Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011 http://ethique-economiq
Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011 http://ethique-economique.net/ Le commerce équitable : vers une régulation sociale ou une gouvernance libérale? By/Par Thierry Brugvin _ Largotec ABSTRACT The bringing of the equitable trade with respect to the great distribution and the transnational corporations, the registered voter in an ethical approach of the economy. However this orientation runs the risk of the denial of the politic and to fail in his social politique. However by privatisation the regulation of work and the trade, the NGO also tend to reinforce a current which it denounces: a governorship by the civil society of néolibérale nature. Keywords: Label, audit, equitable trade, ethical trade, privatization, governance, civil society. RÉSUMÉ Le rapprochement du commerce équitable vis à vis de la grande distribution et des entreprises transnationales, l’inscrit dans une approche éthique de l’économie. Or cette orientation fait courir le risque de la dénégation du politique et d'échouer dans son ambition sociale. De plus, en privatisant la régulation du travail et du commerce, les ONG tendent aussi à renforcer un courant qu’elle dénonce: une gouvernance par la société civile de nature néolibérale. Mots-clés : Label, audit, commerce équitable, commerce éthique, privatisation, gouvernance, société civile. JEL Classification: F20, L41 Gouvernance Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011, http://ethique-economique.net/ 138 INTRODUCTION Les ONG du commerce équitable souhaitent à partir de quelques instruments: les chartes, les codes de conduite et les labels, transformer les modes de régulation du travail et du commerce. Ce vaste mouvement vise à agir sur les fondements même de cette régulation libérale du commerce et du travail, qui sont à la fois idéologiques et hégémoniques au plan mondial. C’est à dire une régulation sociale du commerce et du travail. Cependant, y parviendront-elles? Elles s’affrontent, en effet, à l’approche dominante de la mondialisation commerciale actuelle : la gouvernance néolibérale, dont les implications sur le droit du travail et du commerce sont considérables. Ainsi, le commerce équitable se développe rapidement dans la grande distribution. Cependant, les grandes entreprises ont depuis longtemps enfourché le cheval (de Troie ?) du commerce éthique. Or ce dernier prend souvent une forme marketing, au détriment d’une réelle mise en œuvre des normes affichées. On observe deux orientations visant à développer la justice dans le commerce : une approche éthique et une approche équitable. Auparavant, l’appellation “commerce équitable” concernait essentiellement les petits producteurs et les coopératives des pays en développement, les chartes et labels incluant les prix, les normes sociales et un développement démocratique. Tandis que le commerce éthique faisait référence habituellement aux grandes entreprises produisant dans les pays en développement (ou dans les pays industrialisés), utilisant notamment de codes de conduite incluant seulement les normes fondamentales du travail et les labels sociaux (toujours à l’état de projet) visant à s’implanter dans la grande distribution1. Les limites deviennent de plus en plus floues entre l’éthique et l’équitable, au point qu’il faudrait à présent utiliser le terme d’éthiquable! Par exemple, les organisations de commerce équitable, telles Alter Eco et Max Havelaar disposent de label équitable dans la grande distribution. Cette dernière travaille aussi à présent avec des transnationales (Nestlé, Dagris, Malongo...). Concernant, le commerce équitable, nous en présenterons un rapide historique, puis les divergences politiques de nature libérale ou sociale au sein des acteurs. Enfin, 1 Précisons en préambule, que lorsque nous parlerons du commerce éthique il s’agira essentiellement des codes de conduite visant à réguler les pratiques sociales et environnementales des multinationales. Il ne s’agira donc pas de la gestion des fonds éthiques et des organismes de notation qui sont un autre volet du commerce éthique. Le développement des fonds et des dispositifs de notation s'avère plus rapide que celui des codes de conduite, alors que celui-ci semble encore moins fiables. Gouvernance Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011, http://ethique-economique.net/ 139 nous aborderons les limites et les conflits, de la régulation privée en matière de vérification et de normalisation. 