Capitaliser sur le potentiel de la diaspora africaine en Europe pour mieux réus

Capitaliser sur le potentiel de la diaspora africaine en Europe pour mieux réussir en Afrique Le soleil se lève au sud Le soleil se lève au sud Sommaire Editorial. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 La diaspora africaine a changé, saurez-vous la reconnaître ?. 4 Mobiliser la force de frappe financière de la diaspora. . . . . . . 10 Mobiliser les compétences et réseaux de la diaspora. . . . . . . . 20 Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 2 Editorial Dans le cadre de ses activités de conseil en Europe et en Afrique, BearingPoint a constaté un intérêt de plus en plus marqué des opérateurs économiques au sujet de la mobilisation du potentiel de la diaspora africaine. Pénétrer les marchés africains, assurer le succès d’initiatives en faveur du développement, exploiter les poches d’innovation du continent ou s’inscrire dans le sillage des success stories africaines sont autant de motivations. Pourtant, entreprises comme bailleurs de fonds nous font souvent part de leurs difficultés à comprendre et à se saisir du potentiel de la diaspora, tant en termes financier – mobiliser son épargne – qu’en termes humain – tirer le meilleur de ses talents. Ce « point de vue » se veut porteur d’une vision dynamique et prospective de la diaspora africaine. Il s’appuie sur deux convictions. Premièrement : Le potentiel financier de la diaspora est immense (c’est la première force de frappe financière d’Afrique) mais il reste largement sous-exploité. Dès lors, comment le secteur public africain et les institutions de développement peuvent-ils s’emparer de cet atout pour démultiplier l’impact de leurs programmes de développement ? Deuxièmement : La diaspora, en tant que vivier humain, n’est pas un instrument, mais bien un partenaire de conquête de nouveaux marchés. De quelle manière les entreprises peuvent-elles se saisir de cette opportunité et « enlocaliser » leurs stratégies pour assurer un développement pérenne ? Mélissa Etoke Eyaye Senior consultante BearingPoint Astrid Kouamé de Bérail Senior consultante BearingPoint Jean-Michel Huet Associé BearingPoint 3 La diaspora africaine a changé, saurez-vous la reconnaître ? 4 Une génération émerge, porteuse d’une nouvelle vision Le concept de diaspora africaine en Europe renvoie à une large palette de représentations et d’expériences. La diaspora a longtemps été divisée par une frontière sémantique et sociale qui plaçait d’un côté les expatriés et les acteurs de la fuite des cerveaux (CSP+, entrepreneurs, étudiants) et de l’autre les immigrés (ouvriers, seniors, sans-papiers). A ceci s’ajoutait la dimension générationnelle des natifs de première ou de deuxième génération. Mais pour l’Union Africaine (UA) la dias- pora africaine est un concept tout autre. Qualifiée de « sixième région » de l’Afrique du fait de son poids en termes de nombre d’hommes et de femmes et de finances mobilisables, la diaspora ne correspond plus à l’ensemble des personnes d’origine africaine plus ou moins lointaine vivant hors d’Afrique, mais se recentre plutôt sur celles qui contribuent activement au développement du continent. C’est le sens de la création, par l’UA en juillet 2018, de l’Etat de la Diaspora Afric- aine. Son objectif : structurer les pouvoirs politique, économique et culturel d’une diaspora qui représenterait 350 millions d’habitants, soit plus que la population des Etats-Unis. Doté d’un gouvernement et piloté par un Premier ministre, l’Etat de la Diaspora a défini un agenda incluant différents projets, de la restitution du patrimoine cultuel, à la création d’une banque africaine de la diaspora, en pas- sant par la mise en place d’une université numérique pour l’Afrique. Raisons économiques Un faisceau d’explications d’ordre économique éclaire ce changement de paradigme. En premier lieu, les relations Afrique-Eu- rope ont pris un nouveau tour : avec la crise qu’ont connu les pays de l’OCDE de 2008 à 2010, le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé du Nord vers l’Est et le Sud, et l’Afrique a poursuivi son intégration dans l’écono- mie mondiale. Les demandes des pays asiatiques ont dans une large mesure pris le relais de l’Europe et des États-Unis. Ce nouveau schéma économique mondial profite à l’Afrique qui peut désormais s’engager dans des coopérations avec un nombre croissant de partenaires (Chine et Turquie notamment), offrant des res- sources financières et des modalités de coopération inédites. Ensuite, la contrainte financière qui ex- istait est en train de se desserrer pour un 5 certain nombre de pays, pour lesquels trouver de l’argent n’est plus la question fondamentale, mais