Arthur Conan Doyle 1859-1930 LA DEUXIÈME TACHE Le retour de Sherlock Holmes (dé
Arthur Conan Doyle 1859-1930 LA DEUXIÈME TACHE Le retour de Sherlock Holmes (décembre 1904) Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières La Deuxième Tache.................................................................. 3 Toutes les aventures de Sherlock Holmes ..............................47 À propos de cette édition électronique .................................. 50 - 3 - La Deuxième Tache J’avais d’abord pensé que L’Aventure du Manoir de l’Abbaye serait le dernier récit consacré aux exploits de mon ami M. Sherlock Holmes. Cette résolution ne m’avait pas été inspirée par un manque de matériel : je possède en effet des notes sur plusieurs centaines d’affaires auxquelles je n’ai jamais fait allusion. Je ne l’avais pas prise non plus parce que j’aurais noté de la part du public un affaiblissement de l’intérêt qu’il avait accordé à la singulière personnalité et aux méthodes extraordinaires de cet homme remarquable. Mais M. Holmes manifestait de la répugnance à l’égard d’une publication prolongée de ses expériences. Tant qu’il exerçait, la publicité faite autour de ses succès revêtait pour lui une valeur pratique. Depuis qu’il s’est définitivement retiré, et qu’il se consacre à la science et à l’apiculture, il a pris sa renommée en grippe, et il m’a sommé de ne pas contrarier son désir de silence. Il a fallu que je lui représente que La Deuxième Tache ne serait éditée que lorsque les temps seraient propices, et que je lui démontre à quel point la plus importante affaire internationale qu’il ait jamais prise en - 4 - main serait une conclusion appropriée à cette longue suite d’épisodes. J’ai réussi à arracher son consentement, sous réserve des précautions habituelles. Si par conséquent certains détails de ce récit demeurent un tant soit peu dans le vague, que le lecteur m’excuse : il comprendra vite que ma réserve est dictée par d’excellentes raisons. Ceci se passait donc dans une année, et même dans une décade que je ne préciserai pas. Un mardi matin d’automne, deux visiteurs de réputation européenne se présentèrent dans notre modeste appartement de Baker Street. L’un, austère, au profil altier, avec des yeux d’aigle dominateurs, n’était autre que lord Bellinger, deux fois premier ministre de Grande-Bretagne. Le deuxième, brun, imberbe, élégant, ayant à peine dépassé la quarantaine, doté de toutes les grâces de l’esprit et du corps, était le très honorable Trelawney Hope, secrétaire aux Affaires européennes et le plus prometteur des jeunes hommes d’État anglais. Ils s’assirent côte à côte sur notre canapé encombré de papiers. D’après leurs visages tourmentés, il ne nous fut pas difficile de conjecturer que c’était une affaire de la plus haute importance qui les amenait. Les doigts minces, fins, veinés de bleu du premier ministre se crispaient sur le manche d’ivoire de son parapluie, tandis que sa figure décharnée, ascétique, se tournait lugubrement de Holmes à moi. Le secrétaire aux Affaires européennes tirait nerveusement sur sa moustache ou jouait avec les breloques de sa chaîne de montre. - 5 - – Quand j’ai découvert cette perte, monsieur Holmes, disait- il, c’est-à-dire à huit heures ce matin, j’ai aussitôt informé le premier ministre. Il a suggéré que nous allions ensemble vous voir. – Avez-vous mis la police au courant ? – Non, monsieur ! répondit le premier ministre sur le ton vif, incisif, qui l’avait rendu célèbre. Nous ne l’avons pas fait, et il n’est pas possible que nous le fassions. Mettre la police au courant, c’est, finalement, mettre le public au courant. Voilà justement ce que nous souhaitons particulièrement éviter. –Et pourquoi, monsieur ? – Parce que le document en question est d’une importance si considérable que sa publication provoquerait sans doute, et même probablement, des complications européennes très sérieuses. Il n’est pas excessif de dire que la paix ou la guerre en dépendent. Si on ne le retrouve pas dans le plus grand secret, - 6 - alors peu importe qu’il soit récupéré : car le but de ceux qui l’ont dérobé est de le faire connaître, de le publier. – Je comprends. Maintenant, monsieur Trelawney Hope, je vous serais très obligé si vous vouliez me dire exactement dans quelles conditions ce document a disparu. – Peu de mots suffiront, monsieur Holmes. La lettre (car il s’agit d’une lettre d’un souverain étranger) a été reçue voici six jours. Elle était si importante que je ne la laissais pas la nuit dans le coffre de mon bureau, mais que chaque soir je l’emportais avec moi à mon domicile, à Whitehall Terrace, où je