1 Recueil Dalloz 2005 p. 3094 La responsabilité du banquier dispensateur de cré
1 Recueil Dalloz 2005 p. 3094 La responsabilité du banquier dispensateur de crédit après les arrêts du 12 juillet 2005(1) Béatrice Parance, Maître de conférences à l'Université du Maine, Membre du GRDA Le 12 juillet 2005, la première Chambre civile de la Cour de cassation réunie en formation plénière a rendu quatre arrêts(2) relatifs à la responsabilité du banquier dispensateur de crédit envers son client. La réunion de quatre pourvois portant sur une question unique et leur renvoi devant la formation plénière de la première Chambre civile marquent la volonté de cette Chambre d'exposer avec solennité son opinion sur la question de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit. Cette appréciation est corroborée par l'importante publicité faite à ces arrêts puisqu'ils sont notés FP-P+B+R+I, ce qui signifie qu'ils seront publiés au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, ainsi qu'au Bulletin d'information, qu'ils feront l'objet d'un commentaire au Rapport annuel de la Cour de cassation et enfin qu'ils sont communiqués sur le site internet de la Cour de cassation(3). On peut s'interroger sur les raisons qui ont présidé à la réunion d'une telle formation ? Jusqu'à présent, certains avaient pensé que la première Chambre civile de la Cour de cassation et la Chambre commerciale posaient des regards différents sur cette question ; il y aurait eu une insuffisante harmonie entre les jurisprudences de ces deux formations de la Cour de cassation(4). Ainsi, on aurait pu penser que la réunion de la première Chambre civile en formation plénière tendait à rechercher les bases d'une harmonisation de sa jurisprudence avec celle de la Chambre commerciale, en l'état d'une doctrine qui mettait en avant des incohérences. C'était oublier que ces deux Chambres ne connaissent pas du même contentieux, ce qui s'oppose à l'utilisation de concepts uniformes. A l'heure où l'on demande sans cesse à la Cour de cassation de résoudre les questions de droit avec le pragmatisme qui s'impose, il importe de concilier cet impératif avec celui tenant à l'unité des notions. Plus sûrement, par le prononcé de ces quatre arrêts, la formation plénière de la première Chambre civile affirme solennellement sa position sur la responsabilité du banquier dispensateur de crédit (I). Or les solutions rendues le 12 juillet peuvent surprendre au premier abord. Les quatre arrêts offrent quatre solutions différentes, et la première Chambre civile n'a prononcé aucun attendu de principe sur la question. Pourquoi alors avoir réuni une formation plénière de chambre, si ce n'est pour donner une solution de principe ? En réalité, c'est parce que la position de la première Chambre civile sur la question s'apparente à une véritable typologie (II). Ceci explique la réunion des quatre pourvois portant sur ce sujet, alors qu'un seul arrêt aurait été impuissant à synthétiser la position de la première Chambre civile. I - L'affirmation de la position de la première Chambre civile L'apport des arrêts du 12 juillet 2005 ne peut se comprendre qu'au regard de l'étude de la jurisprudence antérieure qui semblait difficile à interpréter. A - La jurisprudence antérieure au 12 juillet 2005 Si la Chambre commerciale de la Cour de cassation a toujours apprécié strictement la responsabilité de l'établissement dispensateur de crédit, la première Chambre civile avait développé une jurisprudence plus nuancée. 1 - L'appréciation stricte de la Chambre commerciale 2 a - La non-divulgation par le banquier d'informations déterminantes que l'emprunteur aurait ignorées La Chambre commerciale de la Cour de cassation a toujours retenu une définition relativement étroite de la responsabilité de l'établissement de crédit dispensateur de crédit. Comme il a été exposé dans le Rapport de la Cour de cassation, « un emprunteur ne peut invoquer la responsabilité de la banque pour octroi abusif du crédit que dans des circonstances exceptionnelles où lui-même aurait été moins bien informé sur sa situation désespérée ou celle de son entreprise que la banque »(5). Dans l'ensemble des arrêts rendus sur la question, la Chambre commerciale répète avec constance que la cour d'appel qui retient la responsabilité de la banque sans relever que la banque aurait eu sur la fragilité de la situation des emprunteurs des informations que ceux-ci auraient ignorées, viole l'article 1147 du code civil(6). Ainsi, seule une absence de symétrie dans les informations à la connaissance du banquier et de l'emprunteur est à même de justifier la responsabilité du premier, lorsque celui-ci possède des informations laissant supposer que l'emprunteur ne pourra honorer ses engagements. Un tel comportement du banquier serait constitutif d'une faute engageant sa responsabilité. En l'absence d'un comportement de cette nature, il n'y a pas lieu, selon la Chambre commerciale, de retenir la responsabilité