www.latribune.fr France métropolitaine - 1,50 € I S S N 0 9 8 9 - 1 9 2 2 rea V
www.latribune.fr France métropolitaine - 1,50 € I S S N 0 9 8 9 - 1 9 2 2 rea V ous avez entre les mains le dernier numéro de l’édition papier de « La Tribune ». Le quotidien, dont le repreneur devrait être connu en début de matinée ce lundi, cesse sa parution dans un contexte de crise majeure de la presse d’information en France et à l’étranger (lire en pages 2 et 3 et l’édito de l’équipe en page 23). Cette édition spéciale comporte un cahier central de 8 pages consacré au journal, à son histoire, ses histoires, son équipe, et publie quelques-uns des très nombreux témoignages de sympathie qui ont été adressés au journal et que l’on peut retrouver sur le site Latribune.fr. Nicolas Sarkozy fait bondir la TVA à un niveau record Aurélie Filippetti , députée PS : « Nous rétablirons l’indépendance des médias » La guerre des Malouines, c’est reparti Airbus veut mettre un tigre dans son Airbus A 330 Tension au sein du nouvel état-major d’EADS Les nouveaux défis de l’agriculture durable La plainte pour aide d’État contre Numericable vient-elle de France Télécom ? Le cas de la Grèce toujours pas résolu à l’ouverture du sommet européen L’introduction en Bourse de Facebook se précise… et aussi… Lundi 30 janvier 2012 - N° 4903 L'événement Lundi 30 janvier 2012 - La Tribune Page 2 Par Sandrine Bajos et Sandrine Cassini E t de deux. Après « France-Soir » en décembre, au tour de notre journal « La Tribune » de publier sa dernière édition papier. Ces deux arrêts, coup sur coup, témoignent de la vio- lente crise qui s’est abattue sur la presse quotidienne nationale depuis quelques années. Tous les titres souffrent : « Les Échos » et « L’Équipe », qui furent longtemps les seuls à gagner de l’argent, sont dans le rouge. « Le Monde » a dû sacrifier son indépendance pour éviter le dépôt de bilan, et appar- tient désormais à trois acteurs économiques, Xavier Niel (Free), Matthieu Pigasse (banque Lazard) et Pierre Bergé. Même le groupe Amaury a songé à se séparer du « Parisien-Aujourd’hui en Fran- ce » l’an dernier. « Libération », qui a été mis sous sauvegarde par deux fois, se redresse mais reste fragile. Si le groupe « Le Figaro » gagne de l’argent, le quotidien est déficitaire. Système de fabrication obsolète et sous-capitalisation chronique, Internet a fait ressor- tir les faiblesses ancestrales de la presse quotidienne française. La diffusion s’érode Depuis les années 1960, la diffu- sion des quotidiens nationaux n’a cessé de reculer. Si un média n’en a jamais tué un autre, l’arrivée de la radio, puis de la télévision, a eu un impact direct sur la place des journaux dans l’information. L’émergence d’Internet a accé- léré le phénomène : le citoyen ac- cède sur la Toile à une multitude d’informations rendant chaque jour moins nécessaire l’achat d’un quotidien. Or les ventes des titres rapportaient encore, il y a quelques années, plus de la moi- tié du chiffre d’affaires total des journaux. Aujourd’hui, non seu- lement les journaux n’ont plus le monopole de l’information, mais, en plus, cette dernière est désormais gratuite. Dans ce paysage, « La Tribune », qui a longtemps cherché sa place face aux « Échos », a dû affronter une concurrence chaque jour renfor- cée sur le Web. « La presse est en passe de devenir le seul média d’information payant », notait le rapport Tessier de 2007. fonte des revenus C’est le corollaire de la baisse de la diffusion. Entre 2004 et 2010, les recettes commerciales des quotidiens ont reculé de 28 %, selon l’Irep. La crise de 2009 a marqué un tournant impor- tant : l’annonceur n’est plus prêt à dépenser autant. Les revenus publicitaires du Web, bien qu’en forte croissance, ne parvien- nent pas à compenser l’érosion du chiffre d’affaires papier. Car sur la Toile, les tarifs sont très inférieurs. Autre problème, spé- cifique à la presse économique : les revenus de la pub financière, qui représentaient 70 % du chif- fre d’affaires commercial de « La Tribune » en 2000, sont en train de disparaître. Un premier décrochage est in- tervenu après l’éclatement de la bulle Internet, en 2001 : moins d’introductions en Bourse et des entreprises qui se tournent peu à peu vers le Web, moins onéreux, pour leurs communications lé- gales. Le coup de grâce arrive en 2007, avec la transposition de la directive Transparence, qui obli- ge les sociétés cotées à commu- niquer sur support électronique. Ont alors fleuri des plates-for- mes comme Business NewsWire ou PR Newswire qui proposent la diffusion de communiqués fi- nanciers moyennant un abonne- ment de 3.000 