Lila GUERMAS-SAYEGH LA RELIGION DANS LES AFFAIRES : LA FINANCE ISLAMIQUE Mai 20
Lila GUERMAS-SAYEGH LA RELIGION DANS LES AFFAIRES : LA FINANCE ISLAMIQUE Mai 2011 www.fondapol.org www.fondapol.org LA RELIGION DANS LES AFFAIRES : LA FINANCE ISLAMIQUE Lila GUERMAS-SAYEGH La Fondation pour l’innovation politique est un think tank libéral, progressiste et européen. Président : Nicolas Bazire Vice-président : Charles Beigbeder Directeur général : Dominique Reynié La Fondapol publie la présente note dans le cadre de ses travaux sur la croissance. Les principes fondamentaux de l’islam s’appliquent aux transactions financières comme aux autres domaines de la vie des musulmans. Moralement normée, la finance islamique se démarque de la finance « tra- ditionnelle », davantage considérée comme amorale et distingue les biens et transactions halal (c’est-à-dire licites) de ceux qui sont haram (illicites). Elle obéit à des règles précises. Le droit musulman prohibe ainsi les transactions fondées sur l’intérêt ainsi que la spéculation, les opérations comportant une part d’incertitude trop importante et les échanges de biens considérés comme impurs (alcool, porc, armes, jeux d’argent, pornographie). Si elle découle de la religion musulmane, la finance islamique peut également être considérée comme une branche de la finance éthique. Elle repose ainsi sur des valeurs de responsabilité, d’équité, de justice sociale, de partage, de mutualité et d’équilibre, assez largement universalisables. Depuis une cinquantaine d’années, la finance islamique s’est consi- dérablement étendue et enrichie. Ses règles ont été adoptées par les institutions financières de la plupart des pays musulmans. Les banques occidentales implantées dans ces régions proposent également des produits financiers conformes aux principes de l’islam. Discipline relati- vement récente, elle doit progresser dans l’homogénéisation de ses règles et gagner en transparence pour parvenir à maturité. RÉSUMÉ 7 Lila GUERMAS-SAYEGH1 Docteur en sciences de gestion, directeur exécutif de u-carriere.com L’islam est une religion et une philosophie qui oriente les principes de vie de tout musulman. Ces principes se traduisent dans la vie privée, familiale, sociale, étatique, et constituent le cadre normatif de la oumma (la communauté musulmane). D’un point de vue commercial et financier, l’islam propose des règles précises. En effet, le droit musulman interdit les transactions fondées sur l’intérêt (riba) ou contenant des éléments de spéculation et d’incertitude (gharar et mayssir) et jeux de hasard (may- sir). La religion musulmane exclut aussi les échanges de biens considérés comme impurs, la pornographie, la consommation d’alcool, le porc, les jeux d’argent et les armes (haram, par opposition aux biens et tran- sactions halal, c’est-à-dire licites). Ces principes fondamentaux exigent donc une pratique de la finance plus appropriée et moralement fondée. En effet, la finance islamique se pense comme un compartiment de la finance éthique. Ses principes se veulent moraux, en ce qu’ils imposent un comportement normé, par opposition à la finance conventionnelle, non pas immorale, mais amorale, c’est-à-dire délestée de toute référence à une doctrine axiologique. L’éthique islamique (qui est le « pourquoi » de sa morale principielle) repose à son tour sur des valeurs de responsa- bilité, d’équité, de justice sociale, de partage, de mutualité et d’équilibre, assez largement universalisables. Les fondamentaux de la finance islamique trouvent leurs points d’ap- pui dans les sources du droit islamique des contrats (fiqh al-mu’amalaat) patiemment sédimentées par les jurisconsultes musulmans au cours des LA RELIGION DANS LES AFFAIRES : LA FINANCE ISLAMIQUE 1. L’auteur remercie M. Anouar Hassoune, vice-président et Senior Credit Officer chez Moody’s, pour son aimable contribution et M. Robert-Erich Polsterer (Amundi Multimanagement) pour ses conseils précieux. fondapol | l’innovation politique 8 quatorze derniers siècles. Ces principes ont été systématisés et codifiés durant les cinquante dernières années afin de mieux répondre à l’enjeu de la financiarisation des économies du monde islamique, avec une accé- lération notable depuis le premier choc pétrolier du milieu des années 1970, lequel a considérablement renforcé le poids de la finance arabo- musulmane dans la mondialisation. Les pays occidentaux ne s’intéressent que depuis les années 2000 à cette pratique, et ce pour deux raisons. La première est liée aux évé- nements du 11 septembre 2001 et à la volonté des pays du Golfe de rapatrier leurs fonds vers les pays musulmans. La seconde réside dans le renouveau religieux des pays musulmans et leur souhait de réaliser des investissements locaux. Nous pouvons ajouter une troisième raison liée à l’aspect éthique de la finance islamique et à la volonté de certains investisseurs d’intégrer des valeurs morales dans leur comportement. Le succès de l’industrie financière islamique a été dès le début sou- tenu par les investisseurs institutionnels et les