1 Groupement de textes / Cours « enjeux et débats » DELCIFE / 2018-19/ O Charti

1 Groupement de textes / Cours « enjeux et débats » DELCIFE / 2018-19/ O Chartier Texten°1) Capitalisme et écologie sont incompatibles 01/12/2017 Alternatives Economiques n°374 Propos recueillis par Aurore Lalucq Antonin Pottier lauréat du prix Veblen, dont les recherches portent sur l'intégration de l'environnement dans les sciences économiques. Afin de soutenir le pluralisme de la recherche en économie et de faire émerger de jeunes talents, l’Institut Veblen pour les réformes économiques a lancé le "prix Veblen" à destination des chercheurs et chercheuses de moins de 40 ans. Alternatives Economiques s’est associé - ainsi que Mediapart, la revue Projet et Peps-Economie - à ce prix, dont le premier lauréat est Antonin Pottier. Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, il est docteur en économie de l’environnement de l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Ses recherches portent sur les aspects socio-économiques du changement climatique, ainsi que sur l’intégration de l’environnement dans les sciences économiques. Vous défendez la thèse selon laquelle capitalisme et respect des frontières écologiques sont incompatibles... L’élément premier d’incompatibilité vient du fait que les calculs de rentabilité n’intègrent pas les dégradations écologiques. Pour respecter les frontières écologiques, une intervention qui contrecarre la logique du calcul capitaliste est nécessaire. L’Etat, souvent poussé par les mobilisations citoyennes, introduit des réglementations afin de forcer les entreprises à "internaliser les externalités". Zoom Point de vue d’André Orléan : "Saisir la question dans sa globalité" La question écologique est devenue, pour l’humanité, une question de vie ou de mort. Nous savons dès à présent que l’objectif fixé par l’accord de Paris en 2015 d’un réchauffement limité à 2 °C ne sera pas atteint. L’augmentation de la température risque bien plutôt de se situer entre 3 et 5 °C. Or, face à la catastrophe annoncée, les réactions des chercheurs et des intellectuels restent terriblement insuffisantes. Je pense, tout particulièrement, aux sciences sociales et aux économistes. Nos modes de vie sont à l’origine des désordres environnementaux. Ce sont donc eux qu’il faut transformer et, pour ce faire, nous avons cruellement besoin d’idées mobilisatrices. Il serait déraisonnable de s’en remettre exclusivement aux sciences dures dans l’espoir qu’elles découvrent des remèdes technologiques miracles. Antonin Pottier fait partie de ces trop rares jeunes économistes qui ont fait de la question écologique leur priorité, qui plus est en s’écartant des sentiers battus. Le prix Veblen a salué, dans son travail, sa volonté d’une mise à plat qui ne s’enferme pas a priori dans tel ou tel schéma, mais cherche à saisir la question dans sa globalité, en prenant soin de souligner son caractère fondamentalement multidimensionnel, à la fois économique, politique et social. Pottier nous montre comment, avec le capitalisme contemporain, s’est constituée une logique d’ensemble qui aggrave encore la tendance spontanée des sociétés humaines à sous-estimer les effets à moyen terme de ses choix. C’est vrai des entreprises focalisées sur leurs profits, mais également de l’Etat qui a perdu toutes ses capacités stratégiques et de la société civile des pays développés intoxiquée à la consommation jusqu’à l’aveuglement. Mais apparaît alors une autre incompatibilité : le décalage des temporalités. En effet, il faut du temps pour identifier certains problèmes écologiques, définir et mettre en oeuvre les interventions adéquates. Pendant ce temps de diagnostic, les capitalistes continuent d’innover pour optimiser leur profit et provoquent de nouvelles externalités. Le système politico-administratif peut alors facilement se trouver pris en défaut. 2 Groupement de textes / Cours « enjeux et débats » DELCIFE / 2018-19/ O Chartier On trouve dans votre essai une bibliographie très riche et éclectique. Une nouvelle génération d’économistes semble s’affranchir des codes, puisant à la fois dans la littérature écologique et hétérodoxe. L’analyse des désordres écologiques et des moyens d’y faire face mêle plusieurs réalités. L’éclectisme est donc dicté par la situation. Sa gravité nous oblige à aller au-delà des chapelles et des barrières disciplinaires. Comme d’autres, je m’appuie sur des auteurs qui envisagent l’économie comme une science sociale, et mobilise les travaux des sciences de la nature et d’autres sciences sociales. Cette ouverture fait le plus grand bien à la discipline économique. Elle a trop eu tendance à négliger son impact sur la société. Quelles sont à votre sens les recherches essentielles à mener aujourd’hui dans le domaine de l’économie ? Alors que les recettes de l’économie standard semblent impuissantes à juguler les dégradations écologiques, elles continuent à façonner notre imaginaire et nos actions. Il y a là comme un paradoxe. Il me paraît important de comprendre comment gouvernements, entreprises ou