L’auditeur et la question de la continuité de l’exploitation en période de cris
L’auditeur et la question de la continuité de l’exploitation en période de crise économique. Alain BURLAUD Professeur titulaire de la Chaire de comptabilité et contrôle de gestion du Conservatoire national des arts et métiers Docteur honoris causa, Academiei de Studii Economice din Bucureşti Sommaire Introduction...............................................................................................................................2 1. Le principe de continuité de l’exploitation à travers le droit comptable.........................2 1.1. Le droit comptable international......................................................................................2 1.2. Le droit comptable européen...........................................................................................3 1.3. Le droit comptable français.............................................................................................3 1.4. Le droit comptable à l’épreuve de la crise.......................................................................4 2. L’auditeur face au principe de continuité de l’exploitation en période de crise.............5 2.1. Les obligations de l’auditeur au regard de la continuité d’exploitation selon les normes professionnelles.......................................................................................................................5 2.1.1. Les normes de l’International Federation of Accountants........................................5 2.1.2. La réglementation européenne..................................................................................6 2.1.3. La réglementation française......................................................................................6 2.2. Le double risque et la double contrainte de l’auditeur en cas de menaces sur la continuité d’exploitation.........................................................................................................6 2.2.1. Le double risque........................................................................................................7 2.2.2. La double contrainte.................................................................................................7 3. Le traitement préventif des défaillances.............................................................................8 3.1. La procédure d’alerte mise en œuvre par le commissaire aux comptes..........................8 3.1.1. Phase 1 : information du président du conseil d’administration...............................8 3.1.2. Phase 2 : information du conseil d’administrations..................................................9 3.1.3. Phase 3 : information des actionnaires......................................................................9 3.1.4. Phase 4 : information du tribunal de commerce.......................................................9 3.1.5. Schéma récapitulatif de la procédure d’alerte.........................................................10 3.2. Les incidences de l’alerte sur la mission, les obligations et la responsabilité du commissaire aux comptes.....................................................................................................12 3.2.1. L’alerte et le renforcement de la permanence de la mission du commissaire aux comptes.............................................................................................................................12 3.2.2. L’alerte et l’indépendance du commissaire aux comptes........................................12 3.2.3. L’alerte et le secret professionnel du commissaire aux comptes............................13 3.2.4. L’alerte et le principe de non immixtion du commissaire aux comptes dans la gestion...............................................................................................................................13 3.2.5. L’alerte et la responsabilité du commissaire aux comptes......................................14 3.2.6. L’alerte et la révélation des faits délictueux par le commissaire aux comptes.......15 Conclusion................................................................................................................................15 1 Introduction. La crise économique actuelle donne toute son importance à l’un des principes fondamentaux de la comptabilité : l’hypothèse de continuité de l’exploitation (going concern). En effet, de plus en plus d’entreprises, du fait de la gravité de cette crise et de la rapidité de son évolution, sont confrontées à des difficultés de prévision et ne peuvent plus affirmer avec un niveau de risque raisonnable que les conditions d’une poursuite de leur activité sont normalement réunies. Or l’impact potentiel sur le résultat et sur la valeur du patrimoine est considérable, la valeur liquidative étant évidemment très inférieure à la valeur normale d’usage d’un actif. Les conséquences sur les diligences et la responsabilité des auditeurs sont également lourdes tant et si bien que l’International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB), l’un des comités permanents de l’International Federation of Accountants (IFAC), a déjà publié deux messages d’alerte (Staff Audit Practice Alert) : - octobre 2008 : Challenges in Auditing Fair Value Accounting Estimates in the Current Market1 ; - janvier 2009 : Audit Considerations in Respect of Going Concern in the Current Economic Environment.2 Nous allons aborder ici trois points : - un rappel du principe de continuité de l’exploitation à travers les principaux textes du droit comptable international, européen et français ; - les conséquences de ce principe sur les missions d’audit des comptes annuels ; - l’extension du rôle de l’auditeur à la prévention des défaillances des entreprises. 1. Le principe de continuité de l’exploitation à travers le droit comptable. Toute la hiérarchie des textes qui fondent le droit comptable rappelle que les comptes annuels ou les comptes consolidés sont établis normalement sur la base d’une hypothèse : les évaluations sont faites en supposant que l’entité va poursuivre son activité dans les limites de l’avenir prévisible. Si cette hypothèse n’était pas réaliste, alors il faudrait revoir les évaluations des éléments d’actif et de passif et décrire et justifier dans l’annexe les hypothèses retenues. 