D’Aristote aux théories néolibérales Quelques repères historiques : Un certain

D’Aristote aux théories néolibérales Quelques repères historiques : Un certain nombre de concepts de l’économie en tant que science datent d’il y a bien longtemps. Jusqu’au XVIe siècle la réflexion économique n’était pas autonome : dans l’Antiquité elle était encadrée par un contexte philosophique et au Moyen-âge elle était sous tutelle de la théologie. Elle était alors suscitée par l’interrogation morale, plus précisément la peur du développement des échanges marchands. Le mot économie est né dans la Grèce antique au IVe av. JC, mais avec un sens différent de celui qu’on lui connaît aujourd’hui : il fait référence à l’art de bien administrer son domaine (oikonomia = le foyer ; nomos = la règle). Platon présente le marché comme une menace à l’ordre social. Ainsi le premier à avoir véritablement réfléchi sur les limites et le développement des échanges marchands c’est Aristote. A cette époque, la Grèce connaît un essor économique qui marque le passage d’une économie naturelle (l’essentiel des échanges se font au niveau d’un groupe restreint) à une économie marchande. Cela s’explique d’abord par un développement des activités économiques : on assiste à une augmentation des flux économiques, avec l’importation de matières premières et l’exportation de produits finis. Cet essor génère une appréhension parce qu’il fait apparaître de nouveaux groupes sociaux (marchands, commerçants) pour qui la préoccupation première est leur enrichissement personnel. Platon y voyait alors un accroissement des inégalités et des troubles sociaux (d’où la menace à l’ordre social). En fait Platon était plutôt favorable à une propriété collective et une répartition égalitaire des richesses, ce pourquoi il était très réticent au développement de l’économie marchande. A l’inverse, Aristote était plus favorable à la propriété privée (y voyant un moyen d’accroître l’efficacité) et pour lui les richesses doivent être réparties en fonction du mérite de chacun. Il opère tout de même une différence entre le commerce légitime utile, et celui qui n’a pour but que l’enrichissement personnel. Ainsi il pose les premières bases d’une réflexion économique sur ce qui est légitime et condamnable, sur le rôle de l’argent, la valeur d’usage… Sa pensée sera redécouverte au Moyen-âge, notamment au XIIIe siècle avec le théologien St Thomas d’Aquin. Ce dernier essaye alors de concilier la doctrine de l’Eglise catholique et la philosophie d’Aristote, principalement sur deux points : la notion de prix juste, et la distinction entre l’intérêt et l’usure. La XVIe marque une émancipation de la réflexion économique par rapport à la religion, parce qu’on est dans une période : ð de changements politiques : on assiste à la formation de l’Etat comme mode d’organisation sociale et forme de pouvoir. ð de changements économiques : les grandes découvertes, qui vont générer la colonisation des Amériques, font naître une concurrence entre les différentes puissances. ð de changements intellectuels : Machiavel et sa réflexion sur le pouvoir, et une rupture religieuse avec la réforme protestante. La formation des Etats européens s’est faite contre la féodalité. Ainsi l’Etat va se construire avec un double processus de centralisation : le monopole fiscal, (le monarque centralise l’impôt lui permettant de financer une armée, une administration et une justice) et le monopole militaire (c’est le roi qui concentre progressivement la puissance militaire). Très rapidement se pose la question du rapport entre l’économie et le pouvoir monarchique – apparition du mercantilisme (XVIe – XVIIe). Le mercantilisme correspond à un développement de la réflexion économique dans trois pays : la France, l’Espagne et l’Angleterre. L’idée est que l’activité marchande peut faire converger les intérêts du roi et les intérêts particuliers des marchands. Plus simplement l’enrichissement des uns va permettre l’enrichissement des autres. Cela s’explique par le fait que les marchands et les financiers ont besoin de la protection du roi dans un contexte d’insécurité des mers et que le commerce permet des rentrées d’or et éventuellement de ponctionner des taxes, donc des rentrées fiscales. Les mercantilistes développent l’idée que le commerce est un jeu à somme nulle : il faut dégager un excédent commercial pour avoir une rentrée d’argent (« nul ne gagne sans qu’un autre ne perd »). Ainsi ils font l’éloge de l’économie marchande, introduisant une rupture par rapport à la pensée médiévale en sortant de la sphère religieuse. On assiste donc à un phénomène de sécularisation des questions économiques, et l’économie devient politique au sens littéral du terme. Au XVIIe, Antoine de Montchrestien fait émerger le terme de l’économie politique et Jean Bodin fait pour la première fois un lien entre l’accumulation d’argent et l’augmentation des prix : l’excès de monnaie par rapport à la quantité de biens et de services en circulation entraîne une augmentation des prix. Le XVIIIe marque le début de la révolution industrielle, et comporte deux grands apports à la réflexion économique :  Les physiocrates : ce sont les premiers à formuler le libéralisme économique.  