Répertoire de droit commercial Titre 1er - Conception du fonds de commerce 1. L

Répertoire de droit commercial Titre 1er - Conception du fonds de commerce 1. Le fonds de commerce ne fait pas l'objet d'une définition légale (V. déplorant ce constat, D. CHILSTEIN, Le fonds de commerce, in P. LE CANNU [dir.], D'un Code à l'autre : le droit commercial en mouvement, 2008, Bibl. Institut Tunc, LGDJ, p. 305). Texte de base en la matière, la loi du 17 mars 1909 (DP 1909. 4. 41), dans une disposition aujourd'hui codifiée à l'article L. 141-5 du code de commerce, se borne à énumérer les éléments qui entrent dans la composition du fonds de commerce en distinguant les éléments incorporels (clientèle et achalandage, nom commercial, enseigne, droit au bail, droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique) et éléments corporels (matériel ou outillage, marchandises). 2. La commission de réforme du code de commerce qui, de 1948 à 1950 (Travaux de la Commission de réforme du code de commerce, t. 3, p. 328 à 428), avait préparé un avant-projet de loi relatif au fonds de commerce, avait esquissé une définition inspirée des données jurisprudentielles : « Le fonds de commerce est constitué par les biens mobiliers affectés à l'exercice des activités commerciales. Il comprend obligatoirement une clientèle. » Le fonds de commerce est, en effet, essentiellement composé d'une clientèle créée et retenue par les divers autres éléments du fonds. C'est la clientèle qui « constitue le ciment nécessaire entre les autres catégories de biens et qui confère au fonds, à la fois, son originalité juridique et sa valeur économique » (HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET, Traité de droit commercial, t. 2, 1966, Dalloz, no 1010). 3. Cette approche, conforme au droit positif, met en évidence la singularité de la notion française de fonds de commerce. Le fonds de commerce ne se confond pas avec l'entreprise commerciale dont il n'est qu'une composante ; mais il en demeure l'expression juridique la plus proche. Il ne s'identifie pas avec l'entreprise individuelle ou personnelle car de nombreux fonds de commerce appartiennent à des sociétés et certaines en ont plusieurs. Il ne réunit pas l'ensemble des biens mis en œuvre par l'entrepreneur pour le fonctionnement de son entreprise puisque les droits immobiliers, hormis le droit au bail qui n'est d'ailleurs pas considéré comme un droit immobilier, en sont exclus (V. infra, no 83). Il n'englobe, en principe, ni les créances ni les dettes ni les contrats liés à l'exploitation ; ce n'est pas un patrimoine autonome d'affectation (V. infra, nos 50 s., 191 s.). Le fonds de commerce est un bien objet de droit ; il n'est pas un sujet de droit. 4. La singularité du fonds de commerce en droit français a été soulignée par comparaison avec les droits étrangers (sur lesquels, V. R. HOUIN, Fonds de commerce et droit comparé, in Hommage à M. Ancel, 1975, t. 1, p. 131 ; CREDA, L'Entreprise personnelle, t. 1, Expériences européennes, 1978, Litec ; 86e Congrès des notaires de France, JCP N 1990. Prat. 253 ; 88e Congrès des notaires de France, JCP N 1992. Prat. 145. – V. égal. L. CHATAIN-AUTAJON, La notion de fonds en droit privé, préf. P. MOUSSERON, coll. Bibliothèque de droit de l’entreprise, t. 72, 2006, Litec, nos 4 s. ; N. EZRAN- CHARRIÈRE, L'entreprise unipersonnelle dans les pays de l'Union européenne, préf. J. FOYER, coll. Bibliothèque de droit privé, t. 373, 2002, LGDJ, nos 31 s.). Mais il est exagéré de dire que la notion n'y a pas d'équivalent (V. égal. J. MONÉGER, Émergence et évolution de la notion de fonds de commerce, AJDI 2001. 1042 , spéc. la note 5). Sous des noms divers, la plupart des pays connaissent une notion semblable à la nôtre (V. toutefois, J.-B. BLAISE et R. DESGORCES, Droit des affaires, 8e éd., 2015, coll. Manuel, LGDJ, Lextenso éditions, no 442, estimant que l'institution reste « propre au droit français et ne trouve pas d'homologue dans les droits étrangers ». Selon ces auteurs, il existe certes un point commun entre les différentes législations : c'est-à-dire la reconnaissance de ce que la somme des éléments a une valeur économique supérieure à une addition arithmétique desdits éléments pris individuellement. Mais une harmonisation au niveau européen serait peu probable). Elle n'en diffère que par son contenu. Le droit allemand, par exemple, connaît l'expression fonds de commerce (Handelsgeschäft) ; elle serait plus proche de la notion d'entreprise que ne l'est en France le fonds de commerce parce qu'elle inclurait les dettes de l'exploitation qui se transmettent avec la cession du nom (Firma) ; mais les clauses excluant la responsabilité