Gérard Marie Henry Les hedge funds © Groupe Eyrolles, 2008 ISBN : 978-2-212-540
Gérard Marie Henry Les hedge funds © Groupe Eyrolles, 2008 ISBN : 978-2-212-54005-5 © Groupe Eyrolles Chapitre 1 Qu’est-ce qu’un hedge fund ? Beaucoup de gens ont gardé la mentalité des physiocrates du XVIIIe siècle. Ils considèrent inconsciemment que seule l’industrie est une chose sérieuse et que la finance n’est qu’une activité parasite. Bernard Oppetit, président de Centaurus Capital. expression hedge fund est appliquée pour la première fois en 1956 à un fonds d’investissement que gère Alfred Winslow Jones depuis 19491. Le fonds d’investissement de Jones n’est pas ouvert au public et il combine de façon originale des positions d’achat et de vente de titres pour « couvrir » (hedge) l’exposition de son portefeuille aux évolutions du marché. Depuis la fin des années 1960, les hedge funds ne se caractérisent plus par une stratégie d’investissement aussi spécifique que celle de Jones et, le plus souvent, ils ne se « couvrent » pas au sens éco- nomique du terme. Les hedge funds utilisent en fait des techni- ques de gestion de plus en plus diversifiées – qu’on regroupe sous le terme de « gestion alternative » – qui leur permettent de spécu- ler, au sens premier du terme, sur l’évolution future des marchés les plus divers2. La stratégie initiale de Jones est baptisée long/short equity hedge. Le fonds de Jones se livre également à des « opérations d’arbitrage » en combinant des transactions d’achat et de vente réalisées simul- tanément pour chercher à profiter d’une disparité de prix entre deux actifs fortement liés. La revue Banque donnait en 1963 cette définition : « Arbitrage comptant contre terme : achat de titres au comptant puis vente à terme ou achat de titres à terme puis vente au comptant quand, pour la même valeur et à la même séance de Bourse, les 1. Voir chapitre 3. 2. Cf. Annexes. L’ 16 Les hedge funds © Groupe Eyrolles cours du comptant sont différents de ceux du terme. » C’est pour cette raison que le terme hedge fund est parfois traduit par « fonds d’arbitrage ». Les multiples définitions La définition de l’Autorité des marchés financiers (AMF) On devrait évidemment commencer toute discussion sur un sujet en s’accordant sur le contenu même de celui-ci. Ce truisme s’applique parfaitement à une discussion des hedge funds parce que la définition des hedge funds est quand même loin d’être claire. Selon l’Organisation internationale des commissions de valeur (OICV), aucune des vingt grandes places mondiales en matière de gestion d’actifs n’a adopté de définition légale précise et formelle du terme hedge fund. En plus de son origine anglo-saxonne, le concept que nous allons étudier suscite certains préjugés « dans notre pays particulièrement rétif à intégrer culturellement la nouvelle donne d’un capitalisme financier de plus en plus désintermédié »1. On s’accorde cependant aux États-Unis et en Europe pour attri- buer aux hedge funds les caractéristiques communes suivantes : – ce sont des organismes de placement collectif (collective invest- ment schemes) qui ne subissent pas les restrictions généralement appliquées aux fonds d’investissement grand public, notam- ment en matière de diversification et de négociabilité des 1. La désintermédiation traduit le passage d’une économie d’endettement à une économie de marchés financiers. Dans ce cas, une part importante des financements obtenus et des placements réalisés par les entreprises se fait directement sur les marchés financiers, sans passer par l’écran d’un inter- médiaire financier dont le rôle se réduit d’un emprunteur/prêteur à celui d’un placeur des titres sur le marché financier. www.banque-france.fr/fr/publications/telechar/rsf/2007/etud4_0407.pdf Qu’est-ce qu’un hedge fund ? 17 © Groupe Eyrolles actifs financiers. Ils ont donc la possibilité d’acquérir des actifs illiquides et/ou complexes ; – ils peuvent faire une utilisation illimitée des produits dérivés (derivatives)1 ; – ils peuvent pratiquer des ventes à découvert ; – ils utilisent les effets de levier (leverage)2 grâce aux financements qu’ils obtiennent de leurs courtiers (prime broker dealers) ; – ils appliquent des politiques de rémunération des gérants liées à la performance – frais de gestion : 2 % des actifs sous gestion, honoraires : 20 % de l’augmentation de ces actifs –, ce qui constitue une motivation puissante pour prendre des risques de marché importants ; – ils recherchent des opportunités d’investissement dans toutes les directions, non seulement sur les marchés finan- ciers traditionnels (actions et obligations) et leurs dérivés, mais aussi sur les matières premières (commodities), et des opportunités d’investissement plus « ésotériques » : obliga- tions « catastrophiques »3, œuvres d’art, financement d’œuvres cinématographiques et toutes sortes d’investisse- ments inhabituels ; – ils choisissent le plus souvent de réduire la liquidité qu’ils offrent à leurs actionnaires : les investisseurs ne peuvent récupérer leur mise qu’à certaines dates précises, les parts étant bloquées pendant des durées minimales (lock-up period) spécifiques à chaque fonds. 