CORRESPONDANCE ALCHIMIQUE 1 CORRESPONDANCE ALCHIMIQUE D’Auguste Strindberg à Jo

CORRESPONDANCE ALCHIMIQUE 1 CORRESPONDANCE ALCHIMIQUE D’Auguste Strindberg à Jollivet Castelot AUGUST STRINDBERG August Strindberg, noble et fécond penseur illuminé, vient de mourir dans son pays, la Suède, où il avait enfin trouvé quelque sérénité après une existence douloureuse, âpre et tourmentée. Il avait soixante-trois ans. J’ai connu August Strindberg qui voulut bien me garder sa précieuse amitié jusqu’à ces derniers temps et échanger avec moi une longue correspondance alchimique extrêmement intéressante, dont on va trouver ici la publication presque intégrale. C’est à Paris que j’eus l’honneur d’être reçu par lui, dans une pauvre petite chambre où il habitait alors, en une modeste pension de la rue Orfila. Il avait publié peu de temps auparavant, en 1895, un article sensationnel sur la Chimie unitaire, au Figaro, citant à l’appui de ses théories mon livre récent : La Vie et l’Ame de la Matière. A la suite d’une première lettre, venue d’Autriche, nous étions déjà entrés en relations épistolaires. Je résolus donc de l’aller saluer et de m’entretenir avec lui, de vive voix, au sujet des études qui nous captivaient. Cette première entrevue m’est inoubliable. J’aperçus dans l’ombre à peine trouée de la lueur d’une bougie (c’était un soir d’hiver à 6 heures), un homme vigoureux, très simple, au regard bleuté, doux et craintif, qui contrastait avec la solidité du visage. les yeux mystiques cherchant dans l’Au-delà. Les cheveux drus se levaient en broussaille sur un front énorme ; la moustache hérissée laissait à découvert une bouche charnue, sensuelle, dont les commissures s’abaissaient avec amertume vers le menton volontaire garni d’une « mouche » hirsute. - 1 - CORRESPONDANCE ALCHIMIQUE 2 Nous nous entretînmes, moitié eu allemand, moitié en français, non sans peine, car s’il écrivait,, en somme, admirablement la langue française, il la parlait fort mal. Son accent était rauque, entrecoupé, bizarre, ses manières charmantes, sou attitude pleine de courtoisie raffinée et de prévenances. Assis à sa table de bois blanc couverte de manuscrits et de verres de montre qui lui servaient de capsules, August Strindberg me montra ses derniers essais alchimiques. I1 possédait une ingéniosité rare, et de plus, une foi de voyant. Ses recherches tenaient du raisonnement et de l’intuition, plus encore que de l’expérience. A côté de ses « creusets » d’aventure voisinaient les reliefs d’un humble repas. Connue ameublement : un lit de fer, deux chaises, un fauteuil de paille, un lavabo de soldat, une longue malle de bois noir renfermant, m’apprit-il, quelques vêtements et des manuscrits encore. C’était tout. Le grand homme vivait là, confiné dans l’isolement farouche et la pauvreté, éternel vagabond, perpétuel révolté, inlassable agité, jusqu’à ce qu’un nouveau caprice ou une crise de conscience l’entraînât ailleurs. A partir de cette époque, Strindberg m’écrivit souvent et prêta à nia revue L’Hyperchimie le fidèle con cours de sa collaboration. Il s’occupa beaucoup de la « Société Alchimique de France s dont il fut membre d’honneur et fondateur. Ses articles, ses études, furent nombreux, dans mon périodique, de 1896 à 1899 surtout (1). On y trouvera, au vif, ainsi que dans la Correspondance, la grande originalité de sa pensée, l’ingéniosité de ses théories, l’intuition géniale de ses 1. Voici la liste des principales études d’August Strindberg publiées dans l’Hyperchimie : Hortus Merlini. Lettres sur la Chimie. Sylva Sylvarum (en hors texte, de 1896 à fin 1898). Synthèse d’Or (1896). La Synthèse de l’Iode (1897). Notes et observations sur la Chimie actuelle (1897). Enquête sur l’Hermétisme (réponse, 1897). Le Pain de l’Avenir (1897). Les Dites aurifères de la France (1898). Les Nombres Cosmiques (1898). Rosa Mystica (1902). MM. Hector et Henri Durville, éditeurs. - 2 - CORRESPONDANCE ALCHIMIQUE 3 tentatives synthétiques, concernant l’Or, l’Iode, le Soufre, toute la Chimie unitaire. Esprit universel, ouvert à toutes les idées hardies, tant en science qu’en littérature, cerveau puissant et étonnamment productif, finie inquiète, sensitive et fière, August Strindberg commande le respect et l’admiration. Je ne doute point que, de la quantité de notes, de systèmes, d’hypothèses qu’il a jetés noblement çà et là, dédaigneux de sa personnalité, de sa fortune, la Science future ne retienne une assez considérable part, située aujourd’hui, semble-t-il aux timides, hors de ses frontières, mais en réalité formant un chapitre important de la Vérité simple et si belle, au-dessus de toutes les routines d’Ecoles, des préjugés de Facultés ou do laboratoires. L’Hyperchimie a publié dans ses colonnes les diverses études en lesquelles Strindberg présentait ses découvertes sur la synthèse chimique. Plusieurs