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Revue d'histoire des sciences et de leurs applications Les carrosses à cinq sol

Revue d'histoire des sciences et de leurs applications Les carrosses à cinq sols et Christian Huygens Philippe Jansen Citer ce document / Cite this document : Jansen Philippe. Les carrosses à cinq sols et Christian Huygens. In: Revue d'histoire des sciences et de leurs applications, tome 4, n°2, 1951. pp. 171-172; doi : https://doi.org/10.3406/rhs.1951.2873 https://www.persee.fr/doc/rhs_0048-7996_1951_num_4_2_2873 Fichier pdf généré le 07/04/2018 DOCUMENTATION ET INFORMATIONS I. — DOCUMENTATION Les carrosses à cinq sols et Christian Huygens L'affaire française des carrosses à 5 sols, ces premiers omnibus parisiens, est assez connue pour qu'il suffise de la rappeler ici en quelques mots : Pascal et le duc de Roannez eurent l'idée de fonder une société destinée à exploiter un service de carrosses publics desservant les principaux quartiers de Paris. Louis XIV accorda son autorisation par lettres patentes en janvier 1662. Le duc de Roannez, les marquis de Sourches et de Grenan étaient les concessionnaires de cette entreprise dont Pascal et Arnauld de Pomponne étaient actionnaires. Dès le 18 mars les premières voitures parcouraient la capitale, reliant la Porte Saint-Antoine au Luxembourg. Successivement quatre autres « routes » furent mises en service. La première entreprise de transports publics était née et ses débuts s'avéraient profitables. Aussi le duc de Roannez ne s'arrêta-t-il pas là. Excellent homme d'affaires, il envisagea la création d'une entreprise similaire à l'étranger. Ami intime de Pascal, il était très répandu dans les milieux scientifiques. C'est là qu'il rencontra Christian Huygens que ses travaux de géométrie eť son Horologium avaient déjà rendu célèbre. Celui-ci, de passage à Paris durant l'hiver 1660-1661, lui fut présenté par Pierre de Carcavi. « Je n'ay rien eu ny de mon Pere ny de vous par ce dernier ordinaire, se plaint Huygens à son frère Constantin le 11 février 1661, et aussi je ne vous escris rien, ne croyez pas pourtant que c'est pour me revencher mais par ce que je n'ay pas le temps de vous rien mander ayant rodé tout ce jour avec le duc de Roanes par toute la ville, qui vient seulement de me ramener a cet heure chez moy... (1) » De retour en Hollande, Huygens resta en contact avec le duc de Roannez qu'il jugeait fort capable « pour les choses de Mechanique » et chargea son autre frère, Louis, alors à Paris, de l'aller voir de sa part et de (1) Huygens (Christiaan), Œuvres complètes..., publiées par la Société hollandaise des Sciences..., La Haye, Martinus Nijhoff..., Correspondance, vol. III, lettre n° 837. 172 revue d'histoire des sciences lui communiquer ses expériences. Le duc de Roannez, de son côté, mit Huygens au courant de l'entreprise qu'il lançait et le pressa d'obtenir une concession semblable pour la ville' d'Amsterdam. Voici la lettre adressée par Christian Huygens à son frère Louis le 20 juillet 1662 : « Je m'estonne, que ce bon duc de Roanes ait esté si longtemps sans vous rendre la visite, il me venoit veoir 3 et 4 fois la sepmaine quand j'estois à Paris. Pour ce qui est de la proposition qu'il fait que je demandasse a Amsterdam le mesme privilege qu'ils ont là pour les carosses, je croy premièrement qu'on n'y trouveroit pas son conte comme a Paris, parce que les rues y sont assez nettes et aisées ; et que le magistrat ne permet- troit pas aussi ce tracas par la ville, ayant a peine concédé a la fin aux particuliers d'avoir des carosses. Et quand il n'y auroit aucun obstacle, ce seroit une belle affaire pour moy de m'embarasser dans un parti comme cettui là, et d'avoir le divertissement de quelques proces. Il faut estre fort avide d'argent et estimer peu le temps, pour entreprendre des choses de cette nature (1). » Non seulement le duc de Roannez n'eut aucun succès auprès de son correspondant mais sa proposition fut même, ainsi qu'on le constate, jugée fort sévèrement. Sévérité que l'on ne s'explique guère, si l'on rapproche de cette lettre, celle que Christian Huygens écrira en février 1665 à son ami Chapelain, dans laquelle il se dira soucieux du bien public et ne se montrera pas non plus insensible au « profit » : « ... je ne poursuis pas le profits, assez satisfait d'avoir trouvé une chose utile pour le public... mais ne neglige pas celuy, qui s'offre, quand ce ne seroit que pour faire veoir que les sciences ne sont pas infructueuses » (2). Il semble que si Huygens écarta la suggestion faite par le duc de Roannez, ce fut plutôt par crainte de ne pas y trouver ce son conte », les difficultés de réalisation s'avérant beaucoup plus grandes à Amsterdam qu'à Paris. Amsterdam, cœur de la province de Hollande, la plus commerçante des Provinces-Unies, était théoriquement bien choisie pour devenir le siège d'une entreprise de carrosses publics, mais les rues y étaient étroites et, sauf permission exceptionnelle, il était interdit aux particuliers de rouler en carrosse. Le trafic se faisait surtout par voie d'eau, la ville étant traversée par de nombreux canaux (3). On peut toutefois regretter que Christian Huygens n'ait pas tenu compte d'une proposition remarquable pour l'époque, d'une idée d'avant-garde. P. Jansen. (1) Huygens (Christiaan), op. cit., Corr., vol. IV, let. n° 1036. (2) Ibid., vol. V, let. 1337. (3) Certains comme le Spui, le Nieuwe Zijds Voorburgwal et une partie du Damrak ont été comblés depuis, précisément pour répondre aux exigences croissantes d'une circulation routière qui, malgré cette amélioration, continue de poser un problème dans la partie ancienne de la ville. uploads/Finance/ jansen-philippe-les-carrosses-a-cinq-sols-et-christian-huygens.pdf