MANIFESTE D’ECONOMIE ET HUMANISME Centres d’Etudes des Complexes Sociaux 1942 N
MANIFESTE D’ECONOMIE ET HUMANISME Centres d’Etudes des Complexes Sociaux 1942 NOTRE RENCONTRE ET NOTRE APPEL Origine d’économie et humanisme Le conflit armé qui secoue le monde jusque dans ses fondements, avec le cortège de ruines, de souffrances et de mort qui l’accompagnent, avec l’immense et violent brassage de peuples qu’il provoque, n’est pas le résultat de causes purement politiques et il ne trouve pas en lui-même sa signification. Il ne constitue qu’un épisode, qu’un accident dans la longue suite de manifestations d’une maladie profonde de l’économie mondiale et de l’âme humaine. La guerre n’est que le symptôme éruptif d’un cas pathologique chronique. Cette vérité, si souvent exprimée, est presque un lieu commun. Il devient plus difficile de réaliser l’unanimité lorsqu’il s’agit de diagnostiquer la cause des malaises et des crises de l’avant-guerre et de la guerre ; et encore plus lorsqu’il faut remédier aux conséquences démesurées des troubles dont souffre le monde. Bien avant la guerre, par goût, par devoir professionnel ou simplement par suite de ses relations, chacun des fondateurs d’« Economie et Humanisme » s’est mis à la recherche des causes profondes du bouleversement universel dont les répercussions se manifestent dans le moindre village, dans le plus humble métier. L’expérience des fondateurs Le Père Lebret, qui s’est d’abord occupé de l’action spirituelle auprès des jeunes marins, a dû se convaincre, par une douloureuse enquête, que les jeunes pêcheurs ne peuvent plus gagner leur vie dans leur profession. Il étudie alors l’économie des pêches bretonnes, françaises, mondiales et, corrélativement, le marché du poisson. Dans le même temps, René Moreux suit la transformation des centres mondiaux de production, qui détermine l’évolution des échanges internationaux et des transports maritimes ; Jean-Marius Gatheron constatant les conséquences du déséquilibres chronique entre l’agriculture et l’industrie, analyse patiemment l’agriculture française et européenne et redécouvre la nécessité de l’alternance des activités ; François Perroux s’attache aux changements alors en cours dans les institutions politico-économiques de l’ancien et du nouveau monde ; Gustave Thibon, un paysan philosophe, observe l'évolution agricole et artisanale de la vallée du Rhône et se penche sur le destin de l’homme. Edmond Laulhère, un artisan inventeur vérifie à ses dépens l'emprise universelle de l'économie capitaliste et remet en lumière la hiérarchie des besoins ; Alexandre Dubois, un maître de forges, réfléchit sur les inconvénients du salariat et sur la distribution plus rationnelle du travail dans une région mi-industrielle, mi-agricole. Perspectives communes Nous sommes donc les uns et les autres préoccupés à la fois de l'économie et de l'homme. Chacun considère que son premier maître est le fait, chacun a le souci de la vie humaine des masses, chacun est amené par ses recherches et par ses expériences aux perspectives communautaires, chacun enfin est prêt à se joindre à ses partenaires. Rejetant tout système préconçu, toute théorie abstraite, mais nous appliquant avec loyauté, à l'étude des faits économiques initiaux, ceux qui émanent directement de l'homme ou le rejoignent dans sa personnalité même, nous sommes arrivés isolément à des certitudes convergentes sur la situation vraie du monde. Notre long cheminement parallèle aboutit, à notre rencontre dans le désordre même du désastre national, au plus fort de la bousculade tragique de la défaite militaire et de la débâcle civile. Nous étant confié mutuellement les inductions tirées de l'observation des complexes les plus divers, ces échanges d'idées fortifient nos assurances et nous donnent avec l'enthousiasme la conviction de la fécondité d'un travail d'équipe appliqué à la recherche d’une économie humaine en équilibre dynamique. Notre méthode Abandonnant les systèmes révélateurs d'idéologies, de préjugés ou simplement d'appétits, revenus à l'observation directe des faits humains, nous nous trouvons en possession d'une méthode précise pour l'étude des complexes sociaux. Si d'autres, enfermés dans une armure de théories rigides et prisonniers de conceptions périmées ne marchent qu'à tâtons, nous avons conscience d'évoluer librement vers la connaissance réelle des milieux économiques On ne peut en effet avancer avec sécurité que par le relevé exact de faits méthodiquement classés et minutieusement comparés pour en tirer par mode d'induction des principes universels. Si nous renonçons à établir les prévisions mathématiques dont s'enorgueillit une certaine science économique, nous pouvons progressivement concevoir les principes et les méthodes d'une économie à la fois ordonnée, à la fin de l'homme et évoluant dans le sens de la vie humaine. Aussi bien avons-nous été sauvés du désarroi intellectuel dont souffrent encore ceux