du banquier. b - L'incidence du fait que l'emprunteur ait lui-même sollicité le prêt On doit aussi noter que, dans de nombreux arrêts, la Chambre commerciale expose, pour écarter la responsabilité de l'établissement bancaire, que le prêt avait été sollicité par l'emprunteur lui-même. Dans l'arrêt précité du 11 mai 1999, la cour d'appel avait retenu la responsabilité de la banque qui avait accordé un découvert en compte-courant à un entrepreneur de culture de champignons. Or cet arrêt a été doublement cassé, d'une part, pour un manque de base légale car la cour d'appel n'avait pas relevé que la banque savait que la situation de l'entreprise était irrémédiablement compromise, et sans rechercher pour le cas où elle l'aurait été, si, par suite de circonstances exceptionnelles, l'entrepreneur l'ignorait ; d'autre part, pour une violation de l'article 1147 du code civil, la cour d'appel ayant relevé que le prêt avait été sollicité par l'entrepreneur et que le banquier n'avait pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client. Cette double cassation pouvait laisser penser que la responsabilité de la banque était subordonnée à la réunion de ces deux conditions cumulatives. Et en effet, dans de nombreux arrêts, le fait que le prêt ait été sollicité par l'emprunteur lui-même était soigneusement relevé par la Chambre commerciale(7). Cependant, dans d'autres arrêts, la responsabilité de la banque a été écartée au seul motif que celle-ci n'avait pas eu connaissance de la fragilité de la situation des emprunteurs ou de la situation irrémédiablement compromise de l'entreprise, informations que par suite de circonstances exceptionnelles, les emprunteurs auraient eux-mêmes ignorées. Le fait que le prêt ait été sollicité par l'emprunteur n'est ainsi pas une condition nécessaire à l'admission de la responsabilité du banquier, selon la Chambre commerciale. Cet élément n'est pas retenu dans l'ensemble des arrêts. c - Le rejet de l'existence d'un devoir de conseil et d'information à la charge du banquier Enfin, dans certains arrêts, la Chambre commerciale a expressément affirmé que le banquier n'avait aucun devoir de conseil envers son client. Dans un arrêt du 24 septembre 2003 (n° 00-17.517, inédit), pour justifier le rejet du pourvoi formé contre un arrêt de cour d'appel qui avait écarté la responsabilité de la banque, la Chambre commerciale a jugé qu'« en l'état de cette constatation dont il se déduisait que la banque, dont il n'a pas été allégué qu'elle aurait pu avoir sur les capacités de remboursement de l'emprunteur ou sur les risques de l'opération financée des informations, que par suite de circonstances exceptionnelles celui-ci aurait ignorées, n'était redevable à l'emprunteur, qui disposait déjà de tous les éléments pour apprécier l'opportunité de l'emprunt qu'il souscrivait, d'aucun devoir de conseil ou d'information et n'avait commis aucune faute contractuelle, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ». 3 Dans de nombreux arrêts, cette absence de devoir de conseil du banquier envers son client n'a pas été affirmée expressément mais s'est déduite du rejet du moyen du pourvoi faisant valoir cet argument. Par exemple, dans un arrêt du 25 janvier 2005 (n° 03-14.002, inédit), la Chambre commerciale a écarté le moyen du pourvoi qui invoquait la non-exécution par la banque de son obligation de conseil et de mise en garde envers ses clients, au motif qu'il n'était pas de nature à permettre l'admission du pourvoi. Ainsi, la Chambre commerciale subordonne la responsabilité du banquier dispensateur de crédit au fait qu'il ait eu sur la fragilité de la situation de l'emprunteur des informations que, par suite de circonstances exceptionnelles, ce dernier a lui-même ignoré. Selon cette Chambre, le banquier n'est redevable d'aucun devoir de conseil et d'information envers son client emprunteur. La position de la première Chambre civile de la Cour de cassation sur cette question a pu, avant les arrêts du 12 juillet 2005, paraître plus difficile à interpréter. 2 - L'appréciation nuancée de la première Chambre civile Les arrêts de la première Chambre civile relatifs à la responsabilité du banquier dispensateur de crédit avaient dégagé certaines règles inhérentes à cette responsabilité. Cependant, ils manquaient de lisibilité et de prévisibilité sur le fondement de celle-ci. a - Première admission de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit L'un des premiers arrêts de principe dans lequel la première Chambre civile de la Cour de cassation a admis la responsabilité du banquier dispensateur de crédit envers son propre client date du 8 juin 1994(8). Il est vrai qu'il s'agissait d'une affaire exceptionnelle eu égard au comportement de la banque. Celle-ci avait uploads/Finance/ la-cour-de-cassation-pdf.pdf
Documents similaires








-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 14, 2022
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.1833MB