1. Voir chapitre 4. 2. Les fonds utilisent « l’effet de levier », c’est-à-dire, en termes simples, qu’ils font travailler l’argent des autres. Pour un investisseur, l’effet de levier (leve- rage) consiste à faire passer le taux de rendement (qu’il soit positif ou néga- tif) d’une position qu’il a prise ou d’un investissement qu’il détient au- dessus du taux qu’il obtiendrait par un investissement direct de ses fonds propres sur le marché. On mesure cet effet de levier par le rapport entre les actifs gérés (assets) et le capital détenu (equity). Voir chapitre 4. 3. Voir chapitre 4. 18 Les hedge funds © Groupe Eyrolles Les hedge funds et la gestion « traditionnelle » Callum McCarthy, président de la Financial Services Authority (FSA), souligne que les banques, les compagnies d’assurances et les sociétés financières utilisent également les produits dérivés, les ventes à découvert, l’effet de levier ; qu’elles investissent, elles aussi, dans des classes d’actifs inhabituels ; que les politiques de rémunération de certains des fonds qu’elles gèrent ont une struc- ture de commission 2/20 tout à fait semblable à celle des hedge funds indépendants1. Il faut donc souligner que les hedge funds constituent une classe d’actifs mal définie. Il faudrait plutôt dire que ce sont certains gérants qui se font appeler « hedge funds », alors qu’ils utilisent des méthodes d’investissement pratiquées par d’autres gérants qui ne se font pas appeler ainsi ! « J’ai du mal, dit McCarthy, à trouver des activités d’un gérant de hedge fund qui ne seraient pas effectuées par le proprietary trading desk2 d’une grande banque, d’une compagnie d’assurances ou d’un courtier. » Tout le monde sait que le hedge fund qui gère le plus d’actifs au monde est JP Morgan, et que toutes les grandes compagnies d’assurances et les banques d’investissement achètent des hedge funds ou prennent des participations dans les hedge funds, comme l’ont fait AIG et Morgan Stanley dès 2004. Mais on souligne moins qu’en dehors de leurs investissements dans les hedge funds de nombreuses banques, compagnies d’assurances et courtiers se livrent à des activités qu’il est impossible de distinguer de celles réalisées par les hedge funds. Il y a ainsi au Royaume- Uni soixante gérants « mainstream » qui gèrent simultanément des fonds traditionnels et des hedge funds – c’est-à-dire avec les tech- niques évoquées ci-dessus – et qui sont en concurrence avec envi- ron trois cents gérants spécialisés de hedge funds. Il y a donc une convergence accrue entre ce qui était considéré comme deux 1. 2 % de commission de gestion/20 % de commission de performance. 2. Le proprietary trading desk est le département d’une institution financière qui se livre à des opérations de trading pour le compte de cette institution et non pas pour ses clients, ce que fait l’agency trading desk. Comme le proprietary trading desk n’utilise par l’argent du public, il peut se livrer à des opérations qui ne seraient pas autorisées pour l’agency trading desk. Qu’est-ce qu’un hedge fund ? 19 © Groupe Eyrolles activités distinctes : la gestion d’actifs « traditionnelle » d’un côté, et les hedge funds non traditionnels de l’autre. Ce rapprochement donne d’ailleurs à réfléchir à ce que pourrait être une approche réglementaire unique pour les hedge funds1. Classement des hedge funds américains en fonction du montant des actifs sous gestion (en milliards de dollars) Source : Absolute Return, mai 2007. La définition de la Securities and Exchange Commission Hedge fund est le terme général, non légal, qui a été utilisé dès les années 1960 pour décrire un type de fonds d’investissement privé et non enregistré qui employait des techniques sophistiquées de couverture et d’arbitrage pour ses opérations sur les marchés des actions. Les hedge funds ont traditionnellement été réservés à des investisseurs fortunés et avertis. Aujourd’hui, le terme hedge fund fait moins référence aux techniques de couverture (que ces hedge funds peuvent ou non employer) qu’à leur statut juridique de fonds d’investissement privés et non enregistrés. 1. Voir chapitre 5. JP Morgan Asset Management 34,0 Goldman Sachs Asset Management 32,5 Bridgewater Associates 30,2 D.E Shaw Group 26,3 Farallon Capital Management 26,2 Renaissance Technologies Corporation 24,0 Och-Ziff Capital Management 21,0 Cerberus Capital Management 19,2 Barclays Global Investors 18,9 ESL Investments 18,0 20 Les hedge funds © Groupe Eyrolles Les hedge funds ressemblent à uploads/Finance/ chap1-henry 1 .pdf
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- Publié le Jui 20, 2022
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