INTRODUCTION La finance islamique est un concept qui a suscité et suscite encor

INTRODUCTION La finance islamique est un concept qui a suscité et suscite encore de larges polémiques, et pour cause, elle a été toujours traitée sous un angle idéologique. Cet article pourrait cependant être une tentative de mener une analyse scientifique de ce sujet, en présentant les principes de base et les fondements d’une part, et d’autre part, les apports escomptés sur l’économie tunisienne, notamment dans ce contexte postrévolutionnaire. A chaque fois que j’évoque le terme « finance islamique », ça passe rarement inaperçu. En effet, il s’agit pour les uns de pure démagogie, de jeux de mots voire une tentative de retour en arrière par des pratiques médiévales incompatibles avec la modernité. Pour les autres, il s’agit d’un concept sacré, ou carrément divin faisant partie du culte et qui doit être le seul système en place dans les pays musulmans, en rejetant toute autre forme différente. Cependant, nous essayerons tout au long de ce papier d’éviter de rentrer dans des discussions purement idéologiques ou religieuses, chose qui est très possible, juste en reconnaissant l’appartenance de cette finance à un concept plus large qu’est l’économie islamique, qu’il s’agisse tout de même d’une doctrine économique, qui, comme toutes les autres doctrines (capitalisme, communisme, socialisme…) diffère par son propre système de valeurs. C’est ce système de valeurs, universelles à la fin, qui fait la particularité de la finance islamique. En effet, outre la nécessité de répondre aux exigences et contraintes réglementaires exigées par les lois en vigueur (lois bancaires, sécurité financière, lois sur les sûretés…), les institutions financières islamiques sont tenues de se conformer à des exigences et à des règles propres à ce système de valeurs, et qui trouvent leurs origines dans la loi musulmane ou la « Chariaa ». Loin des craintes et polémiques que pourrait susciter ce mot, nous nous référons ici à un ensemble de principes qui privilégient des relations saines, transparentes et équitables. En effet, la finance islamique est avant tout une finance éthique, qui privilégie un système de valeurs bâti sur la nécessité d’éviter ce qui est interdit, sur un équilibre entre l’intérêt personnel et l’intérêt public, mais aussi sur les valeurs de l’équité, la transparence, la sincérité,… Ces valeurs sont d’une importance capitale et doivent se refléter obligatoirement dans les actes et les transactions. L’islam a en effet fait la conquête de l’Asie du sud Est, non par des troupes militaires mais à travers les commerçants de soie musulmans, ayant ébloui les habitants locaux par ces valeurs traduites dans leurs transactions. 1 I. Le système financier islamique : Au départ, les principes de la finance islamique ne sont pas sortis du cadre d’avis « fatwas », émanant de jurisconsultes musulmans « cheikhs » spécialisés en jurisprudence de transactions économiques (Fiqh Almouaamalet) et se limitant à décrire ce qui est permis de ce qui ne l’est pas. Puis en deuxième phase, les écrits en la matière étaient plutôt des critiques du système communiste et du système capitaliste. Ce n’est qu’au troisième quart du siècle dernier qu’a commencé la cristallisation des fondements de la finance islamique en tant que science et en tant qu’industrie. C’est à partir de là, que des efforts des chercheurs en théologie et en économie se sont conjugués pour ressortir du système financier traditionnel, les aspects qui ne se contredisent pas avec les préceptes de l’Islam afin de les retenir, et ce en application d’un principe fondamental en vertu duquel la permission est la règle dans les transactions (l’interdiction est une exception) ; ainsi que les aspects qui constituent une violation de ces préceptes. Un travail a été fait ensuite pour définir comment peut on répondre aux besoins exprimés par les clients des institutions financières tout en respectant les principes fondamentaux de la loi musulmane, ce qui a donné lieu à la naissance d’un ensemble d’instruments mais aussi d’institutions. On a commencé dès lors à parler de système financier islamique et d’une philosophie qui lui est propre, un système doté de principes, de valeurs, de mécanismes et d’institutions ayant leur propre mode de fonctionnement. C’est en fait les banques islamiques qui ont ensuite institutionnalisé les concepts de cette finance. Ne s’agissant pas d’un système divin, ce système est dynamique et peut évoluer au diapason des mutations de l’environnement. Les institutions financières islamiques sont: les banques islamiques, les compagnies d’assurance islamique ou « Takaful », les fonds d’investissement islamiques, les émetteurs de « Sukuk » (l’équivalent islamique des obligations)… A fin 2010, on comptait plus que 300 établissements financiers islamiques répartis sur plus de 75 pays à travers le monde. Les actifs gérés