THÉORIE FINANCIÈRE ET STRATÉGIE FINANCIÈRE Gérard Charreaux Lavoisier | « Revue
THÉORIE FINANCIÈRE ET STRATÉGIE FINANCIÈRE Gérard Charreaux Lavoisier | « Revue française de gestion » 2006/1 no 160 | pages 109 à 137 ISSN 0338-4551 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-1-page-109.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Autant de questions auxquelles l’auteur tente d’apporter des réponses à l’issue d’une analyse de l’évolution de la théorie financière du début du siècle à nos jours. Ce qui permet d’éva- luer les progrès accomplis mais aussi de prendre conscience du chemin qui reste à parcourir. II y a plus de dix ans, en 1981 paraissait la première édition des Principles of Cor- porate Finance1, rédigée par Brealey et Myers. On peut considérer que ce manuel constituait le premier ouvrage fondant véritablement l’enseignement de la finance d’entreprise sur les enseignements tirés de la recherche financière; dix ans plus tard, Théorie financière et stratégie financière* Gérard Charreaux * Article publié dans la Revue française de gestion (n° 92, 1993). 1. Brealey et Myers. Principles of Corporate Finance, McGraw-Hill, 1981. Cette première édition a fait l’objet d’une traduction en français et d’une adaptation au contexte canadien: Brealey, Myers et Charette, Principes de gestion financière des sociétés, McGraw-Hill, 1984. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.66.6.25 - 17/02/2020 09:13 - © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.66.6.25 - 17/02/2020 09:13 - © Lavoisier la quatrième édition, publiée en 1991, apparaît être le manuel de référence de l’en- seignement de la finance sur le plan international. La première édition de ce best-sel- ler se concluait par un chapitre intitulé « What we do and do not know about finance ». Les connaissances en matière financière s’articulaient autour de cinq idées fondamentales, bien connues des financiers: la valeur actuelle nette, le modèle d’équilibre des actifs financiers, l’efficience des marchés financiers, le principe d’ad- ditivité des valeurs et la théorie des options. On peut remarquer que ce bilan des connaissances ne comprenait que des modèles ou des principes théoriques, qui consti- tuent cependant le noyau dur de la théorie financière et dont les applications actuelles et potentielles, pour la prise de décision financière, sont multiples, notamment en matière de choix des investissements, de politique de financement, de dividendes et d’évaluation de la firme. Une liste de dix problèmes irrésolus, considérés comme fondamentaux par nos deux célèbres auteurs, accompagnait cet état des connaissances: Comment sont prises les décisions financières? Quels sont les facteurs qui déterminent le risque et la valeur actuelle nette des projets d’investissement? Le risque et la rentabilité: avons- nous oublié un facteur important? Y a-t-il des exceptions importantes à la théorie des marchés efficients? Comment sont évaluées les options complexes? Comment peut- on expliquer les procédures d’émission des actions ordinaires? Comment peut-on expliquer la structure de financement? Comment peut-on résoudre la controverse sur la politique de dividendes? Quelle est la valeur de la, liquidité? Comment peut-on expliquer les vagues de fusion? L ’importance des questions précédentes, où figurent toutes les principales décisions qui constituent la stratégie financière, peut conduire à la conclusion que l’ignorance en matière de finance d’entreprise est presque totale. La théorie financière se révélerait inapte à expliquer les principales décisions finan- cières et les principaux résultats tenus pour acquis de la finance moderne, tels que la liaison rentabilité-risque ou l’efficience des marchés financiers, seraient remis en cause. Si on ajoute à cette liste les résultats des différentes enquêtes effectuées régu- lièrement aux États-Unis sur les critères de choix d’investissement utilisés effective- ment par les entreprises2, qui montrent que le critère de la valeur actuelle nette est loin d’être généralisé et qu’un critère très critiquable comme la période de récupéra- tion reste très utilisé, il conviendrait d’être pessimiste quant à l’utilité de la théorie financière pour la mise en œuvre de la stratégie financière. Cette conclusion est-elle infirmée dix ans plus tard, alors que l’effort de recherche s’est sensiblement intensifié, et que notamment le prix Nobel de sciences écono- miques a été décerné à quatre éminents chercheurs en finance, comme F. Modigliani, 110 Revue française de gestion – N° 160/2006 2. Voir, par exemple, Martin, Cox et MacMinn, The Theory of Finance, The Dryden Press, 1988, p. 115, pour un tableau de synthèse des résultats des études faites sur les pratiques des entreprises en matière de choix des investissements. