Problèmes Economiques Contemporains Division 3 – Cours de Nicolas Canry Dissert

Problèmes Economiques Contemporains Division 3 – Cours de Nicolas Canry Dissertation sur table n° 2 – Vendredi 3 décembre 2010 Eléments de correction Sujet : Dans la préface du livre de Jean Fourastié « Les Trente Glorieuses », l’économiste Daniel Cohen note que : « le moteur de la croissance économique n’est pas l’accumulation du capital (…) mais le progrès des techniques ». Commentez cette citation en vous appuyant sur la situation économique française entre 1945 et 1975. Corrigé : Préambule : La problématique à développer dans cette dissertation renvoie à l’introduction, faite en cours, à la théorie de la croissance et à ses facteurs explicatifs. Cette introduction s’appuie largement sur l’analyse de la croissance économique française (et plus largement européenne) entre 1945 et 1975. Dans l’introduction, on présente les enjeux : Qu’est-ce que la croissance économique et, surtout, d’où provient-elle ? Quels sont les facteurs explicatifs de la croissance ? On peut accroître le niveau de production de l’économie :  En augmentant la quantité d’un ou de plusieurs facteurs de production : travail et capital physique notamment, mais aussi « capital humain » (niveau d’éducation scolaire de la population active).  En parvenant à produire davantage avec la même quantité de facteurs : on parvient alors à améliorer l’efficacité des facteurs, par des innovations organisationnelles ou technologiques : c’est ce qu’on appelle le progrès technique. De nos jours, comme le souligne Daniel Cohen, les économistes s’accordent pour dire qu’une part importante de la croissance économique observée dans la plupart des pays industrialisée au 20ème siècle (et dans le « long terme » en général) est imputable au progrès technique (c’est moins le cas pour le 19ème où la croissance est davantage de type extensif et imputable notamment à l’accumulation du capital ; voir la phrase non tronquée de Daniel Cohen dans la préface sur ce point.) La période des Trente Glorieuses n’échappe bien évidemment pas à ce constat. 1. Les Trente Glorieuses : une période de croissance soutenue dont le moteur principal est (semble être) le progrès technique. On mesure le progrès technique en déduisant du taux de croissance du PIB (en volume) la part de cette croissance imputable à l’augmentation des facteurs de production. Ce solde est appelé productivité totale des facteurs (ou encore résidu de Solow). Les travaux précurseurs, conduits notamment par Solow (1957) et l’économiste Denison (1967), ont montré que le progrès technique explique une part importante de la croissance économique des Etats-Unis et des pays européens dans les années 1950. Toutefois, Denison est aussi l’un des premiers à souligner que la mesure du progrès technique étant un solde, un résidu, la « mesure de notre ignorance », son estimation est fortement tributaire de notre capacité à correctement mesurer l’évolution de la quantité, mais aussi de la qualité, des facteurs de production : par exemple, si le volume d’emploi a relativement peu augmenté durant les Trente Glorieuses en France, le niveau moyen d’éducation de la population active s’est sensiblement élevé (moins de travail peu qualifié pour davantage de travail qualifié, de « capital humain ») au cours de cette période. Carré, Dubois, Malinvaud (1972) ont proposé un travail un peu systématique sur le cas français mettant en évidence l’ensemble des hypothèses généralement retenues (pour mesurer le progrès technique) pouvant conduire à majorer l’importance du progrès technique. Une mesure correcte implique de tenir compte :  De la distinction entre travail « simple » et travail qualifié (« capital humain »).  Symétriquement, de l’existence de différentes générations de capital physique (le capital français en 1945 est très ancien, les entreprises ayant très peu renouvelé leur stock depuis 1930).  De l’existence de plusieurs secteurs dans l’économie, certains étant plus « productifs » que d’autres : la migration de la population agricole, faiblement productive, vers l’industrie, où la productivité du travail est supérieure, explique une part de la croissance sans être imputable au progrès-technique (non pris en compte par Denison).  L’hypothèse de rendements constants retenue par Denison est peu satisfaisante : l’introduction d’une hypothèse de rendements croissants sur la fonction de production réduit également le résidu de Solow. De cette étude faisant aujourd’hui référence, il ressort que, sur un taux de croissance annuel moyen du PIB en volume d’environ 5 % entre 1950 et 1970, environ 2,5 points proviennent du progrès technique, ce qui représente une valeur très importante (par comparaison avec les autres périodes du 20ème siècle). Cependant et a contrario, la « moitié » de la croissance des Trente Glorieuses serait imputable à une « simple » accumulation des facteurs de production. Ce second résultat nous amène à nuancer les propose de Daniel Cohen. 