LE BANQUET DES SEPT GOURMANDS ROMAN GASTRONOMIQUE PAR PIERRE VINCARD. PARIS GUS
LE BANQUET DES SEPT GOURMANDS ROMAN GASTRONOMIQUE PAR PIERRE VINCARD. PARIS GUSTAVE SANDRE, LIBRAIRE RUE PERCÉE-SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS , II. LE BANQUET DES SEPT GOURMANDS. Chez le même libraire , GUIDEPOURSE MARIERDEVANTL'ÉTAT CIVIL, A L'ÉGLISEET CHEZLE NOTAIRE, ou Instructionsélé- mentaires sur lecontratdemariage,suivies d'un Aperçu critique sur la législation quirégitaujourd'hui cecontrat, parM. Louis NYER, Avocat. Écritavecbeaucoup de clarté, deprécision et d'intelligence, ce livrese recommande par son extrêmeutilité, autant aux hommes de loiqu'auxgensdu monde. SEMAINIERDES DAMES,Agendades ménageset compta- bilitédomestique de la maîtressede la maison,présentant sur une seulepageles dépenses et la recette,jour par jour, d'une semaine entière, avecla récapitulation descomptes pourladite semaine.(Cette comptabilité domestique est si facile,qu'un enfantdedixans pourrait la tenir sans difficulté.)- Prix de chaquefeuillerégléecontenant 4 semaines. 25c. Leregistrecomplet contenant 52semaines, relié. 4fr. REGISTRESPOUR LES MÉDECINS.(Voirle Catalogue à la fin du volume.) 1853, Paris. —Imprimerie deL.MARTINET, rueMignon, 2. LE BANQUET DES SEPT GOURMANDS ROMAN GASTRONOMIQUE PAR PIERRE VINÇARD. PARIS, GUSTAVE SANDRE, LIBRAIRE, RUE PERCÉE-SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS ,11. LE BANQUET DES SEPT GOURMANDS. CHAPITRE PREMIER. La Fête des Rois. I Dans le quartier du Marais, on voyait, il y a quelques années, une maison de modeste apparence, mais dès qu'on y entrait, on s'apercevait que son propriétaire l'avait au contraire meublée et ornée de tout ce qui pou- vait rendre l'existence heureuse et facile. M.Martin était un hommed'une cinquantaine d'années, remarquable par une obésité prononcée, et gourmand autant qu'il est possible de l'être. Disons aussi que ces défauts se trouvaient compensés par quelques qualités. AinsiM. Martin était presque toujours de bonne humeur, 1 2 LE BANQUET DESSEPTGOURMANDS. et malgré ses penchants gastronomiques, il ne s'était point encore ruiné. Il est vrai que sa femme sachant qu'ils avaient gagné leur fortune dans le commerce, ne permet- tait que rarement à son mari de satisfaire ses goûts. Ayant souvent entendu parler des nombreux gastrono- mes que l'amour du bien vivre avait réduits à un état misérable, elle ne voulait pas que M. Martin leur ressem- blât , et faisait une petite moue significative chaque fois qu'il prononçait avec emphase les noms de Grimod de la Reynière, du marquis de Cussy, et de tant d'autres non moins célèbres dans les fastes culinaires. Notre rentier ne pouvant donc suivre les traces de ceux qu'il admirait, s'en consolait en lisant cequ'il appelait les seuls bons auteurs (c'est-à-dire ceux qui traitaient de la Gastronomie), et répétait souvent cet axiome de Brillât- Savarin : « Les animaux se repaissent; l'homme mange; l'homme d'esprit seul sait manger. » Une fois par an, sa femmelui permettait cependant de donner un grand dîner, afin qu'il pût réunir ses amis et les traiter d'une façon splendide ; et il avait choisi le Jour des Rois, parce qu'à cette époque, disait-il, on peut vivre réellement. Au moment où nous commençons ce récit, l'époque solennelle approchait. La salle à manger de M. Martin prit donc un nouvel aspect; on la balaya; on la nettoya, on la frotta en tous sens. Cette pièce était ornée des por- traits des cuisiniers et des gastronomes les plus renom- més. En se promenant sur les quais, il avait acheté les deux gravures de Breughel : les Gras et les Maigres, et, par amour pour le sujet, il en avait aussi décoré sa salle à manger. Bien que le ménage de M. Martin pût être donné LAFÊTEDESROIS. 3 comme exemple à beaucoup d'autres, les deux jours qui précédèrent le dîner annuel furent bien douloureux pour notre rentier, car sa maison devint un enfer en miniature. MadameMartin ayant toujours conservé les fonctions de caissière, fixa pour la dépense du Jour des Rois une somme que son mari ne trouva pas suffisante. Il ne pouvait,disait-il, ayant si peu d'argent, recevoirconvena- blement ses invités; on aurait faim en sortant de chezlui, en un mot sa réputation était perdue si on ne lui donnait davantage, etc., etc., toutes choses que sa femme enten- dit , mais qu'elle eut l'air de ne pas comprendre. Il fallut donc se contenter de ce qu'elle voulait bien accorder. La veille du jour où il allait donner son repas, M. Mar- tin sortit de chez lui de très bonne heure, et rendit une visite à tous les marchands de comestibles; sa désolation devint inexprimable, quand il fut certain qu'il ne pou- vait acheter qu'une partie de ce qu'il avait vu. Le soir, harassé de fatigue, aussi crotté qu'on l'est à Paris pendant l'hiver, il revint portant un véritable fardeau de frian- dises de toute nature. Un