UNE AUTRE LECTURE DE LA SOUTENABILITÉ DE LA DETTE Éric Berr, François Combarnou

UNE AUTRE LECTURE DE LA SOUTENABILITÉ DE LA DETTE Éric Berr, François Combarnous Armand Colin | « Revue Tiers Monde » 2007/4 n° 192 | pages 789 à 813 ISSN 1293-8882 ISBN 9782200923952 DOI 10.3917/rtm.192.0789 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2007-4-page-789.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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La comparaison de cet indicateur avec les indica- teurs « officiels » démontre la nécessité d’une prise en compte conjointe des points de vue des créanciers et des débiteurs, afin d’éviter des erreurs de ciblage dans la lutte contre l’endettement. Mots clés : soutenabilité de la dette, dette externe, indica- teur multidimensionnel. Le plan Brady, présenté en 1989, marque un tournant dans la façon d’appré- hender et de traiter les effets de la crise de la dette. En reconnaissant officielle- ment que la dette extérieure des pays en développement (PED) ne doit plus être remboursée à sa valeur faciale, il entérine l’idée que l’on se trouve face à une crise de solvabilité et non face à une simple crise de liquidité comme on l’avait cru initialement – ou fait semblant de le croire. En demandant un effort aux créan- ciers, il reconnaît aussi implicitement leur responsabilité dans le déclenchement de la crise de la dette en 1982. Ce sont pourtant les PED qui auront à subir les conséquences des programmes d’ajustement structurel et des stratégies de lutte contre la pauvreté, initiés par les institutions financières internationales (IFI) et reposant sur les préceptes du consensus de Washington dont on a pu mesurer l’impact globalement négatif sur leurs économies (BERR et COMBARNOUS, 2005, 2007 ; BERR, COMBARNOUS et ROUGIER, 2008 ; BRESSER-PEREIRA et VARELA, 2004 ; RODRIK, 2006 ; STIGLITZ, 2002, 2006). Répondant aux nombreuses critiques qui leur seront adressées, les IFI vont progressivement adhérer à l’idée d’une nécessaire réduction de la dette des PED. C’est dans ce contexte que sera lancée l’initiative Pays pauvres très endettés * Maîtres de Conférences, Université Montesquieu-Bordeaux IV, GREThA (UMR CNRS 5113). N° 192 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2007 - p. 789-813 - REVUE TIERS MONDE 789 © Armand Colin | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.67.7.157) © Armand Colin | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.67.7.157) (PPTE) en 1996 – « renforcée » en 1999. Cette initiative ambitionne d’annuler une partie de la dette extérieure de 41 PED afin de leur redonner une certaine solvabilité. Tandis qu’au tournant du millénaire le mouvement Jubilé 2000, regroupant un très grand nombre d’organisations non gouvernementales (ONG), réclame l’annulation totale et inconditionnelle de la dette de l’ensemble des PED, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), définis en sep- tembre 2000, envisagent seulement de « traiter globalement le problème de la dette des pays en développement par des mesures d’ordre national et internatio- nal propres à rendre leur endettement viable à long terme ». En 2002, le sommet de Monterrey consacré au financement du développement ne fera qu’entériner une approche de la dette du seul point de vue des créanciers. C’est cette appro- che que nous souhaitons questionner en opposant au critère de solvabilité, retenu par les créanciers, celui de soutenabilité, qui intègre les conséquences d’un endettement excessif sur le bien-être des populations des pays concernés. Cette approche par la soutenabilité nécessite une mesure plus adaptée de l’endettement qui débouchera sur l’élaboration de nouveaux indicateurs, que nous comparerons aux indicateurs officiels afin de mettre en avant l’originalité de notre démarche 1. I – SOLVABILITÉ VERSUS SOUTENABILITÉ DE LA DETTE La solvabilité représente le fait, pour un débiteur, d’avoir les moyens de payer ses créanciers. Cette approche, qui fonde la vision des pays riches, des IFI et des économistes orthodoxes, envisage un traitement de la dette dont le but unique est de permettre aux créanciers de récupérer la plus grande partie des sommes prêtées, étant entendu que les effets de la crise d’endettement empêchent les pays débiteurs de rembourser la totalité de leurs dettes 2. Au contraire, aborder la question de la dette sous l’angle de la soutenabilité implique de prendre en compte son impact sur le bien-être des populations des pays endettés, donc d’avoir une approche plus équilibrée considérant également les intérêts des débiteurs 3. 