Jean-Hervé LORENZI – Alain VILLEMEUR – La Grande Rupture. Réconcilier Keynes et

Jean-Hervé LORENZI – Alain VILLEMEUR – La Grande Rupture. Réconcilier Keynes et Schumpeter (2021) La Grande Rupture plaide pour un retour à la croissance sous une forme nouvelle. Alors que de plus en plus d’économistes craignent que l’économie mondiale tombe dans une stagnation séculaire, à la manière du Japon ou de l’Italie, et que d’autres souhaitent la décroissance des économies face aux enjeux environnementaux, l’essai de LORENZI et VILLEMEUR propose une troisième voie, celle d’une croissance durable et sociale. Fondée sur de nouvelles répartitions, au nombre de six, LGR ne s’éloigne cependant pas de l’objectif de croissance , une « nécessité absolue » selon les auteurs. En affirmant vouloir réconcilier Keynes et Schumpeter, c’est l’importance de la demande et de l’offre dans le processus de croissance qu’ils souhaitent souligner. L’essai s’inscrit donc dans la lignée des travaux portant sur la croissance économique mais renvoie à des champs de l’économie bien plus larges et s’inscrit ainsi en partie dans le programme de B/L. LGR n’est ni un pur programme économique ni une simple littérature théorique. L’essai s’appuie en effet sur des sources historiques et s’aide de réflexions philosophiques, anthropologiques et sociologiques. LGR propose de s’interroger sur le sens aujourd’hui accordé au mot de croissance. Car si elle semblait être un absolue indépassable il y a quelques années (« la croissance est la religion du monde moderne », Daniel Cohen), elle est de plus en plus remise en question. Les auteurs rappellent ainsi que la croissance économique n’est pas une fin en soi mais plutôt un moyen, pour répandre le bien-être dans la société. Cette nouvelle croissance se doit d’être durable et inclusive. Elle s’appuie sur quatre éléments novateurs (technologies vertes, innovations numériques, biotechnologies et découvertes astrophysiques) ce qui la rend plus qu’actuelle. Elle souligne le rôle majeur des répartitions – notamment celles du revenu et des richesses – qui font ou défont le processus de croissance. Surmonter la crise liée au Covid-19 implique de repenser les politiques économiques et sociales. L’essai des deux économistes tente de tracer les trajectoires d’une sortie optimiste de la crise. Loin des discours ultra-libéraux - il propose de redonner à l’État son vrai et primordial rôle dans l’économie – il ne s’éloigne cependant pas de trop des principes fondateurs de l’économie qui voient dans l’entreprise libre et privée le moteur de l’économie et in fine de la croissance. Chapitre 1 : L’interminable querelle autour de l’offre et de la demande Faut-il stimuler l’offre ou soutenir la demande ?  Affrontement entre tenants de l’offre (Smith) et de la demande (Malthus) ancien  Covid-19 : choc d’offre (confinement) et de demande (baisse consommation des ménages)  il faut donc réconcilier les théories de l’O. Et de la D. Un débat obsessionnel Origine de la querelle : la « loi de Say » (« un produit terminé offre dès cet instant un débouché à d’autres produits pour tout le montant de sa valeur », Traité d’économie politique)  surproduction / récession / dépression sont impossibles Le « 5 dollars a day » de Henry Ford en 1914 illustre un modèle d’organisation qui repose sur la D.  Salaire de ses ouvriers à 5$ par jour au lieu de 3$ en moyenne, tout en réduisant la journée de travail à 8 heures Trois plans de relance économique incarnent ce débat historique  Freycinet (1978) : dynamique de l’offre par développement soutenu du chemin de fer  Rathenau (1915) : relance par l’offre mais « humaniste » (idée d’une croissance soutenable)  Moley (années 1930): inspirateur du New Deal (relance par la Demande ) La relance par la Demande est théorisée par Keynes dans sa Théorie Générale (1936)  les politiques keynésiennes sont menées jusqu’aux années 1970 (choc pétrolier de 1973) La fiction d’un monde sans débat entre offre et demande Walras : la régulation entre offre et demande est automatique sur le marché donc le débat ne se pose pas  l’épargne est le véritable moteur de la croissance  l’État doit resté à ses fonctions régaliennes (la régulation est automatique) Polanyi, La Grande Transformation, 1984  le « tout marché » est une utopie / un mythe  le social passe au second plan face à l’économie (il y est « encastré ») Les partisans du progrès technique ne s’intéressent pas, eux non plus, au rôle de l’offre ou de la demande dans le processus de croissance (Braudel, Schumpeter) La Récession suite à la crise de 2008-2009 relance cependant le débat Les post-keynésiens ou le retour de l’offre et de la demande Nicholas Kaldor (1972), « Les errements de la théorie de l’équilibre », Economic Journal  relation de « cumulative causation » entre offre et demande  croissance : augmentation demande : augmentation productivité : augmentation niveau de profit  « On peut considérer le développement économique comme la résultante d’un processus continu d’interaction – on pourrait presque dire, d’une réaction en chaîne – entre les accroissements de la demande induits par ceux de l’offre et les augmentations de l’offre suscités par celles de la demande. »  cette réaction en chaîne est le moteur de la croissance pour Kaldor Deux types d’investissements distincts (double face de l’investissement oubliée par Keynes)  investissement de capacité : nouveaux marchés / débouchés  investissement de rationalisation : mécanisation / robotisation pour accroître rentabilité de la production Offre-Demande-Innovation : un triptyque indissociable Schumpeter développe le concept de « destruction créatrice » dans la Théorie de l’évolution économique, 1911  « De nouvelles affaires se créent continuellement, appâtées par le profit. Il se produit une réorganisation complète de l’industrie, avec hausse de production, concurrence acharnée, disparition des entreprises obsolètes, licenciements éventuels. » Keynésiens et post-keynésiens sont partisans du principe de la demande effective / Schumpeter est assimilé à un théoricien de l’offre  Keynes et les post-keynésiens ne reprennent pas le concept de « destruction créatrice »  Cependant, ils s’accordent sur trois points essentiels :  les deux font de l’entrepreneur le principal acteur économique, le moteur de la croissance  les deux critiquent la maximisation du profit (contre la théorie classique)  l’hypothèse de concurrence pure et parfait des néoclassiques est rejeté (Schumpeter estime que la concurrence imparfaite est plus bénéfique que la concurrence parfaite) Chapitre 2 : De la violence des inégalités au primat de la répartition L’éternel débat sur les inégalités Caractère naturel de l’inégalité ?  Position des Physiocrates, pour qui la politique économique doit s’appliquer à reconnaître et assurer les inégalités (le droit de propriété)  Position d’Adam Smith diffère légèrement : il faut assurer le droit de propriété mais aussi condamner les privilèges de corporation  Aussi, il faut améliorer le sort de la classe ouvrière (« Peut-on vraiment regarder comme un désavantage pour le tout, ce qui améliore le sort de la plus grande partie ? »)  Veblen, Essays in Our Changing Order, 1954 : « L’histoire des origines de la propriété, depuis qu’elle a été écrite par les économistes, a été construite sur le principe des droits naturels et d’un ordre de la nature coercitif. » Le retour en force du discours sur les inégalités Picketty, Le capital au XXIème siècle, 2013  « loi fondamentale du capitalisme » : r>g (avec r le taux de rendement du capital et g la croissance économique dont dépend la progression des revenus du travail  Illustrée par les 1 % les plus riches  2012 : 20 à 30 % des revenus (contre 10 % en 1970)  Poids croissant de l’héritage dans le développement de ces inégalités Saez et Zucman, Le Triomphe de l’injustice, 2020  Ils soulignent le rôle essentiel de l’impôt (notamment progressif) sur les inégalités  Après la réforme Trump de 2018, certains milliardaires des EU sont moins imposés que la population moyenne  Ils proposent de réinstaurer un impôt sur la fortune Deaton et Case, « Rising morbidity and mortality in mid-life among white non-Hispanic Americans in the XXI century », PNAS, 2015  Ces deux économistes américains s’intéressent à la situation de ceux qui se situent à l’opposé des « ultrariches »  Contrairement aux prolétaires du XIXème siècle qui ont pu s’unir pour conquérir leurs droits sociaux, ces oubliés américains de la mondialisation son invisibles et ne se révoltent pas  Les deux auteurs soulignent que le responsable des conditions de vie misérables de ces « petits blancs » n’est autre que le faible niveau d’éducation de cette population Raj Chetty, « Is the United States still a land of opportunity ? Recent trends in intergenerational mobility », American Economic Rewiew, 2014  L’augmentation des inégalités aux EU fait monter le poids de la « birth lottery »  50 % des Américains nés en 1980 gagnent plus que leurs parents (contre 90 % pour ceux nés en 1940)  Mobilité ascendante est donc en panne aux EU Les lois dites « naturelles » sur la répartition La théorie du ruissellement est défendue par la « révolution conservatrice » incarnée par Reagan ou Thatcher  Baisse uploads/Finance/ fiche-lorenzi-et-villemeur-la-grande-rupture-2021-pilaz-thomas.pdf

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  • Publié le Apv 14, 2021
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