1 Cours d’introduction à la méthodologie de la traduction Michel Rochard, charg
1 Cours d’introduction à la méthodologie de la traduction Michel Rochard, chargé de cours, Master 2, ESIT et Université de Paris 7 Précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un cours de théorie de la traduction, mais d’une introduction à des méthodes de traduction appliquées concrètement par des traducteurs, de façon intuitive ou réfléchie. Des préoccupations théoriques sont cependant présentes en arrière-plan et seront parfois évoquées de façon plus explicite. Qu’est-ce que la traduction ? Définition sommaire Un travail sur les langues... Cela peut paraître une évidence, mais pour enfoncer le clou, je citerai l’anecdote authentique d’un Français se rendant en Angleterre pour la première fois dans le cadre d’un séjour professionnel. Ses collègues britanniques savent qu’il s’agit pour lui d’une première. Lorsqu’ils l’accueillent, ils lui demandent : « Are you anxious to visit Britain? » Et notre Français, soucieux de rassurer ses interlocuteurs, de répondre « Oh! No! ». Vous aurez rectifié, « anxious » est un faux-ami et les Britanniques voulaient en fait savoir s’il avait « envie de découvrir l’Angleterre ». Pour comprendre un discours, il faut donc connaître la langue dans laquelle il est exprimé. Les pédagogues le savent, un enfant qui ne connaît pas bien sa propre langue a du mal à comprendre les matières qui lui sont enseignées. Il en va de même pour la communication bilingue. Le traducteur étant chargé de faire passer un discours d’une langue de départ à une langue d’arrivée doit connaître ces langues. Généralement la langue d’arrivée est la langue maternelle du traducteur, celle dans laquelle il s’exprime normalement avec le plus de facilité. ... en contexte Les professionnels de la traduction ne traduisent pas des langues en tant que telles, mais des discours, c’est-à-dire des énoncés linguistiques s’inscrivant dans un contexte. Dans un métro bondé, un voyageur dit « la porte s’il-vous-plaît ! » pour obtenir l'ouverture de la porte à la station afin de prévenir qu'il va descendre. Mais, en plein hiver, dans un café, quand une personne dit « la porte s’il-vous-plaît ! », c'est généralement pour qu’une autre personne qui vient d'entrer ou de sortir ferme la porte afin d'empêcher le froid de pénétrer. Il existe différentes sortes de contextes. Il y a la situation, comme on vient de le voir. Il y a aussi le contexte linguistique qui apporte des éléments permettant de comprendre le discours pour mieux le traduire : les formes grammaticales donnent ainsi des éléments d’information sur le sens du discours. Un démonstratif est par exemple une façon de renvoyer le lecteur ou l’auditeur à une information précédente. Il y a le contexte cognitif. En situation de communication, il faut en effet que les interlocuteurs aient un minimum de connaissances communes pour qu’il y ait échange. Si vous ne connaissez rien à l’économie, il y a peu de chances pour que vous compreniez vraiment le passage suivant et vous ne saurez que dire à votre interlocuteur et encore moins traduire ce discours : « The goals and conduct of debt management and monetary policy can complement each other, but can also give rise to tensions. The traditional view was that the cost of debt service was secondary to the need to “fund” the debt, that is, to issue fixed-rate debt so long-dated that banks would not hold it (or it would not serve as near money for non-banks). Structurally, skilful debt management aids monetary policy in producing a deep, liquid and resilient market for operations. However, debt management aimed only to minimise costs might create tensions with monetary policy by relying on short-term debt (given the normal upward slope of the yield curve). Over the business cycle, debt management can “get in the way” of monetary policy, for instance, if bonds are issued heavily when the central bank is easing1.» Ce que la traduction n’est pas Ce dernier exemple montre donc que la traduction ne se résume pas à un travail sur la langue. Ce n’est pas non plus un travail de rédaction technique ou d’adaptation : il existe des professionnels qui font souvent cela en aval de la traduction. C’est ce qu’IBM, par exemple, appelait la « francisation » que l’on appelle désormais « localisation ». Néanmoins, l’apprentissage de la rédaction technique ou la pratique de la localisation de logiciels ou de documentation sont un complément utile de la formation de traducteurs, dans la mesure où ce type de travaux constitue une ouverture sur les modes d’expression propres à des métiers. Ils ont donc leur importance pour l’aspect rédactionnel de la traduction, trop souvent négligé par les théories de la traduction. La traduction n’est pas un travail d’exégèse. La traduction suppose certes, comme on l’a vu avec l’exemple précédent, de comprendre le sens du message de l'auteur au-delà des mots de la langue, mais ce n’est pas pour autant un travail d’exégèse. Un traducteur, c’est quelqu’un qui est au service d’un texte et d’une intention qui ne 1 Robert N McCauley and Kazuo Ueda, Government debt management at low interest rates, in : BIS Quarterly Review, June 2009, p. 36. 