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.66.6.25 - 17/02/2020 09:13 - © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.66.6.25 - 17/02/2020 09:13 - © Lavoisier H. Markowitz, M. Miller et W . Sharpe? La référence à la quatrième édition du manuel de Brealey et Myers nous donne une réponse immédiate et négative. Certes, la liste des éléments connus s’est accrue d’un article d’importance, la théorie de l’agence3, qui permet d’intégrer dans le raisonnement financier les conflits d’intérêt entre les différents partenaires de la firme, notamment les dirigeants, les actionnaires et les créanciers. La prise en compte de cette nouvelle dimension a permis de renouveler totalement l’analyse des principales décisions financières et d’apporter des éléments de réponse à de nombreux phénomènes financiers jusqu’alors inexpliqués, comme par exemple la politique de dividendes ou l’existence des financements hybrides comme les obligations convertibles. Cependant, la liste des questions non résolues est restée par ailleurs quasiment identique. Deux questions relatives à l’évaluation des options complexes et aux procédures d’émission des actions ont disparu. Elles ont reçu, sinon des réponses définitives, du moins des solutions qu’on peut considérer comme satisfaisantes4. Deux nouvelles questions sont apparues. La première est rela- tive à la valeur des dirigeants. Pour expliquer le phénomène de sous-évaluation de certains fonds d’investissement dont la valeur est inférieure à la somme des valeurs des actifs qui les composent, on suppose que le coût des dirigeants est supérieur au supplément de valeur qu’ils apportent. Les dirigeants constitueraient ainsi une créance hors bilan. La seconde question porte sur le succès des innovations finan- cières (nouveaux instruments et nouveaux marchés) qui n’est que partiellement expli- qué. À première vue, le bilan de la recherche en finance sur la dernière décennie apparaîtrait faible, d’autant plus que certaines questions, loin de s’être résolues, se sont plutôt complexifiées. Les études empiriques les plus récentes5 semblent remettre en cause le lien entre le taux de rentabilité et le coefficient de sensibilité β, donc les principaux acquis du Medal (modèle d’équilibre des actifs financiers). Le récent bilan dressé par Fama6 sur l’efficience des marchés financiers conduit à douter qu’une réponse définitive puisse être rapidement obtenue. La question de la structure de financement est devenue d’une complexité extrême7. En caricaturant, il semblerait qu’en matière de recherche en finance les questions restent identiques et que seules les réponses varient. Théorie financière et stratégie financière 111 3. L ’article de base en matière de théorie de l’agence appliquée à l’entreprise est celui de Jensen et Meck- ling, “Theory of the Firm: Managerial Behavior, Agency Costs and Ownership Structure”, Journal of Financial Economics, vol. 3, octobre 1976. On trouvera une synthèse en français dans Charreaux: « La théorie positive de l’agence: une synthèse de la littérature », De nouvelles théories pour gérer l’entreprise, Charreaux et al., Economica, 1987. 4. Voir notamment, pour une synthèse de la littérature sur les procédures d’introduction en Bourse, Jacquillat: L’introduction en Bourse, Que sais-je?, PUF, 1989. 5. Fama et French, “The Cross-Section of Expected Stock Returns”, Journal of Finance, vol. 47, n° 2, juin 1992. 6. Fama, “Efficient capital markets II”, Journal of Finance, vol. 46, n° 5, décembre 1991. 7. Lire, sur ce point, Harris et Raviv, “The Theory of Capital Structure”, Journal of Finance, vol. 46, n° 1, mars 1991. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.66.6.25 - 17/02/2020 09:13 - © Lavoisier Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.66.6.25 - 17/02/2020 09:13 - © Lavoisier Ce bilan apparemment négatif peut surprendre et il doit être nuancé. Première- ment, il faut distinguer, dans les questions non résolues, ce qui relève de la finance de marché et de la finance d’entreprise, même si cette distinction uploads/Finance/ gerrard-charreau.pdf
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- Publié le Mai 20, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
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