L’ECO MACRO-OUATARISTE EST-IL FIABLE Par David Ngouah Beaud / Yaoundé, le 03 Ja
L’ECO MACRO-OUATARISTE EST-IL FIABLE Par David Ngouah Beaud / Yaoundé, le 03 Janvier 2020 L’Eco est initialement un projet des Etats de la CEDEAO dont la gestation date de 1987. La réforme envisagée, ou pour certains la rupture projetée, ambitionnait essentiellement de remplacer le Franc Cfa par une monnaie détachée de la tutelle conjointe de la France et de l’Euro. Il s’agissait surtout pour ses promoteurs de créer une monnaie à la convertibilité fluctuante et déterminée par un panier de devises, ainsi que de supprimer l’obligation de déposer une part significative de leurs réserves de change dans un compte d’opération logé au Trésor français et géré unilatéralement par celui-ci. Sans toutefois oublier quelques autres exigences subsidiaires, toutes répondant à un besoin d’autonomie en matière de politique monétaire, supposée nécessaire à l’expansion économique des pays de la zone. Etant communément admis que le Cfa constituait un des facteurs de ralentissement de cette dernière. Mais force est de constater que l’annonce faite conjointement par Macron et Ouatara le 21 décembre 2019 à Abidjan est de nature à brider ces objectifs initiaux. Peu importe finalement que la France ait décidé de supprimer le compte d’opération ; de retirer ses représentants auprès des organes dirigeants de l’UEMOA ; ou de débaptiser le Cfa en Eco, dans la mesure où la configuration envisagée par ce duo maintient la parité fixe à l’Euro, la garantie de convertibilité fournie par la France, ainsi que l’impression de la monnaie sur le territoire français. Dispositifs insidieux qui permettent à la France de maintenir son implication et son influence sur cette zone monétaire, alors que justement il était question de l’en sortir. En effet, le principe de la parité fixe liée à l’Euro ne sert d’abord que les intérêts des français et des européens : d’abord comme instrument facilitateur du rapatriement de leurs capitaux vers leurs métropoles ; ensuite comme garantie contre le risque de change pour leurs opérations avec les pays africains concernés. Pour ces derniers par contre, cette fixité de change est un piège dans la mesure où elle handicape la compétitivité de leurs produits d’exportation, pour l’essentiel des matières premières, par une commercialisation taxée dans une devise trop forte, qui les renchérit sur le marché international. L’autre inconvénient de la parité fixe est de priver les pays de la zone du moyen d’ajustement économique que constitue une politique de change fluctuant. Les pays qui adoptent cette dernière peuvent plus aisément s’adapter aux variations économiques conjoncturelles en choisissant la dévaluation ou la réévaluation, selon le profil de leurs échanges internationaux, pour se mettre en adéquation avec leurs besoins financiers. A titre indicatif, l’Eco projeté par la CEDEAO quant à lui opte pour une flexibilité du taux de change lié à un panier de monnaies, dont celles des pays avec lesquels les échanges sont les plus importants. C’est le lieu de souligner qu’on ne saurait concevoir que le Yuan n’y figure point, eut égard à l’importance des échanges économiques que les pays concernés entretiennent aujourd’hui avec la Chine. Quant à la garantie illimitée de convertibilité vis-à-vis de l’Euro offerte par France à l’Eco, elle continuera d’être un leurre, sinon un gadget pour les africains, tout comme elle l’est actuellement avec le Cfa. Un rapport circonstancié de la Banque Mondiale a d’ailleurs confirmé, s’il en était encore besoin, que la France ne disposait pas de ressources propres suffisantes pour la faire jouer durablement en cas de nécessité. Parce que cet engagement suppose la prise en charge des déficits des balances de paiement des pays de la zone se trouvant en difficultés. Au cours de la longue histoire du Cfa, la France ne l’aura effectivement fournie que durant 14 mois. Ce fût à l’orée des années quatre-vingt-dix. Echaudée par cette coûteuse expérience, et pour éviter d’être contrainte à nouveau de compenser de semblables déficits, la France a imposé des mécanismes préventifs de discipline budgétaire et d’alerte au sein de la zone, auxquels elle veille jusqu’à ce jour. Macron et la France veulent paraître altruistes en promettant aujourd’hui de transposer cette garantie de convertibilité du Cfa à l’Eco. Mais