6. LE SYSTÈME FRANÇAIS DE CONTRÔLE BANCAIRE - INTERVENTION DE JEAN-LOUIS FORT,
6. LE SYSTÈME FRANÇAIS DE CONTRÔLE BANCAIRE - INTERVENTION DE JEAN-LOUIS FORT, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA COMMISSION BANCAIRE, À L’AFB LE 30 JUIN 1997 L’activité bancaire concentre des risques dont l’impact, outre la possible défaillance des établissements bancaires eux-mêmes, peut déborder sur les autres acteurs de l’économie : – elle peut mettre en cause la sécurité de la clientèle (déposants et emprunteurs) ; – elle peut aussi affecter la stabilité de l’ensemble du secteur financier et, par conséquent, le financement de l’économie (risque systémique). Face à ces risques, les pouvoirs publics des pays dotés d’un système bancaire organisé soumettent les établissements de crédit à un corpus de règles spécifiques (dites « prudentielles ») et chargent un organisme de surveiller l’application desdites règles et, plus généralement, de veiller à la bonne santé du secteur bancaire. Si dans tous les pays occidentaux les objectifs poursuivis en termes de surveillance bancaire sont très proches, le cadre institutionnel et l’organisation du contrôle peuvent différer considérablement. Comment le contrôle bancaire est-il organisé en France ? C’est la première question à laquelle je m’attacherai à répondre. Au cours de la dernière décennie, les systèmes bancaires des pays développés et le système bancaire français en particulier ont connu une vague de réforme sans précédent : la déréglementation et l’internationalisation du secteur financier et bancaire dans son ensemble ont radicalement modifié les conditions d’exploitation des établissements de crédit. La conjoncture économique défavorable de la période récente s’est ajoutée à cette évolution pour renforcer les risques auxquels sont, par nature, soumis ces établissements. BULLETIN DE LA COMMISSION BANCAIRE N° 17 – NOVEMBRE 1997 49 Dans ce cadre, l’autorité de contrôle doit adapter et renforcer tout à la fois les règles de prudence applicables aux établissements de crédit, mais aussi ses propres méthodes de contrôle. Comment la Commission bancaire relève-t-elle ce défi ? Ce sera là l’objet de la deuxième partie de mon exposé. 6.1. LE CONTRÔLE BANCAIRE : ORGANISATION, CHAMP D’ACTION ET MODALITÉS 6.1.1. L’organisation institutionnelle du contrôle bancaire : la Commission bancaire est un collège indépendant dont le secrétariat général est adossé à la Banque de France Selon les pays, plusieurs types d’institutions peuvent être amenées à intervenir dans la fonction de contrôle bancaire : – la Banque centrale, – le ministère des Finances, – ou encore une institution indépendante. Concernant les pays de l’Union européenne, à l’exception de l’Autriche où il est effectué par le ministère des Finances, le contrôle bancaire est assuré ou bien directement par la banque centrale (c’est le cas aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Irlande, en Italie, en Espagne, au Portugal ou en Grèce) ou bien par un organisme indépendant (c’est la solution retenue en Allemagne, en Belgique et dans les pays scandinaves). La France a, pour sa part, opté pour un système original qui assure à la fois l’indépendance de l’organe de contrôle et l’adossement de son secrétariat général à la Banque centrale. La loi bancaire de 1984 a confié le contrôle des établissements de crédit à la Commission bancaire, qui s’est ainsi substituée à l’ancienne Commission de contrôle des banques mise en place en 1941. Néanmoins, les fondements de l’organisation n’ont pas été bouleversés en 1984 et, de fait, la surveillance des établissements de crédit repose en France depuis plus de cinquante ans sur une commission indépendante, service de l’État, sans personnalité juridique formelle ni patrimoine propre, mais qui assure une fonction juridictionnelle. La Commission bancaire est un collège de six membres : le gouverneur de la Banque de France, ou son représentant, qui en est le président ; le directeur du Trésor, ou son représentant ; ainsi que quatre autres membres nommés pour six ans par le ministre chargé de l’Économie, des Finances et de l’Industrie : un conseiller d’État, un conseiller à la Cour de Cassation, donc des magistrats représentant les deux plus hautes juridictions du pays, deux membres choisis en raison de leur compétence bancaire et financière, traditionnellement issus pour l’un d’entre eux d’une grande banque commerciale et pour l’autre de la Banque de France. En cas de partage des voix, la voix du président est prépondérante. La Commission bancaire, qui se réunit toutes les deux à trois semaines, se voit confié par la loi bancaire un triple mandat : – elle est chargée de contrôler le respect, par les établissements de crédit, des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés ; – elle examine les conditions de l’exploitation de ces établissements et veille à la qualité de leur situation financière ; – elle s’assure également du respect des règles de bonne conduite de la profession. Ainsi, le rôle de la Commission bancaire