dépassent un trillion de dollars. D’après une étude publiée par Ernst & Young, les banques de détail constituent le principal véhicule de l’industrie financière islamique puisqu’elles gèrent 74% des actifs financiers islamiques, contre 10% pour les émetteurs de « Sukuk » 10% pour les banques d’investissement, 5% pour les fonds d’investissement et 1% à peine pour les compagnies de « Takaful ». Le système est également doté d’organes de contrôle et de régulation. C’est dans ce cadre qu’opèrent les instances de contrôle charaïque ainsi que les différents organes de normalisation, de standardisation, de formation, d’arbitrage, de notation… On en cite l’AAOIFI (Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions), le CIBAFI (General Council for Islamic Banks And Financial Institutions), IIRA (Islamic International Rating Agency), IICRA (International Islamic Center for Reconciliation and Arbitration)… II. Les principes fondamentaux de la finance islamique : D’un autre côté, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’interdiction du prêt à intérêt (le riba) ne constitue pas la seule particularité de la finance islamique. Celle-ci repose en effet sur d’autres principes aussi importants. 2 II.1. L’interdiction du prêt à intérêt (le riba) : L’usure (le riba) a été expressément interdite dans le Coran. Le Prophète a maudit celui qui le prend, celui qui le donne, le rédacteur de l’acte et le témoin. Il est interdit de ce fait d’exiger un rendement du simple fait de prêter. L’intérêt est le prix du prêt alors que fondamentalement, le prêt ne doit générer aucun profit. Cette interdiction est valable aussi bien pour l’intérêt contractuel sur le prêt que pour toute autre forme d’intérêt de retard ou d’intérêts déguisés en pénalités et commissions. II.2. L’interdiction du risque excessif (algharar) : Les opérations et les transactions doivent revêtir la transparence et la clarté nécessaires, de manière à ce que les parties soient en parfaite connaissance des valeurs de leurs échanges. C’est à ce titre que les opérations dont la contre-valeur n’est pas connue avec exactitude, celles engendrant un risque excessif ou celles dont l’issue dépend essentiellement du hasard sont interdites (les jeux de hasard, les contrats d’assurance classique, etc.) II.3. L’adossement à des actifs réels : La finance islamique est dans tous les cas de figure rattachée à l’économie réelle. Toutes les transactions financières doivent être adossées à des actifs réels et échangeables. Ce principe, conjugué avec celui de l’interdiction de l’incertitude excessive fait que par exemple les produits dérivés soient prohibés. II.4. La participation aux pertes et aux profits : Une seule partie ne peut à elle seule assumer tout le risque lié à une transaction. De la sorte, l’autre partie ne peut se prévaloir du privilège de transférer tous les risques sur le cocontractant. Le rendement est un corollaire du risque et en constitue la principale justification. C’est même la traduction de la fameuse règle « Al Ghonm Bel Ghorm ». C’est à ce titre qu’on ne peut pas s’engager sur un rendement fixe pour un placement par exemple. II.5. L’interdiction de vendre ce que l’on ne possède pas : La propriété constitue la principale justification du profit généré soit par sa détention soit par sa vente. Cette justification n’est qu’une traduction de la règle précédente, du fait que la détention d’un actif fait supporter à son propriétaire des risques justifiant son profit le cas échéant. De ce fait, on ne peut pas vendre un bien qu’on ne possède pas (la seule exception à cette règle est le contrat Salam), ni vendre des actifs avant de les détenir. C’est ainsi que les activités d’intermédiation sont fortement réglementées, les process des financements adossés à des montages d’achat et de revente de biens sont méticuleusement étudiés pour respecter cette règle. II.6. L’interdiction des activités illicites : La finance islamique est une finance éthique et responsable. Il en découle l’interdiction de financer toutes les activités et tous les produits qui sont contraires à la morale : alcool, drogues, tabac, armement… ainsi que les produits interdits à la consommation par les textes de l’islam (viandes de porc et dérivées). 3 II.7. L’interdiction des échanges différés de valeurs étalon : Selon une parole expresse du Prophète, l’échange de valeurs étalon de même nature (or contre or, argent contre argent, et par conséquent monnaie contre monnaie) ne peut se faire que séance tenante (de main en main) et dans les mêmes proportions. Ce texte est à l’origine de l’interdiction du change à terme par exemple. Il s’agit là bien évidemment d’une liste non limitative des principes, dont uploads/Finance/ expose-henda.pdf

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  • Publié le Dec 09, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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