Bernard TRIGALLOU L’HONNEUR D’UN NOTAIRE Spoliations et Raison d’Etat L’HONNEUR
Bernard TRIGALLOU L’HONNEUR D’UN NOTAIRE Spoliations et Raison d’Etat L’HONNEUR D’UN NOTAIRE 2 PREFACE Les notaires, au nombre de 8 000 environ sur tout le territoire, bénéficient d’un statut très protecteur d’Officier Public, qui leur confère un monopole sur tous les actes afférents à l’immobilier. Le « numerus clausus » (le nombre des études est fixe) et le tarif obligatoire (honoraires en pourcentage des capitaux exprimés dans les actes, indépendamment du travail effectif - absence de concurrence) créent une situation très particulière, qui autorise certains de ces professionnels à profiter de leur situation privilégiée pour « s’intéresser » dans les affaires de leurs clients. Le conflit d’intérêt est alors évident et conduit à la spoliation des clients trop confiants. Dans ce système clos, de type féodal, où la cooptation et l’adoubement prévalent souvent sur le talent et le mérite, quelques uns de ces notaires, bien qu’impliqués dans de telles opérations de spoliation, sont curieusement promus par leurs pairs à la présidence des instances ordinales. La situation est très préoccupante et certains, dont des organisations d’avocats, qui s’interrogent sur la légitimité de ce système, revendiquent le partage du gigantesque monopole sur les actes de l’immobilier, ce qui permettrait de créer une saine concurrence et de mettre un terme à ces agissements condamnables. A l’issue de la réforme qui s’annonce, il est vraisemblable que le futur « notaire européen » ressemblera plus à l’ « avocat-notaire » , sur le modèle du solicitor anglais, qu’au notaire français tel qu’il nous apparaît au travers des graves dérives constatées dans le présent ouvrage. Quant à l’auteur, sa conscience l’a conduit à refuser de faire équipe avec un notaire spécialiste des captations d’héritages, et à affronter une véritable « organisation » dont la préoccupation première était de sauver la face de cette Institution, au nom d’une sorte de « Raison d’Etat ». Ses scrupules n’ont pas pesé lourd face aux intérêts de la corporation et à la nécessité, pour les organisations impliquées, de présenter aux citoyens « d’en bas » une façade immaculée. Il en ressort lui-même totalement spolié, à l’image des clients des notaires indélicats. La première partie de l’ouvrage est consacrée à la description de divers cas concrets de spoliation par des notaires ; ensuite l’auteur expose sa propre expérience puis, après un survol de la littérature et de la face noire de notre Histoire (« l’aryanisation économique »), esquisse les perspectives de cette Institution. La lecture de cet ouvrage est vivement recommandée à tous ceux qui s’interrogent sur la légitimité de l’Institution notariale et sur la « modernisation de l’Etat », quotidiennement promise mais régulièrement ajournée. L’HONNEUR D’UN NOTAIRE 3 « LE COURRIER DE LYON » Le 10 septembre 1983, Monsieur L… dépose à l’étude de Maître P…, alors notaire à R…, 30 obligations au porteur du Crédit National à 6,50 % d’un montant de 200 F chacune, dont l’une était remboursable par tirage au sort à hauteur de 500.000 F. Ces titres, anonymes puisque « au porteur », peuvent être négociés librement, sans aucun contrôle, par la personne qui les détient ; ils sont, de ce point de vue, assimilables à des espèces. Ils dépendaient d’une succession P…, décédé le 5 janvier 1981, dont Maître P… était chargé, puis sont tombés dans la succession de Monsieur M…, décédé le 20 octobre 1984, avant même que la première succession fût liquidée. Notons tout d’abord que les notaires ne prennent généralement pas de titres en dépôt, ceux-ci étant plutôt déposés en banque, dans un coffre au nom des clients qui offre de bien meilleures garanties à tous points de vue. Cela évite de surcroît au notaire de délivrer le reçu réglementaire, et d’assumer la responsabilité de la conservation des documents. Pourquoi, contrairement à la saine pratique notariale, Maître P… a-t-il accepté ce dépôt, alors qu’il lui suffisait de conseiller à Monsieur L… de déposer les titres dans une banque, quitte à l’accompagner pour effectuer cette démarche ? Afin d’assurer la sécurité du déposant, au même titre que s’il avait reçu une somme d’argent, le notaire est tenu, bien évidemment, de lui délivrer sur le champ un reçu officiel, détaché d’un carnet avec doubles préalablement visé par la Chambre des notaires. Lors des inspections annuelles réglementaires, les notaires inspecteurs, accompagnés d’un comptable, sont tenus de vérifier que le notaire inspecté respecte