auteur à la veille d'une première représentation n'eût pas été plus agité que ne l'était M. Martin. Enfin on arriva non sans tourment, non sans crainte, à ce jour tant désiré où notre rentier devait recevoir ses cinq convives. Disons un mot sur le caractère et la physionomie de chacun d'eux, en commençantpar celui dont la présence seule était un véritable honneur. M. Grimardias, savant érudit, possédant plusieurs lan- gues. Son principal titre à la gloire était un ouvrage en quatre volumesin-foliosur l'Alimentation anté-diluvienne, 4 LE BANQUET DESSEPTGOURMANDS. avec pièces justificatives. Ce savant était d'une avarice sordide, et ne dînait bien que lorsqu'il prenait un repas chez ses amis. Parleur infatigable, il avait aussi le défaut d'avoir ses poches garnies d'une foule de notes manu- scrites qu'il lisait à tout propos. M. Patelin, avocat. Sa spécialité était de plaider pour les falsificateurs de denrées qui avaient des démêlés avec la justice. Il défendait l'innocence et la candeur de Ces marchands qui vendent du bois de campêchepour du vin, du salpêtre au lieu de sel, de la farine à la place de cho- colat, et de la féculede pomme de terre pour de la farine de froment. Il avouait quelquefois qu'il gagnait difficile- ment ses causes, et disait à ses amis : « La mort par em- poisonnement me fait frémir; aussije respecte et j'honore mes clients, mais je ne leur donne pas ma pratique. » M. Maigret,docteur-médecin. Sa doctrine médicale con- sistait à ne jamais souffrir que ses malades cessassent démanger. Commentantla parole de Confucius, « Ladiète est la mère de tous les crimes, il ajoutait, et de toutesles maladies. » Si le docteur Sangrado eût encore existé, M. Maigret n'aurait pas eu de plus cruel ennemi. M. Tapagini, compositeur distingué. Il avait conquis une réputation européenne par sa Marche des Ecrevisses avec accompagnement de tambour de basque. Jeune encore, il était doué d'un coeur excellent, et eût été très heureux sans un amour excessif pour la bonne chère. Son existence aventureuse lui avait procuré des créanciers impitoyables, qui n'attendaient qu'une occasion pour l'envoyer une seconde fois à Clichy. M. Brillant, littérateur d'un grand mérite, concourant, pour tous les prix académiques. Il avait obtenu, disait- LAFETE DESROIS. 5 il, la faveur insigne d'être mentionné honorablement à Carpentras et à Quimper-Corentin, pour un poème en douzechants intitulé : L'Homme tranquille. Nous devons cependant avouer que personne n'avait entendu parler de cette oeuvre. Aucun des personnages précédents ne pou- vait dire au juste comment il avait connu M. Brillant, ce qui n'empêchait pas que, moitié par politesse, moitié par habitude, il faisait partie de tous leurs banquets. Il est un autre personnage qui figurera plus tard dans ce récit; mais ce n'est point encore le moment d'en parler. Ce qui plaisait surtout à M. Martin, c'est que ces hommes éminents ne s'occupaient, étant à table, que de ce qui avait trait à l'art culinaire, et, chose surprenante, quoique vraie, rarement de leurs propres oeuvres. La Renommée en entretenait le monde, et cela suffisait à leur gloire. Le Dieu Cornusavait rencontré une à une ces six hon- nêtes personnes et les avait réunies. En mémoire de Platon, l'érudition de M. Grimardias donna à leurs innocentes fêtes le nom de Banquet des sept Gourmands, quoique en réalité ils ne fussent que six ; mais ce savant espérait qu'un septième gastronome se rencontrerait un jour ou l'autre. C'est ce qui arriva en effet, ainsi qu'on pourra le voir, au chapitre deuxième de cette histoire véridique. II M. Martin était ravi, transporté; il avait trouvé la possibilité d'offrir les mets suivants à ses convives : 1. 6 LE BANQUET DESSEPTGOURMANDS. Un consommé de pâte d'Italie ; — un filet de boeuf piqué ; — un brochet à la régence ; — une poularde ; — un quartier de chevreuil mariné;—un riz de veau glacé; — un sauté de volaille aux truffes ; — un salmis de per- dreaux; — un chapon; —des oeufsà l'aurore, etc., etc. Son dessert se composait de : Deux assiettes montées, garnies de bonbons; — de deux tambours en petit four, assortis ; — de pommes de reinette avec gelée; — de marrons glacés; — de poires; — de fromage; — de raisins secs; — et d'oranges. Quant aux vins, ils provenaient des meilleurs crûs. A six heures précises, les convives arrivèrent tous, et, après les compliments d'usage, ils se mirent à table. Le couvert était admirablement mis, et le linge d'une blancheur resplendissante. Aussi le docteur ne put-il s'empêcher d'exprimer son contentement : — Vous nous traitez, dit-il en s'adressant au maître de la maison, non commedes amis, mais uploads/Finance/ le-banquet-des-sept-gourmands-roman-gastronomique-par-pierre-vincard-1853.pdf
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- Publié le Aoû 19, 2022
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