individus s’approprient et utilisent les théories économiques et comment celles-ci infléchissent ou non leurs pratiques. Zoom Point de vue d’Éloi Laurent : "Une lecture des crises écologiques sous l’angle de la frontière" L’article du collectif regroupé derrière Johan Rockström, "A safe operating space for humanity" ("un lieu de vie sûr pour l’humanité"), dont une première mouture a paru dans la revue Nature en septembre 2009 et une seconde dans Science en février 2015, a connu un retentissement considérable (ses différentes versions ont été citées à ce jour près de 10 000 fois dans la littérature académique). Il souffre pourtant d’un défaut sérieux : les "limites" de la biosphère, considérées de manière isolée, y sont présentées comme relevant de la physique ou de la chimie (les auteurs parlent de "seuils biophysiques" à ne pas franchir). Le grand mérite de l’essai d’Antonin Pottier est de proposer une lecture des crises écologiques non pas sous l’angle de la limite mais de la frontière, une lisière écologique humanisée et même politisée, car la frontière marque la borne géographique de la compétence juridique (comme le rappelle l’étymologie de banlieue). Le cas du changement climatique illustre la pertinence de cette approche : les 1,5 ou 2 °C de réchauffement mentionnés dans l’accord de Paris sont bien des frontières choisies et non des limites subies, frontières dont le tracé humain déterminera le sort de centaines de millions de personnes. Les crises écologiques étant des questions sociales, l’enjeu central consiste à comprendre quelles causes sociales engendrent les crises écologiques et quelles conséquences sociales celles-ci engendrent en retour. C’est ce à quoi nous aide le texte d’Antonin Pottier. Il entretient à l’égard de la théorie économique standard une saine méfiance et appartient à une nouvelle génération d’économistes de l’environnement (parmi lesquels Alexandre Berthe, Louison Cahen-Fourot, Luc Elie et d’autres encore) dont les travaux déjà visibles méritent une grande attention. Il ne s’agit pas seulement de libérer l’imaginaire de l’emprise du discours économique, mais aussi de comprendre comment les théories économiques se concrétisent dans des dispositifs sociotechniques qui contraignent notre capacité à changer. Je crois que c’est une étape nécessaire dans la transition vers une société écologiquement et socialement soutenable. Le capitalisme manque de projets. Les entreprises rendent l'argent aux actionnaires plutôt que de l'investir là où il serait utile de le faire. Seule la transition écologique pourrait le rassasier. 3 Groupement de textes / Cours « enjeux et débats » DELCIFE / 2018-19/ O Chartier Texte n°2) Seule l'écologie peut sauver le capitalisme Jean-Marc Vittori / Editorialiste Le 10/07 à 09:12 : Les échos Le capitalisme se mord la queue. Faute de projet, il en vient à dévorer son capital. Ce qui représente une vraie menace sur l'avenir, car le capitalisme porte une formidable efficacité économique. Nous lui devons largement la fabuleuse progression des conditions de vie depuis deux siècles. Même ses contempteurs les plus féroces, comme le sociologue suisse Jean Ziegler , le concèdent. Le capitalisme a pourtant devant lui un magnifique chantier. Mais il ne pourra s'en emparer tout seul. Il devra être sauvé par ses ennemis, comme il l'a déjà été à plusieurs reprises dans le passé. Pente naturelle : l'accumulation Commençons par nous entendre sur les mots, car nous sommes ici dans le moulin à fantasmes. L'essayiste anarchiste Pierre-Joseph Proudhon a donné une définition limpide du capitalisme il y a plus d'un siècle et demi : « régime économique et social dans lequel le capital comme source de revenus n'appartient généralement pas à ceux qui l'utilisent dans leur propre travail. » L'historien Fernand Braudel a ensuite dissipé la confusion fréquente entre économie de marché, espace de concurrence (où la pente est la « baisse tendancielle du taux de profit » pointée par Karl Marx), et le capitalisme, « étage supérieur » dominé par des monopoles (où la pente naturelle est l'accumulation, aussi pointée par Marx et mise en évidence récemment par les travaux de Thomas Piketty). Excès de pouvoir Si le capitalisme est redoutablement puissant, c'est parce qu'il permet d'accumuler du capital, et que ce capital est ensuite investi là où il est le plus efficace - machines, infrastructures de transport, recherche, etc. Il est tellement puissant qu'il ne peut pas exister sans opposants - Etat, syndicats, intellectuels. « Sans cette présence de contrepouvoirs, le capitalisme disparaîtrait dans son excès de pouvoir, par les déséquilibres de revenus, les pertes de production et les révolutions qui en découleraient », explique Sébastien Groyer, qui est à la fois philosophe et capital-risqueur, dans sa thèse passionnante . Or, aujourd'hui, le capitalisme a perdu le nord. Il ne uploads/Finance/ avenir-de-la-planete-capitalisme-et-ecologie.pdf

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  • Publié le Mai 27, 2022
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