1 COLLOQUE « LA CRISE : TROIS ANS APRÈS QUELS ENSEIGNEMENTS ? » Université Blai

1 COLLOQUE « LA CRISE : TROIS ANS APRÈS QUELS ENSEIGNEMENTS ? » Université Blaise Pascal IUFM Auvergne Mardi 9 février 2010 Crise financière actuelle : Une tentative d’explication post- keynésienne Asma Amina Boutouizera et Yasmine Khenniche Laboratoire d’Economie et de Gestion / CEMF, Université de Bourgogne 2 Crise financière actuelle : Une tentative d’explication post- keynésienne Asma Amina Boutouizera et Yasmine Khenniche Laboratoire d’Economie et de Gestion / CEMF, Université de Bourgogne INTRODUCTION La crise financière, résultante de celle des subprimes qui a éclaté en août 2007, est loin d’être achevée trois ans plus tard. Cette crise s’est déclenchée avec des "crédits hypothécaires à risque", contractés par les ménages américains aux revenus modestes pour avoir accès à la propriété ; en leur permettant de s'endetter à des taux d'intérêts très bas pour les deux premières années. Ces taux d’intérêt étaient variables car indexés sur le taux directeur de la banque centrale américaine, majoré d’une marge, pour une durée de 27 ou 28 ans. Ces conditions très avantageuses ont alimenté la spéculation sur l'immobilier et accru la demande de crédits ; subitement, suite à la montée des taux d’intérêt, de nombreux américains, qui avaient souscrits ces prêts hypothécaires à risque se sont retrouvés incapables de faire face aux remboursements de leur crédit. En conséquence, au début de juillet 2007, les Etats-Unis enregistrent des chutes record des prix de l’immobilier. Les défauts de paiement sur ces crédits hypothécaires se sont multipliés provoquant ainsi les premières faillites d’établissements bancaires spécialisés (tel que Lehman Brothers le 15 septembre 2009). Le nombre de 3 saisies immobilières a atteint des chiffres alarmants, notamment dans certains Etats comme la Floride et la Californie. Manifestement, nombreux sont les auteurs qui se sont intéressés à l’étude des crises financières (Fisher 1933, Minsky 1982, Boyer 1988, Bellofiore 2008, Aglietta 2009) ; aussi, la question de ce que peuvent être les causes et dans quelles conditions peuvent survenir une crise financière a connu un regain d'intérêt dans les années 90 suite à la série successive de crises qu’ont connu les pays émergents (Asie du Sud-est, Argentine, Brésil, Russie, Turquie) et les pays développés (le Japon notamment). S’inspirant de la vision keynésienne, une approche fut développée par H. Minsky, dans son hypothèse d’instabilité financière (John Maynard Keynes, 1975). Se positionnant dans un climat d'incertitude keynésienne, il explique la crise comme résultant du comportement des agents face à l’endettement. Selon lui : « L'instabilité financière peut se définir comme le processus de variations rapides et brutales des prix d’actifs (aussi bien financier que capital) par rapport aux prix de la production courante » (Minsky, 1982, p.13). Dans ce travail, en se référant au schéma minskien, nous proposons une explication endogène de la crise financière. Il s'agit de s'assurer que l'intuition de Minsky est vérifiée, ceci à partir d'une gamme d'indicateurs tels que l'encours des crédits et l'évolution des taux d'intérêt. Nous montrons ainsi que le boom, dont il est question dans l'hypothèse d'instabilité, s’est manifesté dans le cas des subprimes. Dans la première section nous abordons l’interprétation minskienne de Keynes. La deuxième partie quant à elle est consacrée à l’hypothèse 4 d’instabilité financière. Enfin, dans la troisième partie nous tentons une relecture de la théorie minskienne à travers les faits de la crise des subprimes. L’objectif ici peut apparaitre extrêmement ambitieux, puisqu’il s’agit de transposer le modèle minskien, qui repose sur l’analyse de l’endettement des entreprises sur la crise des subprimes, qui concernait plutôt des ménages. I. UNE INTERPRETATION MINSKIENNE DE KEYNES Il est vrai que Keynes ne s'est pas clairement penché sur la question des crises financières. Cependant, Minsky a tenté dans sa théorie des fluctuations d'utiliser des outils d'analyse keynésiens. C'est en rédigeant son ouvrage de 1975, qu'il va formuler son « hypothèse de fragilité financière ». Il a repris des concepts chers à l'approche keynésienne, tel que l’incertitude, l’état de confiance des banques et le lien entre l'investissement et la structure financière. Il serait alors intéressant de souligner les aspects keynésiens de l’hypothèse de fragilité financière. A. L’incertitude keynésienne Minsky admet que les investisseurs évoluent dans un climat d'incertitude keynésienne. C’est-à-dire que les agents économiques sont contraints de fonder leurs décisions sur des anticipations, d’où l’importance des conventions. Cette conception s'oppose à la thèse orthodoxe des anticipations rationnelles où la prise en compte de l'incertitude prend la forme de risques probabilistes. Il écrit à ce sujet : « La réponse à la principale question de Keynes est que le monde où