Les classiques : ce sont les premiers à défendre la suprématie du marché (ordre naturel des choses). Ces derniers vont être au cœur de la critique de Marx dans la deuxième moitié du XIXe : pour lui les lois économiques ne sont pas des lois naturelles – l’éco est inscrite dans le social, et le social dans l’histoire. Les néoclassiques apparaissent à partir des années 1870 : c’est le passage de l’économie politique à la science économique. Ils créent un nouveau paradigme pour penser l’économie dans un cadre calqué sur le modèle des sciences physiques (concepts abstraits, mathématisés, formalisés… Ils simplifient l’économie à deux agents importants (consommateur et producteur). La crise de 29 va être la matrice d’un grand changement dans la pensée économique avec les idées keynésiennes : il développe l’idée d’équilibre de sous-emploi, et défend l’intervention de l’Etat dans l’économie (les gouvernements s’en inspireront). Des idées ont ensuite émergé en opposition avec ces considérations avec le néolibéralisme dans les années 60. Il s’agit avant tout d’une critique de l’intervention de l’Etat dans le domaine économique. Histoire des théories économiques 1 THÈME 1 : L’émergence de la pensée économique I – L’apport d’Aristote (384 - 322 av. JC) a) La distinction entre justice distributive et justice commutative La justice distributive concerne la répartition des richesses au sein de la cité – contrairement à Platon, Aristote considère que la justice sociale (= recherche de l’équité) revient à donner en fonction du mérite de chacun. La justice commutative concerne les échanges économiques entre individus – pour Aristote, un échange suppose une réciprocité, donc chacun doit recevoir autant qu’il donne. Il est alors nécessaire d’établir un étalon-mesure commun : une monnaie. La réflexion d’Aristote va ouvrir deux voies : la théorie de la valeur-travail et la question de la satisfaction tirée de l’échange éco. b) La distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange La valeur d’usage d’un bien correspond à l’utilité que procure le service qu’il rend. La valeur d’échange correspond à ce que permet d’obtenir la vente d’un bien. c) La réflexion sur l’acquisition des richisses Aristote distingue deux formes de chrématistique :  Une forme légitime : il s’agit de toutes les activités économiques qui consistent à satisfaire des besoins – ex : échange ou autoconsommation.  Une forme condamnable : cela concerne les activités économiques destinées à un objectif d’accumulation illimitée des richesses – ex : vendre plus cher que l’on a acheté, les activités de spéculation ou les activités financières. Le travail salarié est également condamné par Aristote, parce qu’il est supposé dégrader le corps et que l’on n’imagine pas que le citoyen grec puisse vendre son temps et son énergie. d) La formulation des fonctions économiques de la monnaie Aristote attribue trois fonctions à la monnaie :  Un moyen de mesure de la valeur des marchandises : c’est un instrument qui permet d’exprimer la valeur sous forme d’un prix, et en général avec une unité de mesure commune.  Un intermédiaire dans les échanges : elle permet d’obtenir un équivalent général.  Une réserve de valeur : elle est recherchée pour elle-même. Pour Aristote cela peut conduire à des excès, car la monnaie se détache alors de son usage utile que sont les deux premières fonctions ; elle peut devenir un objet de désir, d’obsession. II – L’apport de St Thomas d’Aquin (1225 - 1274) Tout comme Aristote il défend la propriété privée, d’abord parce que c’est un droit naturel, mais aussi pour trois autres raisons :  Les individus s’occupent mieux de ce qui leur appartient.  Les individus travaillent plus et mieux lorsqu’ils sont à leur compte.  La propriété collective peut créer des désordres, donc la propriété privée est plus conforme à l’ordre social. La différence entre les deux penseurs tient du travail : St Thomas d’Aquin affirme que le travail est une activité de l’homme libre en s’appuyant sur les évangiles. C’est ainsi qu’il va essayer d’adoucir l’opinion de l’Eglise par rapport à la réalité économique. a) La question du juste prix Pour lui, la manière de légitimer l’activité commerciale est de développer la notion de juste prix ; c’est l’idée que la transaction ne doit léser personne. Il étend cette idée au uploads/Finance/ histoire-des-theories-economiques.pdf

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  • Publié le Dec 07, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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