2. Les Trente Glorieuses et l’accumulation de capital : convergence vers l’équilibre du modèle de Solow (1956). L’accumulation des facteurs reste un élément explicatif important (tout au moins non négligeable) de la croissance économique des Trente Glorieuses. La plupart des données dont nous disposons aujourd’hui permettent d’avancer que :  Le facteur travail a peu évolué au cours de la période : la population totale augmente sensiblement durant les Trente Glorieuses et la population en âge de travailler aussi, surtout à partir du début des années 1960 (les baby-boomers entrent alors progressivement sur le marché du travail) ; par ailleurs, le volume de travail hebdomadaire a eu tendance à se stabiliser à un niveau élevé durant cette période (jusqu’à 10 h de travail quotidien dans certains industries selon l’historien Maurice Agulhon), ce qui marque une rupture avec la baisse de la durée du travail observée entre 1900 et 1945. Mais, dans le même temps, la population active se réduit fortement du fait d’une baisse spectaculaire des taux d’activité aux âges « extrêmes » : scolarisation de plus en plus longue d’une part (induisant une hausse du facteur « capital humain »), départ en retraite de plus en plus précoce d’autre part. Par ailleurs, l’augmentation du nombre de semaines de congés payés compense l’élévation de la durée hebdomadaire de travail.  Bien que les données de capital physique soient plus difficiles à obtenir, tous les indicateurs dont nous disposons aujourd’hui convergent vers des taux d’accumulation du capital assez élevés durant les Trente Glorieuses. Carré, Dubois et Malinvaud soulignent le fort accroissement du stock de capital productif dans les années d’après-guerre et insistent sur le fait que cet élément ne doit pas être minoré. C’est principalement le modèle de Solow (1956) qui permet alors d’expliquer une bonne part de la croissance économique française au cours de cette période. Selon ce modèle dans sa version simple (sans progrès technique exogène), il n’y a pas de croissance par tête à l’équilibre, où chaque salarié est alors doté d’un volume de capital (physique) optimal (compte tenu de l’hypothèse de productivité marginale décroissante du capital, il n’est plus rentable d’ajouter du capital supplémentaire dans l’économie une fois l’équilibre atteint). En revanche, tant que l’économie n’est pas à l’équilibre (c’est le cas notamment si le stock de capital par tête dont cette économie dispose est inférieur à son niveau d’équilibre), celle-ci va converger vers l’équilibre en accumulant davantage de capital (dont la productivité décroît alors progressivement) ; durant cette période de convergence, le taux d’accumulation du capital est élevé et la croissance du produit par tête (PIB par tête) positive. Dans cette perspective, la France (comme une bonne partie de l’Europe), insuffisamment dotée en capital physique au sortir de la seconde guerre mondiale, converge durant les Trente Glorieuse vers « l’équilibre » du modèle de Solow (1956). La fin des Trente Glorieuses est la conséquence directe du fait que l’économie est de plus en plus proche de cet équilibre. En conclusion : la croissance économique historiquement élevée des pays industrialisés au cours du 20ème siècle tient en majeure partie à l’évolution du progrès technique (ce que rappelle la citation de Daniel Cohen) et la période des Trente Glorieuses n’échappe pas à cette dynamique « séculaire ». La plupart des études économiques insistent même sur le fait que la période des Trente Glorieuses est caractérisée par une accélération du progrès technique (par rapport aux périodes tant antérieures que postérieures). Le progrès technique a donc bien constitué, comme l’indique Daniel Cohen, un facteur déterminant de la croissance économique d’après guerre. Toutefois, les Trente Glorieuses constituent aussi une période caractérisée par une forte croissance du volume de capital physique (mais aussi « humain ») traduisant un mécanisme de convergence vers un niveau de capital par travailleur optimal (comme nous l’avons exposé dans la seconde partie) ; ce second aspect a vraisemblablement également contribué au fait que les taux de croissance économiques ont été aussi élevés au cours de cette période en France (même si tous les économistes ne partagent pas ce point de vue). Dans tous les cas, les Trente Glorieuses représentent une phase de rattrapage économique (donc circonscrite dans le temps), rattrapage du pays leader que sont les Etats-Unis à cette époque (en matière de technologie et de progrès technique notamment), mais rattrapage également en termes d’accumulation de capital, tant physique qu’humain (période de convergence vers un stock uploads/Finance/ correction-dissertation-2.pdf

  • 30
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Oct 10, 2022
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.2125MB