1 - Notre objectif n’est donc pas de créer de nouveaux indicateurs permettant de mieux appréhen- der si les créanciers seront remboursés ou de mieux prévoir les défauts de paiement, mais de proposer des mesures intégrant l’impact de la crise d’endettement sur les pays la subissant. 2 - Pourtant, les travaux de nombreux auteurs parlent de soutenabilité de la dette (debt sustainabi- lity) alors qu’ils envisagent uniquement cette soutenabilité dans l’intérêt des créanciers, c’est-à-dire en mettant en évidence les cas pour lesquels une réduction de la dette extérieure est favorable aux créanciers (CLAESSENS, 1990) ou en déterminant les conditions permettant aux créanciers d’être assurés d’un remboursement maximum (COHEN, 1995). M. RAFFINOT (1998) envisage quant à lui la soutenabilité de la dette comme le fait qu’un ratio déterminé (de type stock de la dette/PIB) tende vers une limite finie, ce qui permet à un pays, s’il paie régulièrement les intérêts de sa dette, de continuer à recevoir des financements extérieurs. Pour C. LOSER (2004), la dette extérieure est soutenable lorsque le poids du service de la dette ne freine pas la croissance. Nous considérons pour notre part que tous ces travaux renvoient à une approche en termes de solvabilité, terme que nous utiliserons dans la suite de ce texte. 3 - On pourrait également parler de soutenabilité sociale de la dette pour se démarquer de la vision partielle des économistes orthodoxes en la matière. , ç 790 REVUE TIERS MONDE - N° 192 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2007 © Armand Colin | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.67.7.157) © Armand Colin | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.67.7.157) 1 – L’approche par la solvabilité ou comment créer les conditions d’un remboursement maximal Les fondements théoriques de l’approche en termes de solvabilité sont don- nés par P. KRUGMAN (1988a, 1988b) et J. SACHS (1989), au travers de la courbe de Laffer de la dette et du concept de fardeau de la dette. Ces concepts seront à la base des politiques de réduction de la dette promues par les IFI à partir de la seconde moitié des années 1990 (initiative PPTE, OMD, initiative d’allègement de la dette multilatérale – IADM). À l’instar de LAFFER, considérant que l’accroissement des recettes fiscales peut passer par une baisse des taux d’imposition, KRUGMAN avance l’idée qu’il est parfois dans l’intérêt des créanciers d’accorder des réductions de dette afin d’accroître la probabilité de remboursement des débiteurs. À cet effet, la figure 1 met en relation la valeur nominale de la dette d’un pays et la valeur actualisée des remboursements anticipés par les créanciers. Pour un faible niveau d’endettement, on anticipe le remboursement intégral de la dette (point A) si bien que la courbe se confond avec la première bissectrice. Cepen- dant, à mesure que le stock de la dette augmente, la probabilité de défaut s’accroît, ce qui se traduit par une décote de cette dette sur le marché secondaire des créances (point B). La situation devient critique lorsque l’on se situe du mauvais côté de la courbe, c’est-à-dire à droite du point C. Un stock de dette correspondant au point D aura alors un effet désincitatif sur le remboursement. La courbe de Laffer de la dette porte en elle la notion de fardeau de la dette et complète ainsi l’approche traditionnelle. En considérant qu’un pays débiteur Figure 1 – Courbe de Laffer de la dette A B C D 45° Encours de la dette Valeur anticipée des remboursements N° 192 - OCTOBRE-DÉCEMBRE 2007 - REVUE TIERS MONDE 791 © Armand Colin | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.67.7.157) © Armand Colin | Téléchargé le 20/03/2022 sur www.cairn.info (IP: 105.67.7.157) rembourse s’il y trouve un intérêt, et non pas s’il dispose des ressources suffi- santes, on adopte le raisonnement uploads/Finance/ berr-e-amp-combarnous-f-2007-octobre-decembre-une-autre-lecture-de-la-soutenabilite.pdf

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  • Publié le Nov 29, 2021
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