3 sont pas les siens et il n’a pas, sauf extraordinaire, à rajouter son grain de sel dans la traduction. Pour autant, il ne faut surtout pas considérer la traduction comme une discipline refermée sur elle-même : dès qu’il y a traduction, il y a besoin de communiquer un message, d’établir un contact. Et la qualité d’une traduction se mesure à sa capacité à répondre à ce besoin. C’est d'ailleurs ici qu'intervient la notion de cahier des charges. En situation professionnelle, le traducteur va donc être porteur du message, donc serviteur, de l’auteur, tout en étant prestataire de services déterminés par le cahier des charges. L’un des objectifs de la formation des traducteurs est précisément d’apprendre aux étudiants la rigueur déontologique du porteur de message pour mieux la concilier avec les impératifs du cahier des charges. Cela étant posé, revenons aux différents aspects du travail du traducteur. Ce que la traduction doit prendre en compte Les différences de modalités d’expression des langues Par exemple, « increasing prices in the US should become a major impediment to a better trade balance » Ou encore, « recent economic history shows that high interest rates does not systematically produce positive effects on monetary growth ». Dans la première formule, l'important ne réside pas dans les substantifs anglais « prices » ou « trade balance », mais bien dans « increasing » et « better ». Or, la pratique langagière française impose ici la mise en valeur de l'élément important par un substantif et non pas par un adjectif. Il faut donc traduire non pas par « des prix en augmentation « ou « une meilleure balance commerciale » (transcodage), mais par « la hausse des prix » et « une amélioration de la balance commerciale ». De même, dans le second exemple, en contexte, il est superflu d'indiquer au lecteur français le caractère « économique » de la référence à l'expérience « history », puisque l'on baigne dans toute la phrase dans un contexte économique. En revanche, c'est presque indispensable en anglais. Les raccourcis et images de la langue (métonymie et métaphore) Par exemple, lorsque l'on « prend un verre » avec quelqu'un d'autre, cela renvoie à l'idée de partager un moment avec une personne en buvant le contenu d'un verre. L’existence d’un discours, c’est-à-dire d’un énoncé linguistique en contexte C’est ce que nous avons vu avec l’exemple du métro. L’existence d’un discours émanant d’une personne physique ou fonctionnelle ayant ses idiosyncrasies, son histoire, son activité, sa logique propres L’économiste américain Milton Friedman, décédé il y a quelques années, passe généralement pour « réactionnaire » au sens politique et social, d’autant qu’une équipe formée par lui a conseillé le gouvernement du général Pinochet au Chili dans les années 70. Si l’on s’arrête à ce cliché, on risque de ne pas comprendre ses écrits. Par exemple, le cliché du « réactionnaire » ne colle pas avec son idée de libéraliser totalement la vente de stupéfiants. C’est en fait parce que Friedman est, au sens économique, un « libéral », c’est-à-dire un partisan de la non-intervention des pouvoirs publics sur le marché. Selon la logique libérale, c’est la rareté provoquée par la prohibition qui fait le marché noir, fait grimper les prix des stupéfiants et rend donc intéressante la production de coca plutôt que de café pour les paysans indiens de Bolivie ou de Colombie. Si on renonce à la prohibition, l’offre va être libérée, donc abondante et les prix baisseront et avec lui l’intérêt relatif de la production. Autre paradoxe apparent, lorsque le chômage diminue, on a tendance à se réjouir, mais il arrive que la bourse réagisse mal à une telle nouvelle. En fait, c’est « logique », car si le chômage diminue, les salariés sentent qu’on a besoin d’eux et tendant à revendiquer des augmentations de salaire. Or, de telles augmentations risquent d’entamer la part des bénéfices des entreprises revenant aux actionnaires, d’où cette réaction de la bourse, marché des actions2. Le traducteur uploads/Finance/ cours-d-x27-introduction-a-la-mythodologie-de-la-traduction.pdf
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- Publié le Oct 16, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
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