s’étend bien au-delà du simple contrôle du respect, par les établissements de crédit, des normes prudentielles. La Commission bancaire dispose d’un secrétariat général auquel elle donne des instructions pour effectuer le contrôle des établissements. De manière générale, ce secrétariat prépare et met en œuvre les directives et les décisions de la Commission. La Banque de France met à la disposition de celui-ci, dans des conditions fixées par convention, des agents et des moyens. Ainsi, la très grande majorité de son personnel est issue de la Banque de France, même si le secrétariat général de la Commission bancaire peut faire appel à toute personne compétente dans le cadre de conventions qu’il passe à cet effet. Cette proximité avec la banque centrale assure l’homogénéité BULLETIN DE LA COMMISSION BANCAIRE N° 17 – NOVEMBRE 1997 50 nécessaire au bon exercice du contrôle (au sens large), qui s’exerce selon trois modalités qui structurent l’organisation du secrétariat général : – le contrôle permanent ou « sur pièces » assure la surveillance individuelle ou « micro-prudentielle » des établissements de crédit et des entreprises d’investissement : il s’appuie sur l’examen des documents comptables et prudentiels des établissements de crédit ainsi que sur des contacts suivis avec les responsables de ces établissements : plus de 5 000 entretiens par an avec les établissements et plus de 6 000 correspondances sur leur situation individuelle ; – la surveillance « macro-prudentielle » recouvre plusieurs aspects : affaires juridiques, affaires européennes et internationales, analyse bancaire, questions comptables, informatique. Parmi les objectifs principaux de cette surveillance figurent la participation à l’élaboration de la réglementation bancaire au niveaux national et international ainsi que l’analyse du système bancaire pris dans son ensemble, qui doit en particulier permettre d’anticiper les risques potentiels du secteur bancaire ; – le contrôle sur place, exercé par les inspecteurs de la Banque de France, est fondé sur l’inspection directe dans les établissements. Il peut consister aussi bien en des missions traditionnelles d’examen complet des activités d’un établissement, qu’en des missions thématiques « transversales », couvrant l’ensemble de la population bancaire, ou surtout en des missions d’alerte ciblées. Plus de 200 missions (220 en 1996) sont ainsi menées chaque année. Ces trois activités se renforcent et s’enrichissent mutuellement. Les trois directions qui en ont la charge représentent un personnel d’environ 450 personnes. Le système que je viens de vous décrire a pris sa configuration actuelle en 1993, lors de la réforme du statut de la Banque de France établissant son indépendance. Le législateur a, en effet, considéré comme bénéfique la combinaison d’une commission indépendante et d’un secrétariat général mis à disposition par la banque centrale, qui assure ainsi, conformément à la tradition française en matière juridictionnelle, la séparation de l’instruction et de la décision. Ce système de contrôle s’inscrit dans une organisation plus générale de la réglementation et de la surveillance bancaire en France. En effet, le cadre institutionnel établi par la loi bancaire est bâti sur une rigoureuse séparation des fonctions et des organes. L’originalité française, à cet égard, tient encore, tout à la fois, à la séparation des trois fonctions de réglementation, d’agrément et de contrôle et à leur dévolution officielle à des entités juridiquement distinctes des services de la banque centrale tout comme du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. En contrepartie, le système français organise la concertation entre le ministère et la banque centrale : dans ces trois entités siègent à la fois le gouverneur de la Banque de France et le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie ou son représentant (le directeur du Trésor). Le Comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF), dont le nom indique la fonction, est un organe collégial de sept membres, présidé par le ministre ou son représentant. En revanche, l’organe responsable des agréments (création d’un établissement et modification significative de ses caractéristiques fondamentales, notamment, de son actionnariat majoritaire), c’est- à-dire le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) est, à l’instar de la Commission bancaire, présidé par le gouverneur de la Banque de France. La Commission bancaire et son secrétariat général apportent leur assistance technique au CRBF et au CECEI. En outre, ils apportent des clarifications ou des précisions aux réglementations prudentielles, afin d’en assurer la compréhension et l’application par les établissements de crédit. Politiquement indépendants, les trois comités mentionnés précédemment sont également indépendants les uns des autres. Cependant, uploads/Finance/ cb-bul-17-etu-06.pdf
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- Publié le Jul 21, 2021
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