bien cette obligation formelle. Il est toutefois évident que si le notaire a reçu des titres sans en délivrer de reçus, dans l’intention de les détourner, cela ne laisse aucune trace dans le carnet ! En totale contravention avec la déontologie, qu’il connaît pourtant parfaitement, Maître P… ne délivre pas le reçu obligatoire, et met ces titres de côté, sans autre formalité. Cette attitude laissait déjà présumer, chez ce notaire spécialiste de la spoliation des clients, comme nous le verrons plus loin, la préméditation. Non moins curieusement, Monsieur L…, le déposant, décède dans le mois qui suit le dépôt à l’étude de Maître P… . Le notaire avait-il pressenti le décès prochain de son client par une observation attentive ? Etait-il informé de l’évolution inéluctable de son état de santé ? Quoi qu’il en soit, la coïncidence de ce décès rapproché avec l’absence de reçu officiel crée, à l’évidence, les meilleures conditions pour le détournement des obligations. Le 21 septembre 1984, soit un an après le dépôt des titres à son étude, Maître P… se rend à LYON, à la gare, où il doit rencontrer Monsieur P…, un camarade de régiment devenu assureur, avec lequel il a organisé ce rendez-vous la veille, par téléphone. Selon Monsieur P…, son ami notaire lui a remis les titres à charge de les vendre et de le rembourser en liquide, afin de l’aider à résoudre des soucis financiers. Apprenant de Maître P… qu’une des obligations avait gagné un lot de 500.000 F lors du tirage, il avait refusé de la rembourser tant que son compte n’avait pas été crédité de la somme correspondante, ce qui est logique, s’agissant d’une somme importante. Bien évidemment, eu égard à l’origine des obligations, à la nécessité de régler Maître P… en liquide de façon à ne pas laisser de trace, et de surcroît en raison des relations d’amitié qui existaient entre eux, il était exclu que Monsieur P… délivre un son ami notaire un reçu en attendant de lui remettre le produit de la vente ! Le 26 novembre 1984, soit plus de deux mois après son voyage à LYON (pourquoi un délai aussi long ?), Maître P… dépose plainte avec constitution de partie civile contre son ami Monsieur P… , du chef de vol des titres. (Il ne fait pas bon être un ami de ce notaire – Ni son associé, comme nous le verrons). L’HONNEUR D’UN NOTAIRE 4 Cette plainte de Maître P… intervient un mois après le décès d’un héritier M… (le 20 octobre 1984). Le notaire aurait-il cherché, au moyen de cette plainte, à détourner sur son ami assureur l’inquiétude des héritiers qui lui demandaient ce qu’étaient devenus les titres ? Manifestement, si Maître P… avait prévu le décès rapproché de la personne qui avait déposé les titres à son étude, il n’avait pas imaginé que les héritiers de cette deuxième succession lui demanderaient des comptes. Le 4 mai 1987, les héritiers M… déposent à leur tour plainte contre X du chef d’abus de confiance, ce qui aboutit le 23 février 1988 à l’inculpation du notaire, Maître P…. Le 2 mars 1988, la Division Financière du SRPJ de LYON a procédé à une perquisition à l’étude, en présence du président de la Chambre des notaires. Le 21 avril 1988, ce dernier demandait au Conseil supérieur du Notariat de diligenter une inspection occasionnelle de l’étude, qui a eu lieu du 24 au 27 mai 1988. Le rapport d’inspection indique : . « La comptabilité valeurs (livre journal et grand livre) a été saisie par la police judiciaire de LYON au cours de la perquisition du 2 mars 1988 », . Maître P… est décrit comme « travailleur, compétent, strict sur la forme et sur le fond » ! Le rapport établi le 23 mars 1988 par l’Inspecteur Divisionnaire de la PJ précise : « Le scellé n° 9 est constitué par un carnet de doubles de reçus de valeurs ouvert le 13 octobre 1983 (les valeurs présumées volées ont été déposées à l’étude le 30 septembre 1983 – Pourquoi ne parle-t-on pas du carnet de reçus de valeurs en cours à cette date ?). Sur les doubles des reçus de valeurs n° 4 et n° 5 du 17 octobre 1984 figure à l’en-tête la mention suivante : « … Dossier des valeurs de successions P… . Reçu les valeurs ci-après de M… » - Coffre CRAM de V… (titres remis par Mr L… le 10 septembre 1983 contre reçu provisoire), en vue de règlement de succession. » « C’est ainsi que, contrairement aux règles de droit, un reçu provisoire a été remis à Mr L…, le déposant. D’autre part, il apparaît étonnant que les valeurs remises le 10 uploads/Finance/ l-x27-honneur-d-x27-un-notaire.pdf
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- Publié le Dec 01, 2022
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