à la réalité, il n’en coûtera rien de continuer de la fournir pour un risque improbable, à la surveillance duquel la France restera sans doute toujours fortement impliquée, au moyen de dispositifs ou d’institutions parallèles. En confirmation de cela, le magazine américain Financial Time nous révèle déjà que la France entend nommer un représentant indépendant à la Banque Centrale régionale qui succédera à la BCEAO, dont le rôle sera justement de surveiller les réserves de change. Contre le maintien de la production de la monnaie fiduciaire à Chamalières en terre française, il faut dire qu’elle participe de la volonté de la France de contrôler la masse monétaire en circulation dans la zone, privilège qui serait intrusif et illégitime dans le contexte du projet autonomiste de l’Eco initial, conçu par la CEDEAO. Cette confiscation de la fabrication des billets et pièces de monnaie par la France se double du plafonnement de la création de la monnaie scripturale au moyen d’un cantonnement de la masse des crédits distribués aux opérateurs économiques par les Banques locales. Bien que supposé lutter contre l’inflation, ce contrôle global de la masse monétaire apparaît obsessionnel, et reste détestable dans la mesure où la réduction du crédit fait à l’économie (entreprises et ménages confondus), impacte négativement sur l’investissement et la croissance, facteurs générateurs d’emplois. Alors que ces derniers sont d’une urgente nécessité dans le contexte de chômage endémique que vit la forte majorité jeune des pays de la zone. Au demeurant, la lutte contre l’inflation ne saurait être érigée en fin absolue, quand on sait qu’il en faut souvent dans une proportion adéquate pour décourager la thésaurisation et susciter la conversion de l’épargne en initiatives d’investissement. Raison pour laquelle la controverse suscitée depuis la conférence de presse conjointe du duo Macron-Ouatara tourne au rejet farouche des opinions africaines, particulièrement celle des jeunes à qui cette communication s’adressait en premier, comme l’avouera Macron dans son propos. En effet, ces derniers, loin d’être dupes, ont perçu ce point de presse avant tout comme une manœuvre dolosive, s’intégrant dans la stratégie française visant à saborder le projet initial d’une monnaie authentiquement africaine, pour le remplacer par une autre moins autonomiste et plus favorable à la préservation de ses intérêts néocoloniaux. En elles-mêmes, les circonstances entourant cette conférence rendent légitime la suspicion qui l’a accueillie : Macron et Ouatara l’ont initié et conduit isolément, sans y associer les autres chefs d’Etats de la zone ; les mesures de réforme annoncées ont été prises unilatéralement par la France seule, alors qu’il aurait dû s’agir de résolutions prises conjointement par l’ensemble des pays de la CEDEAO. Gardons à l’esprit l’exigence faite au sein de la CEDEAO par le Nigéria et le Ghana de purger la nouvelle monnaie de toute forme d’intrusion de la France et d’arrimage à l’Euro. Posture qui se heurte à l’ambition française de se servir de cette réforme, pour attraire les pays anglophones et lusophones du Golfe de Guinée dans sa sphère d’influence. Il faut dire que la tentation de préempter les deux pays précités est grande car ils se singularisent l’un par la grandeur de son marché constitué de près de la moitié de la population de toute la zone, et l’autre par la qualité de ses indicateurs de performances économiques La France n’aurait pas pu trouver meilleur cheval de Troie que Ouatara dans cette institution pour promouvoir sa stratégie de sabordage d’un Eco autonome. Celui-ci, il y a quelques mois encore sur le perron de l’Elysée, revendiquant son expérience à la tête du Fond Monétaire International pour se rendre crédible affirmait « candidement » que le franc Cfa était la meilleure monnaie qui soit pour les africains, qu’il fallait s’y maintenir et abandonner toute velléité de réforme. A croire que c’est justement son passage dans le moule des institutions de Bretton Woods qui l’aura rendu aveugle des évidents mécanismes de prédation coloniale contenus dans cette monnaie. Un comble ! David NGOUAH BEAUD, Consultant uploads/Finance/ l-x27-eco-selon-macron-et-ouatara-est-il-fiable 1 .pdf
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- Publié le Nov 22, 2022
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