à 4.000 euros par an, alors que les journaux fac- turent des campagnes plusieurs dizaines de milliers d’euros. Le petit actionnaire individuel se raréfiant, beaucoup d’entreprises cotées se contentent désormais de ces services. « La Tribune » n’est pas la seule touchée. « Les Échos » sont en perte depuis 2008, « Le Journal des finances » a été fondu dans l’hebdomadaire patrimonial « Investir », lui-mê- me en difficulté. Lourdeur du processus de fabrication et de distribution La sous-capitalisation de la pres- se française s’explique d’abord par la lourdeur de ses coûts de distribution et surtout d’impres- sion, qui représentent la moitié du prix de vente d’un quotidien, selon un rapport du Sénat de 2007. Héritage de la Libération, le Livre CGT possède toujours un quasi-monopole d’embau- che dans les imprimeries de la presse quotidienne, un système unique en Europe. Il gère les ef- fectifs et impose sa grille de ré- munérations. Le Livre est aussi présent au sein du système de distribution de Presstalis (ex- NMPP) aujourd’hui au bord du dépôt de bilan. Au final, les quo- tidiens français sont les moins rentables d’Europe au niveau opérationnel — ce qui tend à n’attirer que les investisseurs en quête d’influence et non des in- dustriels du secteur. Chronique- ment déficitaires, les quotidiens n’ont pu ni investir dans l’offre éditoriale, ni anticiper les muta- tions technologiques. La fin d’un quotidien national, C ’est la dernière édition papier de « La Tribune ». Érosion des ventes, chute de la publicité, coûts de distribution et de fabrication, montée en puissance du Net sont autant de raisons expliquant les per- tes de la presse quotidienne nationale. « La Tribune » paraît pour la dernière fois sous la forme d’un quotidien national. Ce lundi, le tribunal de commerce aura choisi le nom du repreneur. Deux candidats sont encore en lice à l’heure où nous bouclons cette dernière édition dimanche. La Fi- nancière Patrimoniale d’Investissement (LFPI), le fonds d’investissement présidé par l’ancien associé gérant de Lazard Frè- res, Gilles Etrillard, et dirigé par Jérome Balladur qui prévoit une édition unique- ment numérique. Et le tandem composé du groupe de presse régional France-Éco- nomie-Régions associé à la régie de publi- cité sur Internet Hi-Media, dont le projet de reprise prévoit aussi un hebdomadaire. Quoi qu’il arrive, les trois quarts des 77 journalistes et des 160 salariés devront faire leur carton. Un épilogue tragique, qui vient clore 27 ans d’une histoire agitée et complexe. Eternel challenger, « La Tribune », qui a toujours tenté de se démarquer de son puissant concurrent « Les Échos », par un ton original, des titres percutants, et des innovations éditoriales régulières (qua- drichromie, photos) est la deuxième victime de la crise de la presse quotidienne. Mais pas seulement. Le journal, sans groupe puissant pour supporter les mu- tations technologiques et les crises, fait aussi les frais de multiples changements d’action- naires et de dirigeants. En quasiment trois décennies, pas moins de six propriétaires se sont succédé à la tête du journal. Principal tour- nant en 1993, LVMH rachète le quotidien, déjà en grandes difficul- tés, à l’entrepreneur Georges Ghosn. Si ce groupe industriel a englouti énormément d’argent, dans un quotidien, qui perdait à l’époque un million d’euros par mois, il n’a pas cherché à le développer, Bernard Ar- nault le qualifiant « d’investissement in- cident ». Une danseuse en quelque sorte. En 2007, il rachète « Les Échos » à Pear- son pour 350 millions d’euros (dette com- prise) et cède « La Tri- bune ». Pour attirer le chaland, il laisse dans les caisses 47 millions d’euros, censés finan- cer au moins trois an- nées de pertes. Parmi les candidats, Alain Weill l’emporte et pro- met des synergies avec son groupe audiovisuel NextRadioTV, qui ne se concrétiseront que marginalement. Il investit généreusement dans une relance : équipe rédactionnelle prestigieuse, édition du samedi, abandon du format tabloïd pour le berlinois. Pour- tant la crise financière s’abat sur le monde fin 2008. S’il réduit les coûts, notamment sur les invendus, le PDG de NextradioTV investit insuffisamment dans le numé- rique, et tarde à développer de nouvelles sources de revenus, comme le « hors mé- dia » (les salons, conférences, etc.). Au printemps 2010, Alain Weill, refusant de supporter des pertes qui s’élevaient uploads/Finance/ la-tribune-2012-01-30.pdf
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- Publié le Oct 29, 2021
- Catégorie Business / Finance
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