LE RÔLE DE L'INCERTITUDE DANS LA THÉORIE DU CHÔMAGE DE KEYNES Nicolas Piluso L'

LE RÔLE DE L'INCERTITUDE DANS LA THÉORIE DU CHÔMAGE DE KEYNES Nicolas Piluso L'Harmattan | « Cahiers d'économie Politique » 2007/1 n° 52 | pages 105 à 114 ISSN 0154-8344 ISBN 9782296036765 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-1-2007-1-page-105.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan. © L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Le concept d'incertitude n'a aucun rôle dans le modèle de Keynes issu de la synthèse néoclassique : ce dernier débouche sur un résultat de chômage involontaire par la violation de la loi de Walras. La section 1 montre l'écart en- tre les résultats de Glustoff et la théorie de Keynes. Elle concerne la question de la flexibilité du salaire. La section 2 explique cet écart par l'intervention de l'incertitude dans l'analyse keynésienne. Abstract: The role of uncertainty in the unemployment theory of Keynes This paper aims at analysing the role of uncertainty in Keynes theory of involuntary unem- ployment. This concept has no role in the model of Keynes resulting from the neoclassic synthesis: a result of unvoluntary unemployment equilibrium is obtained as to the violation of Walras law. Section 1 shows the gap between Keynes analysis of unemployment and Glustoff's model. It concerns the question of wage flexibility. Section 2 tries to underline that uncertainty has actually a role in the relationship between wage and employment. Classification JEL : B22, E12, E24 Introduction Nombreux sont les économistes se réclamant d'une approche keynésienne "ra- dicale" qui considèrent que l'incertitude est le concept central de la Théorie géné- rale ainsi que des articles qui lui sont postérieurs. Se sont-ils pourtant interrogés réellement sur le rôle que peut jouer ce concept dans l'économie de Keynes, ou plus précisément, sur le résultat théorique qu'il a permis d'obtenir ? Après analyse, la ré- ponse n'est pas forcément évidente. L'approche post-keynésienne ne possède pas à son actif de démonstration de la condition d'existence du chômage involontaire d'équilibre. Or, si l'on suit le raison- 1. Docteur à l'Université de Paris X Nanterre, ATER, 205 vieux chemin de Fabrègas, 83500 La Seyne Sur Mer, Tél. : 04 94 87 37 94, e-mail: nicolas.piluso@neuf.fr. © L'Harmattan | Téléchargé le 03/06/2021 sur www.cairn.info par Azdine Aznag (IP: 196.117.3.90) © L'Harmattan | Téléchargé le 03/06/2021 sur www.cairn.info par Azdine Aznag (IP: 196.117.3.90) Nicolas Piluso 106 nement de J. Cartelier (1996), lui-même étayé par le modèle de Glustoff (1958), l'incertitude ne permet d'exhiber aucun résultat de chômage involontaire d'équilibre tant que n'a pas été rejeté en amont le "second postulat classique". Elle est absente de la démonstration d'existence d'équilibres de chômage involontaire de Glustoff (1968). Cette dernière ne tient en effet qu'à l'existence d'une asymétrie entre entre- preneurs et salariés. Pourtant, force est de reconnaître que l'insistance de Keynes sur ce concept d'incertitude est bien réelle ; ne dit-il pas effet que ce qui le sépare fondamentale- ment de la théorie "classique" est la reconnaissance de ce que le futur n'est pas pro- babilisable ? Comprendre un tel paradoxe nécessite de pousser plus loin l'analyse et de rechercher les éléments de la théorie du chômage involontaire qui font appel au concept d'incertitude. Le but de Keynes dans la Théorie générale est de montrer que le capitalisme engendre du chômage de manière chronique, alors même que la structure de l'éco- nomie est parfaitement concurrentielle (prix et salaire flexibles). Or, comme le sou- ligne J. Cartelier (2000), il demeure un écart entre le résultat de Glustoff et la conjecture de Keynes, concernant précisément l'hypothèse de flexibilité des salaires. Cet écart est le symptôme de ce qu'il manque à la construction du premier une ca- ractéristique incontournable de l'économie de Keynes : l'incertitude. Dans le cadre de la théorie keynésienne, il s'avère que la démonstration de l'inefficacité d'une baisse du salaire sur le volume d'emploi appelle l'hypothèse d'incertitude radicale. Nous expliquerons ainsi dans un premier temps l'écart entre les résultats de Glustoff et Keynes, pour ensuite fournir une nouvelle interprétation du rôle de l'in- certitude dans la théorie du chômage involontaire. 