Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http:/ / www.cairn.info/ arti
Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http:/ / www.cairn.info/ article.php?ID_REVUE=RES&ID_NUMPUBLIE=RES_106&ID_ARTICLE=RES_106_0103 Le commerce elect ronique et la cont inuit e de la chaine logist ique. De l’ approvisionnement des sit es à la livraison aux consommat eurs par Emmanuel KES S OUS | Lavoisier | Réseaux 2001/2 - n° 106 IS S N 0751-7971 | pages 103 à 133 Pour cit er cet art icle : — Kessous E., Le commerce elect ronique et la cont inuit e de la chaine logist ique. De l’ approvisionnement des sit es à la livraison aux consommat eurs, Réseaux 2001/ 2, n° 106, p. 103-133. Distribution électronique Cairn pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © Réseaux n° 106 – FT R&D / Hermès Science Publications – 2001 LE COMMERCE ELECTRONIQUE ET LA CONTINUITE DE LA CHAINE LOGISTIQUE De l’approvisionnement des sites à la livraison aux consommateurs Emmanuel KESSOUS vec le développement de l’internet et du commerce électronique, la logistique, pour les biens matériels tout au moins, devient un enjeu essentiel. Bien des prophètes de la « nouvelle économie » voyaient il y a encore un an dans le commerce électronique un média permettant par la juxtaposition d’une relation directe aux consommateurs et une exploitation fine des bases de données, une source inexplorée de création de valeur par un marketing ajusté « one to one1 ». Aujourd’hui, le contexte a changé. Les valeurs boursières des sociétés internet ont subi de sévères corrections que chacun s’accorde à qualifier de nécessaires et les consultants qui hier encore montaient le segment B to C sur piédestal conseillent aujourd’hui d’investir dans des sociétés positionnées sur le B to B, certains d’entre eux allant même jusqu’à prédire dès à présent la mort probable d’un nombre important d’entreprises positionnées sur le segment fragile de la vente directe aux consommateurs par l’internet2. Les praticiens de l’économie (ancienne et nouvelle) ne sont d’ailleurs pas en reste dans l’élaboration et la diffusion de ce nouveau discours. Pour ne prendre qu’un exemple, SAP, entreprise leader sur le segment des ERP, a bâti sa dernière campagne de communication sur le thème de la profitabilité, qualifiant le secteur des entreprises qui s’y emploient de « nouvelle nouvelle économie3 ». Est-ce à dire que la médiation électronique des échanges ne modifie qu’à la marge le secteur de la vente à distance, renvoyant aux calanques grecques l’émergence de ce « nouveau monde industriel » tant de fois annoncée dans 1. ROGERS, PEPPERS, 1997. 2. Voir, par exemple, le cabinet de consultant Merber Management qui vient de publier une étude portant sur 270 entreprises. Les auteurs estiment que 57 % d’entre elles ont une capitalisation boursière inférieure à leur introduction en bourse, que de « nombreuses entreprises » ont un business model peu robuste privilégiant les revenus indirects et sans aucun seuil de rentabilité. http://www.01net.com/printerArticle/0,5112,1645+125509,00.html. 3. « L’e-business tient ses promesses : il n’a rien perdu de son importance stratégique avec l’émergence de la nouvelle économie. Bien au contraire, des notions telles que la planification, l’infrastructure technologique et la profitabilité que l’on a un temps considéré comme dépassé, sont de retour. Bienvenue dans la nouvelle « nouvelle économie ». (…) », Le Monde, samedi 28 octobre 2000, p. 21. A 106 Réseaux n° 106 la littérature économique4 ? Nous n’irons pas jusque-là. Mais sa spécificité, si spécificité il y a, s’exerce moins, tout au moins aujourd’hui, sur le caractère dématérialisé de la transaction que sur les transformations organisationnelles qu’engendreront à terme l’utilisation de l’internet et la diffusion des croyances sur ces potentialités5. Pour le dire en utilisant un vocabulaire qu’apprécient les praticiens de la « nouvelle économie », les transformations de l’internet porteront dans un premier temps moins sur le « front office » que sur le « back office ». Il apparaît donc clairement dès ses prémisses6 que le développement du commerce électronique dépend en premier lieu de la maîtrise de l’épreuve logistique sur laquelle se déclinent les contraintes coûts/productivité (donc en partie de rentabilité) et également, bien que cela soit moins intuitif, de marketing relationnel (par l’impact d’engagement sur les délais de livraison essentiellement). Le commerce électronique ne constitue pas une rupture radicale avec la vente à distance traditionnelle, mais procède par microdéplacements. Ceux-ci, notamment dans les caractéristiques de l’offre, provoquent des tensions tant sur la partie « chaîne d’approvisionnement » que sur la partie « relation client ». Des deux pôles de tensions, seules les premiers sont véritablement critiques et impliquent nécessairement à court terme des innovations organisationnelles. Vu sous cet angle, les investissements massifs dans les entreprises non rentables du commerce électronique B to C ne sont pas forcement irrationnels. Ils constituent les étapes nécessaires à l’acquisition, par processus d’essais/erreurs, du savoir nécessaire au développement d’un modèle de vente à distance capable de s’inscrire dans un régime d’économies d’envergure. Ce que nous nous proposons de faire dans cet article, c’est de prolonger le diagnostic en regardant à quel niveau s’exercent les tensions sur la chaîne d’approvisionnement/livraison et comment les acteurs s’efforcent de les résoudre. 