la déposais dans ma chambre dans un coffret fermé à clé. Elle était là la nuit dernière. De cela je suis sûr. Pendant que je m’habillais pour le dîner, j’ai ouvert le coffret et j’ai vu la lettre à l’intérieur. Ce matin, elle n’y était plus. Or toute la nuit le coffret est resté à côté de la glace sur la coiffeuse de ma chambre. J’ai le sommeil léger ; ma femme aussi. Tous deux nous pourrions jurer que personne n’est entré. Et pourtant la lettre a disparu, je vous le répète. – A quelle heure avez-vous dîné ? – A sept heures et demie. – Combien de temps après êtes-vous monté vous reposer ? – Ma femme était allée au théâtre. Je l’ai attendue. Il était onze heures et demie quand nous sommes montés dans notre chambre. – Donc pendant quatre heures le coffret est demeuré sans surveillance ? – Personne n’est autorisé à pénétrer dans notre chambre, sauf la domestique qui nettoie le matin, et mon valet de chambre ou la femme de chambre de ma femme dans le courant de la journée. Ce sont tous des domestiques de confiance qui sont - 7 - depuis longtemps à notre service. En outre, ils ne pouvaient pas supposer que dans mon coffret il y avait quelque chose d’une valeur plus grande que les papiers ordinaires de mon département. – Qui connaissait l’existence de cette lettre ? – Personne chez moi. – Votre femme, certainement, le savait ? – Non, monsieur. Je n’avais rien dit à ma femme avant d’avoir découvert ce matin que le papier manquait. Le premier ministre approuva d’un signe de tête. – Je connais depuis longtemps, monsieur, votre sens élevé du devoir. Je suis convaincu. que dans le cas d’un secret pareil, votre dévouement aux affaires publiques s’est haussé au-dessus des liens les plus intimes. Le secrétaire aux Affaires européennes s’inclina. – Vous ne faites que me rendre justice, monsieur. Avant ce matin je n’avais soufflé mot de l’affaire à ma femme. – N’aurait-elle pas pu deviner ? – Non, monsieur Holmes, elle n’aurait pas pu deviner… Personne n’aurait pu deviner ! – Aviez-vous auparavant perdu un document quelconque ? – Non, monsieur. - 8 - – Qui en Angleterre connaissait l’existence de cette lettre ? – Tous les membres du cabinet en ont été informés hier. Mais la garantie du secret qui entoure les délibérations du cabinet s’est trouvée renforcée par le solennel avertissement qu’a donné le premier ministre. Mon Dieu, quand je pense que quelques heures plus tard je l’avais perdue moi-même ! Un spasme de désespoir contracta son fier visage, et il porta une main crispée à ses cheveux. Pendant un moment nous distinguâmes l’homme au naturel : impulsif, ardent, profondément sensible. Mais le masque aristocratique retomba bientôt, et la voix rassérénée reprit – En dehors des membres du cabinet, il y a deux fonctionnaires de mon département, peut-être trois, qui connaissent l’existence de la lettre. Personne d’autre en Angleterre, monsieur Holmes, je vous l’affirme ! – Mais à l’étranger ? – Je crois que personne à l’étranger ne l’a vue, à l’exception de son auteur. Je suis persuadé que ses ministres… que les moyens habituels de transmission n’ont pas été employés. Holmes réfléchit quelque temps. – Maintenant, monsieur, il faut que je vous demande plus précisément ce qu’est ce document, et pourquoi sa disparition entraînerait des conséquences aussi terribles ? Les deux hommes d’État échangèrent un rapide regard. Les sourcils broussailleux du premier ministre se rejoignirent dans un froncement subit. - 9 - – Monsieur Holmes, l’enveloppe est longue, mince, bleu pâle. Elle est cachetée d’un sceau de cire rouge représentant un lion couché. Elle est adressée à… – Je crains, dit Holmes, que, pour aussi intéressants et même essentiels que soient ces détails, mes questions ne se rapportent davantage au fond des choses. Qu’y avait-il dans la lettre ? – Il s’agit d’un secret d’État excessivement important, et j’ai peur de ne pouvoir vous le communiquer. D’ailleurs je ne vois pas que ce soit nécessaire. Si à l’aide des facultés que, paraît-il, vous possédez, vous pouvez retrouver une enveloppe comme celle que je vous ai décrite, avec son contenu à l’intérieur, vous aurez bien mérité de votre pays et vous aurez gagné toutes les récompenses qu’il nous sera possible de vous offrir. Holmes se leva en souriant. – Vous êtes les deux hommes les plus occupés de ce pays, dit- il. Moi aussi, plus modestement, je dois répondre à beaucoup d’appels urgents. Je regrette de ne pouvoir vous aider dans cette affaire. 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- Publié le Nov 22, 2022
- Catégorie Business / Finance
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