plutôt celle de savoir comment l’utiliser au mieux. Enfin, la question de la pertinence de l’aide extérieure devient de plus en plus prégnante, comme en témoignent les récentes prises de positions des présidents ghanéen et rwandais sur ce sujet. Raisons politiques Au niveau politique, il apparaît que la diaspora constitue de plus en plus un acteur de poids dans son pays d’origi- ne. En effet, dès les indépendances, des membres de la diaspora ont su revenir dans leur pays pour y occuper des postes de leaders politiques (Felix Houphouët- Boigny en Côte d’Ivoire, Kwame Nkrumah au Ghana ou Nnamdi Azikiwe au Nigeria), mais la participation des membres de la diaspora à la vie politique a été renforcée ces dernières années par l’octroi de plus en plus répandu de la double nationalité ainsi que du droit de vote aux non-rési- dents. Plus de la moitié des Etats africains permettent désormais à leurs citoyens établis à l’étranger de participer aux élections nationales de leur pays d’origine. Parallèlement, l’engagement partisan de la diaspora se double d’autres types d’en- gagements forts, notamment associatifs ou entrepreneuriaux. Raisons sociales et culturelles Créé en 2005, par Taiye Selasi, romancière britannique originaire du Nigéria et du Ghana, le terme « Afropolitain » désigne la nouvelle génération d’Africains marquée par la culture urbaine. En 2013, l’écrivaine camerounaise Léonora Miano a remis au gout du jour le terme « Afropéen » pour désigner les personnes d’ascendance subsaharienne ou caribéenne de culture européenne.1 Ces mots valises mettent en lumière une multi-appartenance qui se joue des frontières et désignent la condition particulière des personnes noires vivant dans un espace à majorité blanc. Par la création de ces termes, la diaspora tend à reprendre le contrôle de sa narration et à exprimer la complexité de son vécu. Pour la journaliste française Chayet Chiénin, originaire de Côte d’Ivoire, la jeune génération des Africains de la diaspora vit un réel retour aux sources depuis une dizaine d’années. Ce phénomène générationnel se caractérise par l’affirmation d’un afro-féminisme, le boom du nappysme2 (valorisation des cheveux crépus), ou encore la mode africaine, avec l’explosion du nombre de 1 Libération, 2015 2 Le Monde, 2018 6 fashion designers utilisant le wax mais également les tissus proprement africains comme le kita ou le bogolan. On voit également apparaître des artistes africains côtés sur le marché international de l’art contemporain comme la plasticienne sud-africaine Mary Sibande, le sculpteur ghanéen El Anatsui, ou la photographe éthiopienne Aïda Muluneh, ainsi que de nombreux évènements et galeries d’art spécialisées, implantées en Europe mais surtout sur le continent comme à Dakar, Abidjan ou Cape Town. De nouveaux rôles-modèles ont également récemment émergé comme l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozie Adichie, l’actrice kényane Lupita Nyongo ou le dirigeant d’entreprise ivoirien Tidjane Thiam, Directeur général de Credit Suisse, dans lesquels se reconnaissent un nombre croissant de jeunes africains.3 3 Le Monde, 2014 “Le terme « Afropéen » désigne les personnes d’ascendance subsaharienne ou caribéenne de culture européenne” 7 LE MONDE ANGLOPHONE STRUCTURE L ’AVANT-GARDE DE CETTE TRANSFORMATION Aux Etats-Unis, la conscientisation Signe d’un désir de « conscientiser » son héritage et son vécu, on assiste aux Etats-Unis à un renouveau du cinéma consacré à l’esclavage et à la ségréga- tion raciale avec des films à succès tels que La Couleur des Sentiments en 2011, Django Unchained en 2013, Twelve Years A Slave en 2014. L ’emblématique série Roots de 1977 a fait l’objet d’un remake en 2016. En plus d’évoquer le passé, le cinéma américain s’est tourné vers l’afro-futurisme avec la sortie du film Black Panther qui a réalisé le cinquième meilleur démarrage de tous les temps. Au Nigeria, le soft power La production africaine n’est pas en reste et constitue une source d’influence rayonnant au-delà de l’Afrique anglophone. Nollywood propose plus de 2000 films par an, avec une audience estimée à 150 millions de spectateurs. The Wedding Party, comédie romantique nigériane, réalise dès sa sortie en 2016 plus de recette que les superproductions hollywoodiennes (1,2 million d’euros). Au Ghana, la série culte An African City surfe sur la réappropriation du storytelling par les africains.1 1 Nicole Amarteifio, créatrice de la série et « Top 25 des Africains uploads/Finance/ le-soleil-se-leve-au-sud.pdf

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  • Publié le Oct 24, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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