nous vivons n'est pas le monde « de l'économie 5 classique » ; « c'est un monde incertain parce qu'il y a hier, aujourd'hui, et demain » (Minsky, 1975, p. 57). B. L'état de confiance des banques La thèse de la fragilité financière de Minsky (1985) souligne le rôle décisif de la confiance des banques qui, dans des conditions de tranquillité, consentent largement des crédits et réduisent leurs primes de risque en tolérant des taux d’endettement élevés, de sorte que les bilans des agents tendent progressivement à se fragiliser avec l’aide non négligeable de comportements spéculatifs et du levier d’endettement, ce que l’on retrouve également chez Keynes : « Jusqu'ici nous avons eu surtout en vue l'état de la confiance où se trouve lui-même le spéculateur professionnel ou privé, et peut-être avons-nous paru implicitement supposer que, si personnellement il juge les perspectives favorables, il peut disposer de sommes illimitées au taux de l'intérêt du marché. Tel n'est évidemment pas le cas. Il nous faut donc aussi considérer un autre aspect de l'état de la confiance savoir, le degré de confiance que les institutions de prêt témoignent aux personnes qui cherchent à emprunter ; c'est ce qu'on appelle parfois l'état du crédit. Une chute des actions, qui produit un effet désastreux sur l'efficacité marginale du capital, peut être provoquée par l'affaiblissement ou de la confiance spéculative ou de l'état du crédit. Mais alors que l'affaiblissement d'un seul de ces facteurs suffit à provoquer une dépression, un redressement exige qu’ils soient tous deux restaurés. L'affaiblissement du crédit suffit à amener une crise, mais son renforcement, tout en étant une condition nécessaire de la reprise, n'en est pas une condition suffisante» (Keynes, 1969, p. 172-173). 6 Ce mécanisme liant, les anticipations et la solvabilité des emprunteurs est l'une des idées clé sur laquelle repose la thèse de la fragilité financière. C. La structure financière et l’investissement Héritier de la thèse keynésienne, Minsky a repris le modèle fisherien1 tout en le conciliant avec une économie monétaire de production ; qui repose sur la proposition selon laquelle il n’existe pas de séparation entre les phénomènes réels et les phénomènes monétaires. Une économie monétaire de production est une économie où toutes les grandeurs économiques sont monétaires. Son modèle s’appuie sur une conception endogène de la monnaie qui veut que la création monétaire se fait lors de l’octroi de crédit suite à la demande des entrepreneurs et aussi, sur l'idée que le cycle économique basculerait intrinsèquement d’une situation « stable » à une situation critique : le paradoxe de tranquillité. L'auteur souligne le rôle de la décision d'investissement dans la formation des cycles. Il reprend Keynes et écrit : « En théorie de Keynes, la cause qui s'approche de la nature transitoire de chaque état cyclique est l'instabilité de l'investissement ; mais la cause la plus profonde des cycles conjoncturels, dans une économie capitaliste, avec des institutions financières est l'instabilité des interdépendances financières » (Minsky, 1975, p. 57). Ainsi, il rejette l'idée de la neutralité de la finance telle qu'elle est présentée dans le théorème de Modigliani-Miller (1958). C'est en s'appuyant sur le lien entre l'investissement et la structure financière qu’il s'inspire pour formuler son modèle à deux prix. 1 De Dette-déflation (1933). 7 II. LE MODELE A DEUX PRIX DE MINSKY Dans son ouvrage de 1975, Minsky se place dans une économie où le profit serait déterminé par le niveau de l'investissement. En effet, en s'appuyant sur l’identité kaleckienne П ≡ I2, il développe l'idée que les opportunités de profits vont stimuler le recours à l'endettement pour soutenir les projets d'investissement. Par conséquent, la volatilité de l'investissement, via la volatilité de son financement, serait à l'origine de l'instabilité. A. Définition des deux prix Un investisseur est confronté à deux prix : le prix de demande du capital Pk et le prix d'offre du capital Pi. Minsky écrit : « La caractéristique basique d'une économie capitaliste, (...) est l'existence de deux prix l'un représentant la production courante, l'autre les biens capitaux » (Minsky, 1986, p.175). 1. Le prix de demande des actifs (Pk) Ce prix désigne celui des « actifs de capital » qui pourront être produits par l'entreprise. Il est obtenu par la valeur actualisée3 des profits anticipés que le même actif rapportera au cours de sa conservation ou de son utilisation. Pour reprendre Minsky4: « Le prix Pk de tout bien de capital dépend du rendement escompté des cash flows, par son possesseur et de la liquidité intrinsèque de cet actif. Les cash flows rapportés, dépendront de l'état du marché et de 2 uploads/Finance/ comprendre-l-x27-approche-de-minsky.pdf

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  • Publié le Oct 09, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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