lettres do sa correspondance m’apportèrent, on le verra, le canevas de ces aléatoires. Les procédés étaient simples, d’un résultat discutable, mais peut-être partiellement réel. Il assurait fabriquer de l’or, en quantités très minimes d’ailleurs, avec le sulfate de fer comme point de départ. Son fameux Livre d’Or, qu’il eut l’amabilité de me donner, renferme un nombre respectable d’échantillons sur papier ; malheureusement ces couches superficielles demeurent impropres à l’analyse probante. Quoi qu’il en soit, Strindberg eut de lumineux aperçus sur la genèse des corps chimiques, leurs filiations et leurs transmutations. Dans deux ouvrages fort intéressants, il consigna d’ailleurs sa philosophie chimique : Les Lettres sur la Chimie, publiées dans l’Hyperchinuie en 1897, sous le titre principal de Hortus Merlini, contiennent le fond même de la véritable Alchimie. Et Sylva Sylvarum, paraissant à la suite, révèle à la fois le mystique, l’homme de science et le poète également supérieurs que fut August Strindberg. Etrange et visionnaire petit livre que Sylva Sylvarum l - 3 - CORRESPONDANCE ALCHIMIQUE 4 L’Introduction à une Chimie Unitaire, éditée en 1895 et Antibarbarus, reposent sur les combinaisons numériques voisines de celles enseignées par l’Hermétisme. Strindberg pressent les lois des nombres vivants, il côtoie la méthode pythagoricienne sans parvenir encore à soulever le voile d’Isis… Profonde douleur à laquelle il fait allusion dans une des lettres qu’il m’adressa. Après être devenu profondément swédeuborgien, d’athée qu’il fut longtemps, puis d’occultiste, Strindberg finit par abandonner tout occultisme et tout ésotérisme, poursuivi par d’autres ardentes pensées. Il ne s’occupa plus même d’alchimie, ni de chimie, depuis 1902 environ. Il se consacra au théâtre à nouveau, écrivant des drames historiques, réveillant l’esprit suédois qui reconnut enfin en lui un génie national et proclama sa gloire. Le mysticisme de son esprit fougueux et torturé s’accentua de jour en jour, se rapprochant de l’idéal chrétien et l’on dit que Strindberg mourut, rongé par le cancer — étrange symbolisme — serrant une Bible contre sa poitrine et s’écriant : « Rien n’est personnel ». Il m’est doux de pouvoir adresser ici, à sa mémoire impérissable, le témoignage de ma profonde et respectueuse affection, de lui consacrer ces quelques ligues, hélas, trop imparfaites et hâtives, et d’admirer en lui, à la fois le pur, le robuste écrivain et le sagace Philosophe de la Nature. JOLLIVET CASTELOT, juin 1912. - 4 - CORRESPONDANCE ALCHIMIQUE 5 Bréviaire Alchimique Lettres d’August Strindberg à Jollivet Castelot Monsieur, Je viens de lire votre livre (1) et je suis stupéfait ; en même temps je me sens réconforté, en voyant que je ne suis pas seul dans cette folie, qui m’a coûté mon bonheur de famille, ma bienséance, tout ! Mais je ne sais pas si vous avez su lire la traduction allemande de mon ouvrage, — je suis un Suédois (Scandinave) ce qui m’amène à vous écrire ces quelques lignes, touchant le point principal. Je crois que vous travaillez avec trop de prodigalité de forces dans vos transmutations. Voyons ce que je me suis dit. Exister pour une matière n’est qu’exister dans un moment donné, sous une température donnée, sous une pression donnée. Donc, le plomb, poids atomique 207, peut très bien s’atténuer à 200 par la chaleur de sorte que le plomb fondu soit du mercure, = 200 et à une température encore plus haute 107 = argent. Preuve : je fonds du plomb, y jette du soufre et en un moment j’y vois du cinabre. Le creuset devenu froid, il y est sulfure de plomb. J’ai acheté du plomb ordinaire ; je fonds et je verse le plomb fondu dans acide nitrique bouillant. A l’analyse je trouve des traces d’argent. Donc le plomb fondant, étant argent s’allie avec l’acide nitrique au moment donné. Je connais fort bien que tout plomb « contient » un peu d’argent, et que presque tout l’argent est tiré du minerai de plomb, mais je suis persuadé que le plomb devient transmué en argent, et que l’on « fait » de l’argent chaque fois que l’on le tire du minerai de plomb. 1. La Vie et l’Ame de la Matière, par Jollivet Castelot, paru en 1894. Prix : 3 fr. 50. MM. Hector et Henri Durville, Editeurs, 23, rue Saint-Merri, Paris. - 5 - CORRESPONDANCE ALCHIMIQUE 6 De même que pour faire de l’Or. Vous, savez Monsieur que l’on a « tiré » tout son Or du minerai Sulfure de Fer, avant que les mines d’Australie et Californie ont été découvertes. Je crois bien, puisque le poids atomique de l’Or est = 197. le poids moléculaire de Fe2S = 197. Donc on a fait de l’Or toujours! Et j’ai uploads/Finance/ cartes-alquimiques-strindberg.pdf

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  • Publié le Mar 20, 2022
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
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