1. La relation salaire/emploi chez Glustoff et Keynes Dans le modèle de Glustoff (1968) et de J. Cartelier (1995), le taux de salaire monétaire a une borne inférieure. Les équilibres de chômage involontaire sont ren- dus possibles dans la mesure où l'hypothèse d'asymétrie entre entrepreneurs et sala- riés, prenant la forme du rejet du "second postulat classique", aboutit à exclure le marché du travail de la loi de Walras. L'existence d'un chômage involontaire sur le marché du travail n'induit en aucun cas un déséquilibre symétrique sur les autres marchés, impulsant un processus d'ajustement. Si le taux de salaire réel est tel qu'il n'assure pas l'équilibre du marché du travail, le niveau des prix sur les autres mar- chés n'a aucune raison de se modifier, puisque du fait de la loi de Walras restreinte, ils sont en équilibre. C'est ce résultat, précisément, qui est inconcevable dans le ca- dre du schéma walrassien standard. Cependant, rien n'empêche a priori de penser que le déséquilibre du marché du travail puisse se résorber par un ajustement du salaire nominal. La fixité supposée © L'Harmattan | Téléchargé le 03/06/2021 sur www.cairn.info par Azdine Aznag (IP: 196.117.3.90) © L'Harmattan | Téléchargé le 03/06/2021 sur www.cairn.info par Azdine Aznag (IP: 196.117.3.90) Le rôle de l'incertitude dans la théorie du chômage de Keynes 107 du salaire s'y oppose. Dans un modèle d'équilibre général standard, cette dernière ne produit aucun type de déséquilibre puisque l'ajustement peut se réaliser par le ni- veau du prix des biens. Or ici, compte-tenu de la loi de Walras restreinte, la rigidité du salaire a pour effet de bloquer la résorption du chômage involontaire, quand bien même ce dernier n'est imputable qu'à la désactivation de la fonction d'offre de tra- vail2. Le lien salaire/emploi chez Keynes est sensiblement différent puisque l'auteur de la Théorie générale affirme qu'il n'y a rien à espérer, en général, d'une baisse du taux de salaire pour le niveau d'emploi. Il coule de source qu'une telle variation de salaire, à compter du moment où elle laisse la demande effective inchangée, n'est pas susceptible de résorber le chômage comme l'entrevoit le modèle de Glustoff. "Or, cette hypothèse conduit à un escamotage du problème (…). La question à ré- soudre est précisément de savoir si la réduction des salaires nominaux laissera subsister ou non une demande effective globale qui, mesurée en monnaie, sera égale à la demande antérieure ou n'aura pas, du moins, subi une réduction pleine- ment proportionnelle à celle des salaires nominaux" (Keynes 1936, p. 265). Keynes examine les effets potentiels d'une baisse du taux de salaire nominal sur le niveau d'emploi, en analysant ses conséquences directes sur les déterminants de la demande effective, à savoir la propension à consommer, la courbe de préfé- rence pour la liquidité et celle de l'efficacité marginale du capital. En ce qui concerne l'effet de la variation de salaire sur le multiplicateur nous dit Keynes, "on ne peut que le conjecturer" (1936, p. 268). La baisse du salaire en- traînant une baisse des prix, des transferts dans la répartition des revenus s'opèrent entre les salariés et les autres facteurs de production, mais aussi entre les entrepre- neurs et les rentiers. Ces derniers sont susceptibles de modifier la propension à consommer de la communauté, qui est une moyenne des différentes propensions des classes sociales constitutives de la société, dans le sens de la baisse. Sur le marché de la monnaie, la baisse des prix consécutive à celle du taux de salaire augmente l'offre réelle de monnaie. Il en résulte une baisse du taux d'intérêt, qui est de nature à stimuler l'investissement, la production et donc l'emploi. Pour annuler cet effet, il faut supposer soit une demande de monnaie infiniment élastique (cas de la trappe à liquidité), de sorte qu'il n'y ait pas baisse du taux d'intérêt, soit l'inélasticité de l'investissement par rapport au taux d'intérêt3. Dans de telles confi- 2. Nous entendons par désactivation de l'offre de travail la substitution, dans la contrainte budgétaire du consommateur, de la demande de travail des firmes à l'offre de travail des ménages. Cela uploads/Finance/ cep-052-0105.pdf

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  • Publié le Mar 23, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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