États de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). Les particuliers n’y ont adhéré que plus tard, essentiellement à partir des années 1990, une fois que l’in- frastructure bancaire islamique (notamment son réseau d’agences) a été suffisamment robuste pour accueillir une clientèle en pleine croissance. Outre les banques islamiques commerciales et d’affaires, ce secteur inclut aussi un nombre important d’institutions spécialisées, notamment en matière de normalisation, de régulation, de conseil et de financement du développement. À ce titre, le groupe de la Banque islamique de déve- loppement (BID) – une banque multilatérale de développement – est considéré comme l’une des institutions financières islamiques les plus actives dans la promotion internationale de cette activité encore jeune. Par ailleurs, l’agence de notation Moody’s estimait fin 2009 la taille du marché de la finance islamique à 950 milliards de dollars ; ce dernier a crû d’environ 20 % par an au cours des trois dernières années. Selon d’autres sources, le secteur devrait absorber plus de 50 % de l’épargne rassemblée par 1,6 milliard de musulmans d’ici une décennie. Quels sont donc les principes de fonctionnement de la finance islami- que ? En quoi celle-ci est-elle différente de la finance conventionnelle ? Quelle place occupe-t-elle en France et dans le monde ? Et, enfin, quel sera son avenir ? Afin de mieux comprendre les fondamentaux de la finance islamique, il est nécessaire d’établir les sources du droit musulman et la place qui lui est réservée au sein de l’islam. La finance islamique 9 La loi divine de l’islam L’islam est fondé sur trois éléments essentiels : la ‘aquida (qui corres- pond à la foi), l’akhlaq (la morale et l’éthique) et la charia (qui décrit les pratiques de la religion). Le schéma suivant résume les fondamentaux de l’islam et la place réservée au commerce et à la finance. ISLAM ’Aquida La foi Activités politiques Charia Pratiques Activités économiques Ibadah Obligation du culte de Dieu Muamalat Pratiques quotidiennes Autres activités économiques Activités bancaires et financières Akhlaq Morale et éthique Activités sociales Schéma 1 : Les Fondamentaux de l’islam Source : Brian Kettel, Islamic Banking in the Kingdom of Bahrain (BMA 2002) ‘Aquida L’islam ne permet de croire qu’en un seul Dieu (Allah), à ses anges, à son livre saint, à ses prophètes et à la résurrection. Akhlaq L’akhlaq correspond aux valeurs éthiques liant les hommes entre eux et les hommes avec Dieu. Elle introduit des valeurs et de la compassion, de l’attention et de la considération, de l’amour et de la patience. Charia La charia est la loi divine de l’islam telle qu’elle est écrite dans le livre saint (le Coran) et représentée par la sunna (paroles et actes du prophète fondapol | l’innovation politique 10 Mahomet). Dans le cadre de la finance islamique, la charia vérifie le res- pect des principes religieux par la pratique économique et financière des investisseurs et des acteurs financiers. La charia est divisée en deux corps : ibadah et muamalat. L’ibadah traduit l’obligation de culte de l’homme envers Dieu et la muamalat explique les faits et gestes quotidiens qui régissent des relations entre les hommes. La muamalat encadre de ce fait les pratiques politiques, commerciales et sociales. L’activité bancaire et financière est une partie intégrante des pratiques commerciales. Les sources de l’islam Le droit musulman est issu de cinq sources hiérarchisées : le Coran, la sunna, l’ijma, le qiyâs et l’ijtihâd. Le Coran Le Coran est considéré comme la première source de la loi divine. Il est utilisé par les savants et les imams comme une référence pour répondre aux différentes questions qui leur sont posées. Le livre saint fournit éga- lement les fondamentaux pour les autres sources de l’islam. Par exemple, il regroupe les paroles de Dieu qui ont été révélées à Mahomet par l’ar- change Gabriel. Le Coran est divisé en 114 chapitres appelés sourates. Chaque sourate est elle-même composée de versets appelés ayates. La sunna La sunna est la deuxième source de la loi musulmane. Elle est fondée sur la pratique de l’islam par le prophète Mahomet. Elle comprend ses dires (hadith), ses actes, ses qualités morales et ses approbations. Mahomet est considéré comme le messager de Dieu. C’est pourquoi ses faits et gestes transmettent et traduisent la parole de Dieu. Les dires (hadith) du prophète Mahomet jouent le rôle de guide moral. Par exemple : « Le droit au revenu dépend de la responsabilité prise par rapport aux pertes correspondantes. » Les actes représentent quant à eux les méthodes pour établir les priè- res d’usage ou la préparation au pèlerinage (hajj). Enfin, les approbations incluent des faits et des dires des compagnons de Mahomet approuvés par ce uploads/Finance/ la-religion-dans-les-affaires-la-finance-islamique-lila-guermas-sayegh.pdf
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- Publié le Sep 26, 2022
- Catégorie Business / Finance
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