanément reflétées dans le prix du titre. Dès lors le prix uploads/Finance/ article-crises-boursieres-bulles-speculatives-et-raitionalite-economique.pdf
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- Publié le Aoû 31, 2022
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