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HAL Id: halshs-00326116 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00326116 Preprint submitted on 1 Oct 2008 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Au-delà de la dichotomie marché-société : l’institutionnalisme de Douglass C. North Claude Didry, Caroline Vincensini To cite this version: Claude Didry, Caroline Vincensini. Au-delà de la dichotomie marché-société : l’institutionnalisme de Douglass C. North. 2008. halshs-00326116 1 Au-delà de la dichotomie marché-société : l’institutionnalisme de Douglass C. North Claude Didry et Caroline Vincensini IDHE, ENS de Cachan-CNRS Résumé En proposant une analyse des institutions comme règles du jeu, D. North est conduit à identifier une présence des institutions dans l’ensemble des activités économiques. Sa démarche s’inscrit à première vue dans le large ensemble que constitue le « nouvel institutionnalisme », mais elle s’en démarque par la remise en cause de la coupure entre marché et non marchand sur laquelle reposent les analyses de la nouvelle économie institutionnelle d’O. Williamson et de la sociologie économique. Dans la perspective de D. North, les institutions ne peuvent en aucun cas être assimilées aux organisations. De plus, la présence des institutions à titre de « structures d’incitation » dans les motifs des agents confère aux normes formelles une place que les analyses fondées sur l’ « encastrement » leur dénient. Pour dégager la portée des analyses de D. North, nous reviendrons en premier lieu sur la coupure radicale entre marché et structures sociales que pose K. Polanyi. Nous envisagerons ensuite deux formes d’intégration des dimensions non marchandes de l’économie dans une analyse d’ensemble, l’économie des organisations d’O. Williamson et l’hypothèse de l’encastrement avancée par M. Granovetter, tout en montrant que la prise en compte de ces dimensions maintient la dichotomie entre marchand et non marchand. Enfin, nous envisagerons comment les travaux de D. North conduisent à sortir de cette dichotomie pour poser les bases d’une explication historique de l’économie à partir des institutions. Les relations entre institutions et marché constituent un des éléments centraux de ce que l’on nomme aujourd’hui le « nouvel institutionnalisme », tant en économie, avec le courant de la « nouvelle économie institutionnaliste »1 qu’en sociologie, avec principalement le courant de sociologie économique2. Ceux qui s’en revendiquent partagent le constat que « les institutions comptent » comme variables susceptibles d’expliquer les performances économiques. Tant en économie, qu’en sociologie, le marché comme mécanisme autorégulé d’ajustement de l’offre et de la demande apparaît, le plus souvent, comme le point de référence pour concevoir l’activité économique. Les institutions sont alors définies de manière négative, comme les dimensions non-marchandes de l’économie, soit comme règles formelles 1 Cf. notamment le bilan présenté par Williamson (2000), sur lequel nous reviendrons. 2 Voir par exemple Nee (2003) avec un tournant de la sociologie économique vers la question des institutions prolongeant un premier intérêt pour la question de l’« embeddedness » (Granovetter 1995). 2 de l’organisation hiérarchique, soit comme normes informelles ou comme réseau communautaire. Le débat entre économie institutionnaliste et sociologie économique se place sur le terrain des institutions, avec une tension sur leur nature, les sociologues reprochant aux économistes une focalisation excessive sur les institutions « formelles », au détriment de l’« informel ». Mais un tel débat, en se limitant à la nature d’institutions définies comme ‘hors-marché’, ne laisse-t-il pas de côté la nature des activités économiques, en acceptant sans discussion l’évidence du marché comme mécanisme autorégulateur ? Doit-on accepter la réduction des activités économiques à la figure du marché et la réduction du marché à un mécanisme autorégulateur ? En concevant les institutions comme des « règles du jeu » établies par une activité sociale et s’appliquant à l’ensemble des interactions humaines, D. North permet de sortir de cette dichotomie méthodologique entre les institutions et le marché, ou encore entre le social et l’économique, voire entre l’affectif et le rationnel, pour envisager la présence des normes dans le cours des actions individuelles. Notre objectif est de dégager la rupture qu’introduit, dans le « nouvel institutionnalisme », la conception des institutions présentée par D. North dans ses réflexions pionnières du début des années 1990. En effet, à la lumière de cette définition, la question du rapport entre institutions et performances économiques ne se réduit plus à un débat sur le « formel » et l’« informel ». Elle va au-delà du partage entre rationalité utilitaire et désintéressement communautaire. Elle implique plus fondamentalement de revenir sur la conception de l’activité économique