4. Pierre VELTZ, 2000, met en perspective un nouveau modèle économique associant des principes tayloriens de rationalisation avec un ajustement des produits à la demande que l’on qualifiera pour simplifier de marchand. Mais, outre l’analyse d’Internet, cette évolution s’inscrit également dans les écrits antérieurs d’auteurs institutionnalistes (PIORE et SABEL, 1984) et régulationnistes (BOYER et DURAND, 1993). 5. Sur l’importance des croyances dans les activités économiques et de la spéculation autoréférentielle comme mécanisme de leur réalisation, on se reportera aux travaux d’André Orléan, par exemple, ORLEAN 2000. 6. Voir notamment les conclusions du rapport LORENZ, 1998. La continuité de la chaîne logistique 107 Pour mener à bien notre analyse, nous nous sommes appuyés sur des exemples recueillis lors d’entretiens avec des acteurs du commerce électronique. Plus que le caractère représentatif d’un corpus, nous avons cherché à différencier quelques cas sensiblement différents, mais aussi suffisamment représentatifs pour en tirer des conclusions généralisables7. Bien que notre objet d’étude soit la distribution des produits au consommateur final, nous devons, pour bien saisir les enjeux logistique du e- commerce, regarder l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des produits (supply chain) lors d’une vente en ligne. Cette perspective nous conduira à refuser la séparation consacrée par la presse spécialisée entre le B to B et le B to C parce que cette segmentation, si elle est pertinente pour l’offreur de technologie, l’est beaucoup moins pour l’analyste des déplacements engendrés. Il en est de même de la distinction faussement intuitive entre biens matériels et immatériels qui laisserait à penser que les seconds ne posent aucun problème techniques de médiation et de distribution. Dans cette acception, la définition du commerce électronique prend un sens plus large ne se limitant pas à la transaction, mais incorporant également les artefacts techniques (par exemple les automates dans les gares sur lesquels les internautes viennent chercher leur billet). Notre démarche analytique consiste à prendre au sérieux le discours et les pratiques des intervenants de l’économie, que ces derniers soient des théoriciens, des chercheurs, des journalistes ou des entrepreneurs. En effet, et comme l’énonce très clairement Michel Callon, Cécile Meadel et Vololona Rabeharisoa dans un article récent8 : « Les marchés économiques sont pris dans une activité réflexive : les acteurs concernés se posent explicitement les questions de leur organisation et, à partir de l’analyse de leur fonctionnement, s’efforcent de concevoir et d’établir de nouvelles règles du jeu. » Cette transformation s’effectue, selon les auteurs, grâce à la constitution de « forums hybrides » dans lesquelles intervient à tour de rôle l’ensemble des acteurs que ceux-ci soient praticiens, chercheurs ou représentants d’institutions de régulation. Dans cette conception, l’économie 7. Ce travail exploratoire sera prolongé en 2001 par une recherche comparative sur trois filières d’approvisionnement (les produits gris, le textile et l’alimentaire) réalisée en collaboration avec Eric Brousseau (Université de Paris-X-Nanterre), Christian Licoppe et Adelaïde Melain (France Télécom R&D) dans le cadre d’un appel d’offre du Prédit (Ministère de l’Equipement). 8. CALLON, MEADEL et RABEHARISOA, 2000. 108 Réseaux n° 106 redevient politique et les prises de parole des économistes formatent la réalité autant qu’elles l’expliquent. L’un des domaines souvent en discussion par les praticiens ainsi que par les théoriciens économiques depuis une trentaine d’année concerne l’appréhension de la qualité des biens sur le marché9. Or, il apparaît de plus en plus clairement grâce aux nombreux travaux sur la question que l’objectivité de ces qualités dépend d’opérations de qualification prenant en compte les caractéristiques de production (le temps, le lieu de uploads/Finance/ le-commerce-electronique-et-la-continuit.pdf
Documents similaires
-
18
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 03, 2021
- Catégorie Business / Finance
- Langue French
- Taille du fichier 0.1716MB