qui en sont restés aux idées régnante ou à l’observation superficielle des fait politiques, économiques et sociaux. Invitation à ceux qui cherchent Nous avons confiance que plusieurs, après la lecture de, ce manifeste, verront s'évanouir leur angoisse et s’associeront à nos efforts. L'objet à connaître est immense et quelle que soit la diversité de nos champs d'observation et de nos expériences, nous ne saurions suffire à l'explorer. C'est pourquoi nous convions à nos travaux tous ceux qui recherchent le bien vrai de l'humanité. Pour faire partie d'« Economie et Humanisme », il suffit, en cheminant avec nous, d'observer méthodiquement les faits humains en vue d'assurer une vie plus heureuse aux hommes. Quiconque choisit un secteur pour l'étudier selon nos méthodes est des nôtres ; ses observations jointes aux nôtres permettront de condamner avec plus de force les fausses doctrines comme les faux prophètes, de fixer plus rigoureusement les voies d'évasion et les plans de reconstruction. Conditions de collaboration : sens humain de l'observation Pas besoin, pour collaborer avec nous, de ce qu'on appelle ordinairement la culture. L'observation du réel avec le souci du bien humain donne la vraie culture. Qu'importe que nos correspondants sachent tout juste écrire, s’'ils savent voir et si leur jugement est sain ! Ils pourraient même ne pas savoir écrire, si l'un de nos équipiers, les ayant rencontrés sur sa route et ayant découvert leur richesse profonde, les fait parler de ce qu'ils savent. Leur témoignage d'humbles et souvent de lutteurs a plus de prix pour nous que les propos étincelants des essayistes et les divagations faciles de bien des « maîtres ». Aux sources de la pensée Parmi nos équipiers certains explorent les textes inspirés, les Pères, les philosophes, les historiens, pour en extraire ce qu'il y a d'éternel dans l'homme et saisir les réactions de la pensée humaine et chrétienne en face des complexes sociaux d’époques révolues, mais qui ne sont pas sans analogies avec la nôtre. Dans la perspective de la personne D’autres scrutent les ressources profondes et les exigences de la personne sans pactiser, même dans leur recherche, avec le divorce pratique admis par certains psychologues expérimentaux, entre le corps et l'âme, la nature et la surnature. Des laboratoires en plein réel Aucun ne se contente de regarder et de noter. Tous ils analysent et reconstruisent ; condamnent et approuvent ; auscultent et diagnostiquent. Ce sont des philosophes du réel. Leur secteur étroit de recherche ne les borne pas : il les met en communion avec l’univers parce qu’ils ont le souci de l'homme et de l'humanité. Chaque jour leur apporte de nouvelles lumières. Hommes de science, ils recherchent le contact des hommes d'action et, à leur tour, se créent un laboratoire en plein réel, afin de ne pas perdre leur vie à la solution de faux problèmes ou à l'abstraction de chimères. La sagesse conciliatrice Ceux qui pourront être à la fois hommes d'action et hommes de science deviendront les sages dont ces temps troublés ont besoin. Le vrai sage est un conciliateur ; il est le seul juge du bien et du mal enchevêtrés dans l’être réel, de la vérité et de l’erreur amalgamés dans les systèmes, du sain et du morbide, du naturel et du surnaturel, conjugués dans le dynamisme social. Parce qu'il n'est pas partisan, il reconnaît à chacun son bien, à chaque doctrine sa vérité, à chaque mouvement sa santé. Le bien, le vrai, le sain sont les étages de sa maison, où il peut recevoir pour les unir les hommes en apparence les plus opposés. Une grande famille de chercheurs « Economie et Humanisme » se développera par ondes concentriques à partir de chacun de ses points d'enquête et de rayonnement, chaque fois qu'une équipe locale s’étant constituée, les équipiers auront commencé leur recherche. Chaque équipe sera aussi complète que possible. Les unes seront aussi riches en spécialistes qu'en hommes de synthèse ; universités de région ou de nation, elles auront leur vie équilibrée et autonome. Les autres devront se compléter ou se mettre sous la dépendance d'une équipe plénière. Toutes ensemble, et chacune d’entre elles, seront « Economie et Humanisme » : grande famille de chercheurs amis, mouvement qui s'étend sans arrêt à de nouveaux espaces, sécurité scientifique qui s'accroît sans cesse par l'extension de son donné et par le contrôle mutuel. Notre revue La revue « Economie et Humanisme » ne sera que le lieu privilégié de leur rencontre et la principale antenne de leur rayonnement. Ils s’y diront entre eux, en toute loyauté, ce que chacun sait ou conjecture ; ils le diront aussi aux amis qui déjà leur font confiance, aux chercheurs isolés ou découragés qui attendent une aide, aux uploads/Finance/ manifeste-1942.pdf
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- Publié le Jan 08, 2021
- Catégorie Business / Finance
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