elle- même, en s’interrogeant sur la portée de la référence du marché et sur la nature même de ce marché. Le marché ne peut plus être tenu pour un pur mécanisme autorégulateur, qu’à la condition de présupposer l’existence de dispositifs institutionnels sous-jacents et occultés, tels que les contrats. Or l’histoire et la sociologie nous enseignent que les institutions sont le produit de processus historiques complexes et que leur fonctionnement constitue pour le moins un coût perturbant les équilibres de la théorie économique. La focalisation de D. North sur les institutions formelles et en particulier sur le droit ne signifie donc pas une valorisation excessive de l’Etat et une méconnaissance de l’ « informel » (comme l’insinue V. Nee 2005). Bien au contraire, sortant aussi bien de la fascination de la sociologie économique pour l’informel, les réseaux et la dynamique de groupe, que de la focalisation de l’économie des organisations sur les contrats et les formes organisationnelles, les analyses de D. North renouent de manière inattendue avec la sociologie classique qui, pour E. Durkheim ou M. Weber, vise à analyser le fonctionnement de sociétés ouvertes dépassant le cercle des interconnaissances individuelles. 3 Nous présentons ainsi la diversité des configurations des relations entre marché et institutions proposées par les courants du « nouvel institutionnalisme » pour mieux isoler l’originalité et la portée de la contribution de D. North. Nous reviendrons en premier lieu sur les analyses de K. Polanyi, assimilant activités économiques et marchés dans les sociétés modernes, pour mieux diagnostiquer l’effacement des institutions sociales, qualifié de « désencastrement ». Nous envisagerons ensuite deux courants qui élargissent l’analyse de K. Polanyi, pour concevoir les sociétés post-fascistes en intégrant les dimensions non- marchandes de l’activité économique envisagées comme « structures sociales ». Ces structures sociales prennent la forme de réseaux et de petits groupes chez M. Granovetter, de structures de gouvernance chez O. Williamson. Dans les deux cas, l’analyse justifie l’existence de formes d’organisation de l’activité économique s’écartant de la transaction marchande pour maintenir l’optimalité du résultat en présence de coûts de transaction, ce qui entretient la dichotomie entre marché et non-marché. Selon M. Granovetter, le marché est alors encastré dans des dynamiques sociales, largement informelles, tandis que O. Williamson pense la répartition de l’activité économique entre transactions marchandes et transactions non-marchandes au sein des organisations hiérarchiques. Nous aborderons enfin les travaux de D. North (1990, 1994, 2004…) pour voir en quoi sa distinction entre institutions et organisations permet de dépasser l’opposition binaire entre marchand et non-marchand : les institutions renvoient alors à un autre niveau d’analyse que celui de O. Williamson et à des phénomènes plus larges et plus riches que le simple contraire du marché. Cette vision permet alors à D. North d’ouvrir un nouveau projet de recherche visant à expliquer comment les institutions – qui renvoient ici à l’ensemble des interactions humaines économiques, politiques et sociales – influencent la dynamique économique, une dimension importante de cette explication étant l’émergence de mécanismes incrémentaux d’autorenforcement. 1. Les institutions se retirant devant le marché, la tragédie de la Grande Transformation selon K. Polanyi K. Polanyi écrit La grande transformation pendant la Guerre : il vise en 1944 à donner une explication à la montée du fascisme et à explorer les voies d’un retour de l’Etat dans la vie économique qui demeure compatible avec le maintien d’un Etat de droit démocratique. Cette réflexion trouve à nouveau une actualité forte dans le contexte théorico-pratique de politiques économiques et sociales dominées par la valorisation des mécanismes du marché dans la recherche de l’optimalité économique, c’est-à-dire à partir des années 1980 en France. L’ouvrage de K. Polanyi apporte un éclairage sur la genèse, au XIXème siècle, d’une 4 impossible « société de marché », c’est-à-dire la focalisation des activités économiques autour de la réalisation de « marchandises », grâce à un processus historique soutenu dans un premier temps par des institutions sociales et politiques. Ce processus mène à une situation finale où l’économie fonctionne en-dehors de tout référent institutionnel, pour mieux mettre en évidence ensuite les soubresauts que suscite une telle dynamique avec comme conséquence générale un retour de l’Etat, sous la figure extrême du fascisme et du nazisme. De manière paradoxale pour un sociologue critique, le marché focalise la quasi-totalité de uploads/Finance/ didry-vincensini-north-et-les-institutions.pdf
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- Publié le Apv 18, 2021
- Catégorie Business / Finance
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