1.1. Le droit comptable international. Le « Cadre conceptuel pour la préparation et la présentation des états financiers », adopté par l’International Accounting Standards Board (IASB) en avril 2001, stipule au paragraphe 24 que : « Les états financiers sont normalement préparés sur la base de la poursuite de l’activité de l’entité et qu’elle continuera ses opérations dans un avenir prévisible. Par conséquent, il est supposé que l’entité n’a ni l’intention ni l’obligation de liquider ses activités ou de les réduire de façon significative ; si une telle intention ou obligation existait, ces états financiers pourraient devoir être présentés sur d’autres bases et, si tel et le cas, la base utilisée devrait être publiée. » 1 Défis posés par les estimations comptables en juste valeur sur le marché actuel. 2 Conséquences sur l’audit de la continuité d’exploitation dans l’environnement économique actuel. 2 Ce principe est repris dans l’International Accounting Standard (IAS) 1, adopté en 2004, sur la « Présentation des états financiers » au paragraphe 23 : « Lors de l’établissement des états financiers, la direction doit évaluer la capacité de l’entité à poursuivre son exploitation. Les états financiers doivent être établis sur une base de continuité d’exploitation, sauf si la direction a l’intention, ou n’a pas d’autre solution réaliste, que de liquider l’entité ou de cesser son activité. Lorsque la direction prend conscience, à l’occasion de cette appréciation, d’incertitudes significatives liées à des évènements ou à des conditions susceptibles de jeter un doute important sur la capacité de l’entité à poursuivre son activité, ces incertitudes doivent être indiquées. Lorsque les états financiers ne sont pas établis sur une base de continuité de l’exploitation, ce fait doit être indiqué ainsi que la base sur laquelle ils sont établis et la raison pour laquelle l’entité n’est pas considérée en situation de continuité d’exploitation. » 1.2. Le droit comptable européen. La présomption de continuité de l’exploitation est déjà affirmée dans la 4ème directive européenne sur les comptes annuels de certaines formes de sociétés du 25 juillet 1978 qui stipule à l’article 31 : « La société est présumée continuer ses activités. » La 7ème directive sur les comptes consolidés du 13 juin 1983 rappelle à l’article 16 alinéa 5 que les comptes consolidés sont préparés selon les dispositions de la 4ème directive. L’article 29 alinéa 1 précise que « les éléments d’actif et de passif compris dans la consolidation sont évalués selon des méthodes uniformes et en conformité avec les articles 31 à 42 et 60 » de la 4ème directive. 1.3. Le droit comptable français. L’hypothèse de continuité de l’exploitation pour l’établissement des comptes annuels est reprise dans le droit comptable français. Ainsi, le Code de commerce précise à l’article L 120- 20 : « Les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence. Pour leur établissement, le commerçant, personne physique ou morale, est présumé poursuivre ses activités. » Le Plan comptable général (PCG) actuellement en vigueur reprend cette règle à l’article 120-1 alinéa 2 : « La comptabilité permet d’effectuer des comparaisons périodiques et d’apprécier l’évolution de l’entité dans une perspective de continuité d’activité. » Cette hypothèse n’est d’ailleurs pas nouvelle dans le PCG. Ainsi, dans le PCG de 19823, dans la partie consacrée aux règles générales, précisait déjà (page 98) que : « Au moment de la comptabilisation d’un bien, l’hypothèse retenue sera le plus souvent celle d’une continuité économiquement justifiée de l’exploitation. » A propos des règles d’établissement et de présentation des documents de synthèse, il est également rappelé (page 153) : « S’il n’est pas fait mention des hypothèses retenues pour l’établissement des documents de synthèse, celles-ci sont supposées être les suivantes : 3 Conseil national de la comptabilité : Plan comptable général. Imprimerie nationale, 1982, 374 p. 3 - continuité de l’exploitation (sans réduction sensible du rythme et de l’étendue des activités) ; - permanence des méthodes comptables d’un exercice à l’autre ; - indépendance des exercices. » En revanche, les PCG de 19474 et de 19575 n’abordaient pas la question de la continuité de l’exploitation. Les préoccupations majeures, à la date de leur publication, étaient la normalisation et l’amélioration de l’organisation de la saisie des écritures qui était manuelle. Les questions d’évaluation apparaissaient comme secondaires. On voit que la hiérarchie des textes reprend systématiquement cette convention ou hypothèse selon laquelle l’entité ne sera pas en liquidation dans un avenir prévisible. Toutefois, ce qui relevait souvent de l’évidence ou de l’implicite devient, depuis quelques mois, un vrai sujet d’interrogation. 1.4. Le droit comptable à l’épreuve de la crise. Il n’est bien sûr pas nouveau qu’une entreprise puisse avoir des difficultés, mais, d’exceptionnel, le phénomène est devenu plus fréquent. En diversifiant ses produits et ses marchés, une entreprise pouvait maîtriser ses risques. En cas de difficulté plus sérieuse, une possibilité de reprise par un concurrent ou un investisseur était souvent envisageable. Aujourd’hui, on constate une telle chute de la demande, dans tous les pays, que la diversification ne joue plus son rôle de stabilisateur. La quasi-faillite de nombreuses banques et la réduction drastique des crédits, le non renouvellement des emprunts, conduisent à des fermetures massives. L’hypothèse de continuité de l’exploitation qui, pratiquement, allait de soi, devient un vrai sujet de discussion pour les dirigeants des entreprises et pour les lecteurs des états financiers. Poser publiquement uploads/Finance/ continuite-de-l-exploitation.pdf
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- Publié le Jui 29, 2022
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