A u cours des 30 dernières années, l’accès aux services financiers formels pour
A u cours des 30 dernières années, l’accès aux services financiers formels pour les personnes à faibles revenus s’est nettement amélioré. Néanmoins, les efforts malavisés visant à réduire les comportements criminels menacent de ralentir le rythme de ces progrès. Les normes internationales de lutte antiblanchiment (LAB) et contre le financement du terrorisme (CFT) favorisent l’intégrité financière et aident à combattre la criminalité. Mais leur mise en œuvre inappropriée – en particulier dans les marchés émergents – contribue à exclure des millions de personnes à faibles revenus des services financiers formels. Reléguant la majorité non desservie au monde des services informels, elle sape les avancées économiques et sociales. Elle ôte en outre aux autorités de réglementation et d’application de la loi un outil essentiel pour renforcer l’intégrité financière : la capacité de suivre les mouvements d’argent. Il ne doit pas obligatoirement en être ainsi. L’inclusion financière et un régime d’intégrité financière efficace peuvent – et doivent – être des objectifs de politique nationale complémentaires. Les normes de LAB/ CFT internationales laissent une certaine marge de manœuvre qui permet aux pays de concevoir des mesures pertinentes, la principale difficulté étant de trouver le juste niveau de protection pour un environnement financier donné. Heureusement, dans le monde entier, un nombre croissant d’analyses et d’exemples positifs commencent à montrer la voie. Cette Note Focus présente les enseignements tirés de quelques expériences pionnières. S’appuyant sur des études antérieures, dont une analyse du CGAP (Isern et al. 2005), l’initiative FIRST a financé une recherche portant sur cinq pays (Bester et al. 2008) destinée à évaluer les effets de la réglementation en matière de LAB/CFT sur l’accès à la finance en Indonésie, au Kenya, au Mexique, au Pakistan et en Afrique du Sud 1. La conclusion est que les mesures de LAB/CFT peuvent influer négativement sur l’accès aux services financiers (et sur leur utilisation) lorsqu’elles ne sont pas conçues avec précaution. L’étude identifie les facteurs susceptibles d’accentuer cet impact, décrit des approches pour concevoir des solutions de LAB/CFT appropriées complétant les politiques d’accès aux services financiers, et suggère des principes clés pour la conception de ces solutions. Voici quelques-unes de ces suggestions : • Les mesures de LAB/CFT doivent être adaptées à l’environnement national ainsi qu’aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (BC/FT) propres au pays. • Les mesures de LAB/CFT doivent être proportionnelles aux risques existants ou potentiels. • Les obligations en matière de LAB/CFT doivent être en adéquation avec les capacités des institutions privées et publiques. • Lorsque les capacités institutionnelles sont insuffisantes, un plan doit être élaboré en vue de les améliorer et d’intégrer de manière progressive les obligations en matière de LAB/CFT. • L’application de la loi doit rester essentiellement entre les mains de l’état et ne doit pas être déléguée sans raison à des institutions privées. Normes de LAB/CFT internationales et services financiers pour les personnes à faibles revenus Les recommandations du GAFI Les 40 recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), ainsi que ses recommandations spéciales contre le financement du terrorisme, constituent la norme internationale pour ce qui est des réglementations de LAB/CFT (voir l’encadré 1)2. Ces recommandations n’ont pas force obligatoire. Néanmoins, les États qui ne s’y conforment pas risquent d’être considérés comme des refuges pour les criminels et leurs actions illicites, ce qui Normes LAB/CFT : améliorer l’inclusion et l’intégrité financières 1 Le processus comprenait également des études de cas sur le Royaume-Uni, les États-Unis et les Philippines. 2 Pour la liste complète des recommandations ainsi que des explications les concernant, consulter le site web du GAFI (http://www.fatf-gafi.org). N° 56 Août 2009 Jennifer Isern et Louis de Koker focus note 2 3 Certains régimes réglementaires et praticiens parlent aussi de « connaissance du client » (Know Your Customer, ou KYC, en anglais). 4 Les règles de vigilance incluent également le devoir de prendre des mesures raisonnables pour identifier le bénéficiaire effectif et vérifier son identité. Le bénéficiaire effectif désigne la ou les personne(s) physique(s) qui, in fine, ont une relation de propriété ou de contrôle avec un client de services financiers (par exemple, l’individu qui détient la part majoritaire dans la société qui souhaite ouvrir un compte) et/ou la personne pour laquelle une transaction est effectuée. peut nuire à leur réputation en tant que destination d’investissement. Les institutions financières opérant dans les pays membres du GAFI sont tenues d’accorder une attention particulière aux transactions réalisées avec des personnes ou institutions d’un pays nonmembre. Dans la pratique, cette obligation ralentit souvent les opérations. Elle peut même inciter à éviter toute relation d’affaires avec ces personnes ou institutions. Les recommandations du GAFI fixent des principes d’action que les pays, les institutions financières et certaines autres entreprises et professions sont appelés à adopter pour lutter contre le BC/FT. Il est conseillé aux pays de prendre les mesures suivantes : • Adopter des lois criminalisant le blanchiment des produits du crime et le soutien matériel ou financier aux terroristes. • Créer une cellule de renseignements financiers (CRF) destinée à recevoir, analyser et diffuser les informations concernant les transactions ou activités de BC/FT potentielles. • Assurer une surveillance appropriée et efficace des institutions financières. • Coopérer entre eux pour l’investigation et la poursuite en justice des crimes. Les mesures imposées aux institutions financières sont souvent celles qui influencent le plus directement l’accès aux services financiers. Par exemple, il leur est demandé de prendre des mesures de vigilance à l’égard de la clientèle (customer due diligence3) telles que les suivantes : • Identifier les clients et vérifier leur identité au moyen de documents, données et informations de source fiable et indépendante (dans la pratique, en vérifiant des détails comme le nom, le numéro de carte d’identité, la date de naissance et les coordonnées4). • Obtenir des informations sur l’objet et la nature envisagée de la relation d’affaires. • Conserver toutes les pièces se rapportant aux transactions effectuées et aux informations obtenues sur le client. • Surveiller les transactions du client, et faire une déclaration auprès de la CRF ou d’autres autorités compétentes si l’institution soupçonne que des fonds proviennent d’une activité criminelle ou sont liés au financement du terrorisme. Les institutions doivent également s’assurer que leurs employés comprennent leurs obligations légales et que des mesures sont en place pour qu’elles-mêmes, leurs responsables et leurs employés puissent satisfaire aux exigences de conformité. En principe, les lois et réglementations en matière de LAB/CFT sont assorties de sanctions lourdes, telles que des amendes élevées et des peines d’emprisonnement. La réputation d’une institution reconnue coupable risque d’être ternie. Elle peut perdre des clients et des relations d’affaires ou même se voir retirer son agrément. Encadré 1 : Qu’est-ce que le GAFI ? Le GAFI est un organisme intergouvernemental qui définit des normes de LAB/CFT internationales, évalue les progrès réalisés par ses membres dans la mise en œuvre de ces normes, encourage leur adoption au niveau mondial et identifie les menaces pesant sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ses membres comprennent 32 juridictions et deux organisations régionales (le Conseil de coopération du Golfe et la Commission européenne). Le GAFI collabore étroitement avec huit organismes régionaux de type GAFI en Afrique, en Asie/Pacifique, dans les Caraïbes, en Europe, en Eurasie, au Moyen- Orient et en Amérique du Sud, représentant la majeure partie des pays du monde. À l’échelle mondiale, quelque 180 juridictions adhèrent directement aux recommandations du GAFI. 3 5 Les IMF comprennent une large diversité de prestataires de services financiers servant les clients à faibles revenus. À titre d’exemple, on peut citer les caisses d’épargne postale, les coopératives financières, les organisations non gouvernementales, les associations, les banques communautaires et rurales, les banques commerciales offrant de nombreux services de détail, les sociétés de transfert d’argent, etc. Les opérateurs de banque à distance, quant à eux, incluent les sociétés de téléphonie mobile (opérateurs de réseaux mobiles), les détaillants et toutes les entreprises qui fournissent des services financiers à l’extérieur d’une agence bancaire traditionnelle. La banque à distance peut avoir recours à une variété de canaux comme les téléphones mobiles, les cartes de paiement (de crédit, de débit ou prépayées), les guichets automatiques bancaires, les terminaux de paiement électronique et d’autres infrastructures existantes. Selon le pays, les IMF et les opérateurs de banque à distance sont soumis soit à la réglementation bancaire générale, soit à une réglementation séparée. 6 En 2007, le GAFI a publié à l’attention des institutions financières des lignes directrices sur la mise en œuvre de l’approche fondée sur le risque. Depuis, des directives similaires ont été publiées pour les comptables, les négociants en métaux précieux et en pierres précieuses, les agents immobiliers, les prestataires de services aux sociétés et trusts, les professions juridiques, les casinos et les prestataires de services de paiement. 7 Le GAFI désigne par « pays à faible capacité » les pays à faibles revenus confrontés à des problèmes tels que la faiblesse des ressources gouvernementales face à des priorités concurrentes, un grave manque de ressources et de main-d’œuvre qualifiée pour réaliser les programmes gouvernementaux, une faiblesse uploads/Finance/ document-lecture-2-pdf.pdf
Documents similaires
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/7CdOE3OOeTGAZVy0Dp0YFcQqDJvAOscWynw1IG5b3JcXrpvvZyhHlm5VlK1i7k15SJVr2T3KqUBaJc6oyr77YBGn.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/Ev8FWAKeEYH8gjvCwomcHYpg1Fv1fbnu1a4NB3euhNU4fsOIbmdaMv2HEAWGXJ4lZduoi2N7LeKJFN8PvgteRxUw.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/hWqANNVwdQE1cbaPbXJk4P66ch0vDtSNqGLAKM23dMYMLzYwWMYtttJsw4DUhAsTmM7a7nG0RMNR3Ho14Zbrlw76.png)
![](https://b3c3.c12.e2-4.dev/disserty/uploads/preview/R94jsGvWJdufY3M1UojVsgtnMKHGP7DUiSDZkF3ArizXjsAT4dydQ9shaxTS6UiP1KMepIZpx4DoNJalntF2wbd7.png)
-
20
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 07, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.3297MB