de l'acquéreur pour les dettes contractées par le cédant sont admises et seraient devenues de style. Le droit anglais ignore le fonds de commerce en tant que bien susceptible d'une opération globale ; chaque élément du « business » est traité selon ses règles propres (cette particularité n'est pas complètement ignorée du droit français) ; mais il reconnaît que tout commerçant dispose d'un potentiel d'affaires (goodwill) qui peut faire objet de transactions. Le droit italien accueille le fonds de commerce (azienda) et le définit comme « l'ensemble des biens mis en œuvre par l'entrepreneur pour le fonctionnement de son entreprise » (impresa) ; définition qui pourrait fort bien s'appliquer au fonds de commerce français. Le droit espagnol adopte la même démarche en distinguant l'empresa et l'establecimiento tout en utilisant, notamment au plan comptable, l'expression « fondo de comercio » ; l'establecimiento peut être donné en location et faire l'objet d'une hypothèque mobilière (V. égal. pour un aperçu du droit au Québec, S. ROUSSEAU, Le fonds de commerce, vu sous l'angle du droit comparé, Gaz. Pal. 4 juin 2009, no 155, p. 11). 5. Dans les textes législatifs l'apparition du fonds de commerce est relativement récente. Le code de commerce de 1807, non seulement ne réglementait pas le fonds de commerce mais n'employait même pas cette expression. Celle-ci n'a figuré, incidemment d'ailleurs, dans les articles 469-3o et 470 (aujourd'hui abrogés) que dans la rédaction due à la loi du 28 mai 1838 sur la faillite. S'il semble que la figure du fonds peut s'enorgueillir d'une origine remontant au droit romain à travers la notion de Taberna (L. CHATAIN-AUTAJON, op. cit., nos 72 s. ; H. LÉCUYER, La spécificité traditionnelle du fonds de commerce et sa mise en concurrence contemporaine par des notions voisines, Gaz. Pal. 4 juin 2009, no 155, p. 7), l'expression « fonds de commerce » (ou « fonds de boutique »), quant à elle, était également connue depuis longtemps, mais elle ne désignait guère que le matériel et les marchandises du commerçant (V. not. E. RICHARD [dir.], Droit des affaires. Questions actuelles et perspectives historiques, 2005, coll. Didact. Droit, PU Rennes, nos 298 s.), ce qu'on appelle aujourd'hui des éléments corporels. La notion moderne du fonds de commerce, comprenant essentiellement les éléments incorporels et tout particulièrement la clientèle, n'est apparue qu'au XIX e siècle. C'est la pratique commerciale du XIX e siècle qui a compris la valeur que représentaient ces éléments incorporels du fonds et a su se servir de cette nouvelle valeur comme moyen de crédit, en la cédant, en l'apportant en société, en la donnant en gage, en la louant. Le législateur n'est intervenu que tardivement pour confirmer et réglementer à la pratique. (V. J. HILAIRE et J. TURLAN, Les contingences historiques du fonds de commerce, Creda, L'entreprise personnelle, t. 2, 1981, Litec, p. 125 ; L. DEPAMBOUR-TARRIDE, Les origines du fonds de commerce ; l'apparition de la clientèle dans les sources parisiennes, Rev. hist. du dr. 1985. 329). 6. La première loi ayant visé la cession des fonds de commerce est la loi fiscale du 28 février 1872 (DP 1872. 4. 412) qui est venue soumettre à un régime fiscal assez proche de celui des immeubles les mutations à titre onéreux de fonds de commerce ou de clientèle. 7. Le premier texte de droit privé fut la très brève loi du 1er mars 1898 (DP 1898. 4. 20) qui, ajoutant un alinéa à l'article 2075 du code civil, avait permis le nantissement du fonds de commerce sans dépossession grâce à une inscription au greffe du tribunal de commerce. 8. Le texte important et substantiel qui est d'ailleurs resté le texte de base, a été la loi du 17 mars 1909 (DP 1909. 4. 41) sur la vente et le nantissement des fonds de commerce. Cette loi est l'aboutissement d'une proposition déposée au Sénat, le 21 mars 1905 par M. CORDELET : de là le nom de « loi Cordelet » qui fut fréquemment donné à la loi du 17 mars 1909. Elle a été plusieurs fois modifiée mais uniquement sur des points de détail. La conception du fonds de commerce que l'on en a déduite n'a nullement été changée. Pareillement, le décret d'application du 28 août 1909 (DP 1909. 4. 99) demeure en vigueur bien que lui aussi ait été modifié à plusieurs reprises. 9. Une proposition de loi avait été déposée au Sénat, le 2 juillet 1912, par M. CORDELET, tendant à la refonte totale de la loi du 17 mars 1909. uploads/Finance/ conception-du-fonds-de-commerce.pdf

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  • Publié le Jan 21, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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