1. HISTOIRE POLITIQUE DES ONG DU COMMERCE ÉQUITABLE Nous pouvons relever quatre phases durant lesquelles apparaissent quatre types d'ONG du commerce équitable. Les ONG tiers-mondistes : caritatives et parfois marxistes La première époque est celle de l’après guerre et de la décolonisation (1945-1960). “C’est aux Etats-Unis que se développe l’idée de contribution au développement des pays sous-développés” (Houtard, 2000 : 10). En Europe et aux Etats-Unis, il s’agit surtout d’associations catholiques de bienfaisance dont le souci est d’agir de manière altruiste. Ces organisations restent souvent d’inspiration relativement paternaliste. Dans cette lignée et durant cette période aux Etats-Unis, les associations chrétiennes anabaptistes-mennonites SERRV International (Sales Exchange for Refugee Rehabilitation Vocation) et Ten Thousand Villages peuvent être considérées comme les premières associations de commerce équitable (Pedregal, 2006). Le mouvement tiers-mondiste apparaît au milieu des années 50. Si ces associations s’enracinent dans une conception chrétienne, elles s’appuient souvent sur les théories marxistes pour mener ces luttes, comme ce fut le cas de la théologie de la libération. En Europe, l’association catholique Kerkrade est fondée en 1957, aux Pays-Bas, en vue d’importer des produits du tiers-monde. Le commerce équitable et les ONG revendicatives plus marxistes et politiques La seconde période, celle du “sous-développement et de la guerre froide” peut-être située entre 1960 et 1975. Les ONG tiers-mondistes, s’appuyant sur les analyses marxistes, dénoncent aussi les termes de l’échange inégal dans le commerce. Le commerce solidaire doit devenir équitable. En 1964, la conférence de la CNUCED à Genève lance le slogan du commerce équitable, “trade not aid” (du commerce pas de l’aide ou de la charité), (Pedregal, 2006). Il s’agit de privilégier une approche coopérative d’équité à une approche caritative. En 1969, le premier magasin Artisans du Monde ouvre ses portes en Hollande, puis c’est au tour de la France en 1974. Mais le label du commerce équitable, Max Havelaar ne sera créé, qu’en 1988, en Hollande. La fédération Artisans du Monde (membre du collectif ESE), est issue du courant tiers-mondiste. Elle est à la fois d’inspiration catholique (caritative) et marxiste (Pedregal, 2006). L’association Max Havelaar est aussi d’origine chrétienne, mais par contre n’est pas marxiste et suit une approche plus réformiste du capitalisme. Gouvernance Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011, http://ethique-economique.net/ 140 En 1970, suite à une longue campagne “Nestlé tue les bébés”, l’ONG suisse intitulée, “La déclaration de Berne” (qui est membre de la Clean Clothes Européenne Suisse actuellement) parvient à faire adopter un code de conduite à l’entreprise transnationale Nestlé. Les ONG humanitaires et les ONG du commerce éthique La troisième période débute, avec la fin de la guerre froide, à partir des années 1975. Elle permet la diffusion rapide du modèle néo-libéral et des plans d’ajustement structurel (PAS) (Cornia G.A & Al, 1987). C’est durant cette période qu’est créée la première ONG humanitaire, “Médecins sans frontières”. Les conditions politiques internationales, la “structure des opportunités politiques” (Tarrow, 1989) n’étant pas favorables à la mise en oeuvre d’une clause sociale, des ONG et des syndicats se sont rassemblés depuis le début des années 1990. En 1992, des ONG Etats-uniennes feront adopter par l’entreprise Levi Strauss, le premier code de conduite du textile. Le premier code de conduite européen est créé par la CCC européenne. En France, en 1995, se lance le collectif “Libère tes fringues” qui change ensuite de dénomination, pour prendre celui de “L’éthique sur l’étiquette”, en 1997. Les membres de la CCC européenne souhaitent développer des codes de conduite et des labels sociaux, afin de tenter de contraindre les ETN à respecter ces normes. Ces nouveaux répertoires d’actions relèvent du registre “proactif” (réclamer des droits n’ayant jamais existé) (Tilly, 1986). Les différentes campagnes qu’ils initient leur servent d’arènes non institutionnelles (Hilgartner, Bosk, 1988 : 53-78) en direction de l’opinion publique, des ETN et des pouvoirs publics. Les ONG militant pour la décroissance et le commerce équitable Une quatrième période, celle de l’économie “alternative” ou “post-capitaliste”, émerge actuellement, mais provient également des années 60, avec les courants anti- développementalistes (Latouche, 1986). Ces derniers sont issus du tiers-mondisme marxiste et vont ensuite converger, avec les courants écologistes, autour du mouvement pour la “décroissance” (Latouche, 2004), c'est-à-dire un mouvement pour une économie anti ou alter-capitalisme. Ce mouvement pour la décroissance naît dans le milieu des années 90, mais ne prend une véritable ampleur qu’au début des années 2000. L’association Minga tente à présent de développer un commerce équitable qui intègre les impératifs de la décroissance. Gouvernance Éthique et économique/Ethics and Economics, 8 (2), 2011, http://ethique-economique.net/ 141 2. LES ORIENTATIONS POLITIQUES OPPOSÉES AU SEIN DU COMMERCE ÉQUITABLE A partir de cette approche historique, nous pouvons ainsi proposer une typologie des ONG du commerce équitable. Il y a d’une part celles qui s’inscrivent a-1) dans une économie de marché capitaliste fortement régulée par du social et du caritatif et qui sont de nature chrétienne à l’origine (Max Havelaar), a-2) et celles de nature laïque dès l’origine (Alter Eco, Yamana, Step). Il y a d’autre part, les ONG cherchant à développer b-1) une économie alternative (anti ou alter-capitaliste) marxiste et tiers- mondiste (Artisans du Monde à l’origine) ou b-2) une économie fondée sur la décroissance (Minga). Le commerce uploads/Finance/ brug-vin.pdf
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- Publié le Jan 13, 2022
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